Lundi, 17 mars 2025
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    Denim marque l’histoire mondiale de Drag Race

    Originaire de l’Île-du-Prince-Édouard, mais établie à Montréal depuis des années, Denim a causé plusieurs révolutions durant la quatrième saison de Canada’s Drag Race. En plus de miser sur une créativité exceptionnelle, l’artiste drag est la première personne autiste à compétitionner dans l’univers Drag Race et le deuxième homme trans après Gottmik aux États-Unis.

    Les juges de l’émission ont vanté ton unicité dans les défis. Comment réussis-tu à être si créative?
    Denim : Être autiste me fait voir le monde autrement. Ça m’a longtemps fait peur, mais quand j’ai commencé le drag, j’ai apprivoisé ma vision des choses et je l’ai vue comme un super pouvoir. Lorsque je préparais mes looks pour la compétition, je me demandais comment répondre aux exigences en reflétant mon brand, mon personnage et le message que je veux exprimer avec une twist très personnelle, tout en m’éloignant de ce que les autres allaient probablement faire.

    Tu avais peur d’entrer dans l’atelier puisque tu es neurodivergente. Comment cela influence-t-il ta vie?
    Denim : J’ai plus de difficulté à gérer les interactions sociales. Je me sens souvent sur-stimulée par mon environnement. Comme l’autisme est une condition invisible, bien des gens ne comprennent pas à quel point ça affecte nos vies. Les personnes autistes ont souvent le réflexe de mettre un masque socialement acceptable. Notre vision du monde est si différente qu’on essaie d’identifier les comportements acceptés par la société pour les appliquer. Ça peut être très épuisant.

    L’atelier de Drag Race devait être un choc de stimuli pour toi.
    Denim : Absolument! J’étais nerveuse d’être constamment entourée de gens, d’être touchée par des inconnus, d’être confrontée à plusieurs bruits et des lumières fortes sans arrêt. C’était exigeant, mais je me suis assurée de prendre soin de moi. Le fait d’être isolée dans une chambre d’hôtel, sans personne pour me déranger, c’était le paradis! Je réussissais à me remettre à la fin de chaque journée. Et l’équipe qui nous encadrait sur les tournages était formidable.

    Tu es le deuxième homme trans de l’univers Drag Race. Comment êtes-vous (toi et ton personnage) perçus par les fans?
    Denim : Il y a beaucoup d’incompréhension à notre égard. Les gens ont du mal à accueillir les raisons poussant des hommes trans à faire du drag. J’ai reçu beaucoup de contrecoups (backlash) à ce sujet. Ce n’était pas nécessairement de la transphobie claire, mais il y a peu de tolérance pour nous dans la communauté. Ce n’est pas encore une pratique assez mainstream pour qu’elle soit acceptée par les gens. Heureusement, le fait que je sois sur Drag Race et que je parle de mon expérience a ouvert bien des esprits.

    Comment as-tu pris conscience que tu es trans?
    Denim : J’ai grandi sur l’Île-du-Prince-Édouard dans un secteur très rural et j’ai déménagé à Grande Prairie en Alberta durant mon adolescence. Comme je n’avais aucune communauté et aucun accès à des ressources, j’essayais de décortiquer qui j’étais par moi-même. Je n’avais jamais rencontré une autre personne trans avant de faire mon coming out. C’est l’une des raisons pour lesquelles ça a été si difficile de me comprendre et de m’accepter.

    Tu t’es d’abord identifiée comme non-binaire, n’est-ce pas?
    Denim : Oui, je savais que j’étais un homme trans, mais comme je n’avais pas accès aux traitements hormonaux ou à d’autres transitions médicales, je ne me sentais pas en sécurité pour faire une transition sociale là où je vivais. C’était plus simple pour moi de ne pas essayer d’avoir l’air d’un homme, avant d’avoir accès aux ressources. Mais c’est devenu très difficile. Je ne pouvais plus attendre pour transitionner.

    Qu’as-tu fait?
    Denim : À 16 ans, je suis retournée à l’IPE sans le reste de ma famille pour vivre chez ma grand-mère et commencer ma transition sociale. À 18 ans, j’ai commencé ma transition physique, même s’il n’y avait pas de ressources dans les Maritimes. J’ai déjà conduit sept heures pour rencontrer un docteur, mais il ne m’a pas donné accès aux hormones. Ma mère m’a fait revenir en Alberta pour que je rencontre un docteur qui pratique dans une communauté autochtone. À l’époque, c’était l’un des seuls qui accompagnaient les personnes trans. J’ai alors commencé les hormones. J’ai eu ma chirurgie du haut du corps à Montréal. Et j’ai déménagé ici quelques années plus tard. J’ai trouvé ma famille queer, ma communauté drag, mon système de soutien et mon mari qui est aussi un homme trans.

    En regardant l’émission, nous avons pu voir à quel point tu es proche de ta mère. Qu’as-tu ressenti en partageant cette expérience avec elle?
    Denim : C’était fou! Pendant l’épisode précédent, j’avais fait un lipsync et j’étais drainée émotivement. Voir ma mère franchir les portes m’a donné l’élan de motivation dont j’avais besoin jusqu’à la fin. Elle me soutient dans mon processus depuis si longtemps. Je n’aurais pas pu transitionner ni vivre les opportunités qui se sont présentées à moi sans son aide. Elle a toujours cru en mon art, alors de pouvoir l’intégrer dans ma pratique artistique pour qu’elle soit célébrée, c’était très spécial. En plus, dans le climat social actuel, je trouve ça important d’avoir un parent d’enfant trans qui parle ouvertement de cette réalité en démontrant autant de soutien.

    C’est comment d’être une drag anglophone à Montréal?
    Denim : C’est difficile! Je comprends et lis le français. Je peux avoir une conversation de base, mais je ne me sentirais pas en confiance pour prendre un micro et parler en français devant une foule. C’est beaucoup plus compliqué d’avoir accès aux mêmes opportunités en tant que drag anglophone à Montréal. Même si j’apprenais le français, comme je ne suis pas francophone, il y aurait quand même une barrière qui me tiendrait à distance de certaines opportunités. J’adore la ville, mais je ne sais pas si je vais rester ici pour toujours.

    Quels projets t’attendent?
    Denim : Je suis présentement en tournée avec les finalistes et les gagnantes des saisons 3 et 4 de Canada’s Drag Race à travers le pays. Je travaille sur un show mensuel qui met en lumière des artistes trans à Montréal et je développe un projet théâtral avec Pythia pour l’an prochain.

    INFOS | https://www.denimjustdenim.com

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