Un classique, que ce soit en littérature ou encore au théâtre, est une œuvre qui demeure toujours un miroir de ce que nous vivons, quelle que soit l’époque où elle est lue ou montée. C’est le cas avec les dramaturgies de Tennessee Williams, qui viennent rejoindre des préoccupations intemporelles. Pour sa soixantième année d’existence, le théâtre Denise-Pelletier a choisi de reprendre la première pièce qui a fait connaître au grand public l’auteur américain, La ménagerie de verre.
Peut-être moins connue aujourd’hui que deux autres œuvres de cet écrivain du sud des États-Unis gravées dans la pellicule (Un tramway nommé Désir et La chatte sur un toit brûlant), La ménagerie de verre est un huis clos où se dessinent déjà tous les thèmes et toutes les obsessions que développera l’auteur dans ses œuvres suivantes.
Tom, le personnage principal, se remémore un épisode familial alors qu’il cherche à fuir une ambiance étouffante entre une mère obsédée par la perte de sa jeunesse et une sœur souffrante, qui le retiennent prisonnier par la culpabilité. Alexia Bürger, qui signe la mise en scène, alors à la recherche d’un texte à monter, se souvient d’avoir relu cette pièce en prenant conscience de sa force : « À la lecture, je me suis rendu compte à quel point la forme me terrifiait et m’attirait, cette mémoire revisitée et donc du symbolisme qui s’en échappe de cet homme pris entre l’amour pour ces deux femmes et en même temps son désir de s’en échapper comme pour une question de survie, de survie mentale. »
Celle qui a déjà signé la mise en scène de la pièce Les Hardings autour des événements du Lac-Mégantic s’est interrogée à savoir ce que ce texte de T. Williams pourrait dire à un public d’aujourd’hui tout en restant fidèle à la proposition de l’auteur. « Je n’ai pas changé le lieu, ni le temps, même si je ne veux pas que ce soit une reproduction fidèle de La Nouvelle-Orléans que dépeint Tennessee Williams, tout au plus c’est une évocation puisque le contexte social et culturel sous-tend les actes et les choix des personnages, continue Alexia Bürger, entre autres la grande pression sociale que vit le personnage principal Tom. »
On peut imaginer facilement qu’à travers ce personnage, c’est la figure de l’auteur même que l’on retrouve. Élevé dans une famille blanche dont les membres ne sont plus les maîtres depuis la fin de l’esclavage et dont certains ont même perdu toute leur richesse, comme c’est le cas dans la Ménagerie de verre, il ne reste alors que les souvenirs d’une gloire perdue et le fantasme dans lequel s’enferme jusqu’à la folie la mère de Tom.
Certain.e.s seront surpris.e.s par l’audace de la metteure en scène qui a choisi de donner le rôle de Tom à un comédien noir, Fabrice Yvanoff Sénat. On peut y voir une métaphore sur la différence. Tom ne se sent pas à sa place dans cet univers familial étouffant, coincé entre son désir de rester aux côtés des siens et l’envie de fuir pour être enfin lui-même.
Un classique des classiques, mais qui fait toujours écho à ce que nous vivons aujourd’hui, dans la difficulté d’accepter les différences, le choix de l’émancipation opérant ainsi une rupture avec le poids d’un passé familial et culturel.
INFOS | La ménagerie de verre
Théâtre Denise-Pelletier / Du 12 mars au 9 avril 2024
Texte : Tennessee Williams / Traduction : Fanny Britt / Mise en scène : Alexia Bürger
Production : Théâtre Denise-Pelletier
https://www.denise-pelletier.qc.ca