La 96e cérémonie de remise des Academy Awards approche à grands pas et le film Barbie est présent dans plusieurs catégories, dont celle du meilleur acteur de soutien pour Ryan Gosling qui y interprète la poupée Ken. Le moment est donc idéal pour revenir sur une autre poupée masculine qui a occupé l’actualité des pages de Fugues en mars 1997 : Billy !
Dans le cadre de son quarantième anniversaire, Fugues poursuit son exploration du passé avec une poupée qui a fait la manchette en s’imposant comme un concurrent résolument plus adulte du célèbre Ken qui, il faut l’avouer, constitue avant tout un accessoire de Barbie, au même titre qu’un sac à main.
Ken a connu son heure de gloire en 1993 lorsqu’un modèle affichant une multitude de codes culturels gais s’est retrouvé sur les étalages des magasins.
La frénésie d’achat qu’il a suscité dans la communauté gaie était cependant avant tout marquée d’une bonne dose d’humour. En 1997, Ken passe cependant aux oubliettes avec l’arrivée d’un redoutable successeur qui s’accompagne d’une épithète évocatrice : The World’s First Out and Proud Gay Doll(la première poupée au monde ouvertement et fièrement gaie).
Création de John McKitterick et Juan Andres, la sculpture initiale fut conçue en 1992 et exposée, en 1994, lors d’un événement en soutien à la lutte contre le sida. Trois ans plus tard, Billy est commercialisé par Totem International et se voit propulsé en tête d’affiche de tous les médias de la planète. À noter que le lancement s’accompagne de partys — portant le nom évocateur de Billy Coming-Out Parties — dans de nombreuses villes du monde avec des danseurs arborant ses vêtements. Au Québec, c’est dans les pages 8 à 10 de son édition de mars 1997 que Fugues annonce, en grande pompe, l’arrivée de : Billy, la poupée… gaie !
Malgré ses velléités d’être la première poupée gaie, cet honneur revient plutôt à Gay Bob, une poupée masculine créée en 1977 par Harvey Rosenberg. Point commun entre les deux produits : elles se vendent uniquement à un public adulte puisqu’elles sont anatomiquement parfaites, contrairement au pauvre Ken qui demeure depuis toujours émasculé.
Les deux modèles présentent également des hommes bien baraqués, mais là où ils divergent, c’est dans leur représentation de l’anatomie génitale. Là où Gay Bob emprunte le chemin du réalisme, Billy navigue dans les eaux de la fantasmatique. D’une dimension de 33 cm (13 po), Billy est doté d’un pénis d’une longueur de 3,8 cm. Si on transpose ses dimensions chez un homme de 1 m 88 (6 pi 2 po), on obtient un très respectable 21,6 cm (8,5 po). Au repos !
Billy n’est par ailleurs pas condamné au célibat puisque la ligne propose des compagnons qui l’accompagnent dans ses aventures : Carlos, son petit ami portoricain (le seul à être non circoncis) et Tyson, un ami afro-américain. À l’instar de Barbie, les poupées s’accompagnent d’une variété de vêtements et pas moins d’une trentaine de modèles différents furent lancés entre 1997 et 2001 : maître du donjon, cowboy, marin, lutteur, pompier, tuxedo, cuir, etc.
En 1999, à l’occasion du 30e anniversaire de la Révolte de Stonewall, une version drag de Billy et Carlos a même été produite, où ils portent les noms de Dolly et Carmen. Les objectifs ne sont par ailleurs pas que mercantiles puisque Billy est régulièrement associé à des événements visant à amasser des fonds ou à sensibiliser les jeunes aux réalités du sida.
En 1999, il fait son apparition dans le film The Big Tease, portant sur un concours international de coiffure, puis tient la vedette dans le court métrage d’animation image par image Jeffrey’s Hollywood Screen Trick et dans un film porno, en prise de vue réelle, Billy 2000 : Billy Goes to Hollywood basé sur les personnages de la ligne.
En 2004, c’est cependant l’heure de la retraite puisque les deux concepteurs sont d’avis qu’il a atteint les objectifs ciblés de diversité, de plus grande visibilité des communautés gaies, de promotion du sexe sans risque et de sensibilisation au sida.
Ailleurs dans l’actualité du mois de mars, on peut noter qu’en 1998 Fugues annonce la disparition d’un haut lieu des fins de soirée du Village à la suite de l’incendie du restaurant Le Crystal et qu’en 2003, Statistique Canada révèle que le recensement comportera dorénavant des questions sur l’orientation sexuelle.
Si on recule plus loin, on peut citer les pages frontispices du 20 mars 1950 de La Patrie, du Herald et du Montréal-Matin, qui se moquent allègrement de l’arrestation, au Lion d’or, de 376 hommes gais dans le cadre de « fiançailles illégales ». Finalement, le Ici Montréal du 30 mars 1957 lance un cri du cœur bien senti à l’effet que : « Les infirmiers se révoltent à la pensée de passer pour “fifi”. »
INFOS | Autre article : Barbie, la petite histoire du Ken gai des années 90 – Fugues