Vendredi, 17 janvier 2025
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    Entrevue avec Zeno Graton pour le film Le Paradis

    S’inscrivant dans la nouvelle vague de cinéastes belges, Zeno Graton multiplie les passages dans les festivals internationaux grâce à son premier long-métrage, Le Paradis, qui raconte l’histoire d’un amour entre deux garçons isolés dans un centre de détention pour mineurs délinquants. Présenté d’abord à la célèbre Berlinale l’année dernière dans la section Generation 14plus, le film a été projeté il y a quelques mois au festival Cinemania, à Montréal, en compagnie du réalisateur. Entrevue.

    Quelles ont été vos inspirations pour ce film?
    Zeno Graton : En gros, mon inspiration principale, ça a été Jean Genet, un auteur français qui a écrit dans les années 40-50 sur l’amour entre hommes en prison. C’est quelqu’un qui m’a beaucoup inspiré parce qu’il était très politisé, il était très anti-autoritariste et surtout très avant-gardiste par rapport à la question de la représentation de l’homosexualité. Dans sa littérature, [il y avait] une représentation flamboyante complètement dégagée de la question de la honte, alors que c’était une époque où l’homosexualité était complètement illégale. C’est quelqu’un qui a écrit sur la résistance, sur la beauté, sur la poésie, tout en étant aussi très érotique.

    D’où est venue l’idée de placer le film dans un centre de détention pour mineurs?
    Zeno Graton : Ma décision de placer cette histoire d’amour dans un centre de détention pour mineurs m’est venue parce que j’ai été sensibilisé à ces lieux assez jeunes. Mon cousin est passé beaucoup par ces endroits quand j’étais ado. […] C’est des lieux qu’on ne voit jamais, [mais] dont on entend souvent parler. J’avais vraiment envie d’ouvrir une fenêtre sur cette réalité et j’avais envie de le faire de la manière la plus authentique possible, même si je voulais que ça reste une histoire d’amour et un film de genre. Je voulais qu’il soit implanté dans une forme de réalité qui ne soit pas binaire ou qui ne soit pas complètement tirée par les cheveux.

    Zeno Graton

    Avez-vous passé du temps dans les centres de détention de mineurs pour préparer le film?
    Zeno Graton : J’ai passé beaucoup de temps là-bas. J’ai eu l’autorisation du ministère de la Jeunesse de passer du temps là-bas, il y a une IPPJ – une prison pour mineurs – qui a accepté de m’accueillir. C’était très clair ce que je faisais là-bas : je venais pour m’inspirer, pour écrire, etc. Du coup, j’ai passé toutes mes journées là-bas à parler aux jeunes, à parler aux éducateurs et à essayer de dresser un portrait le moins manichéen possible.

    Et donc, quels constats avez-vous pu tirer de votre incursion dans les centres de détention de mineurs?
    Zeno Graton : C’est des jeunes qui sont loin de tout. Ils sont très seuls et donc ils se constituent une [genre de] famille très vite. Il y a des liens avec les éducateurs, les éducatrices et entre eux, c’est très familial, et donc [c’est] très loin des clichés un peu virilistes ou très violents des mecs qu’on connaît de par les films. C’est quelque chose qui m’a beaucoup surpris et dont j’avais vraiment envie de rendre compte. C’est donc un film qui parle de cette tendresse entre eux, qui devient une forme de front résistant face à l’institution.

    Avez-vous eu le syndrome de l’imposteur en vous penchant sur la situation dans les centres de détention de mineurs?
    Zeno Graton : Bien sûr. La question de la légitimité, quand tu parles de personnes aussi vulnérables, elle est très difficile à porter. Mais c’est ce que j’aime dans le cinéma : pouvoir donner la voix à des gens qui n’en ont absolument pas. Je me suis fait aider par les acteurs : j’ai emmené les acteurs dans ces lieux pour qu’ils passent des journées entières avec les jeunes, pour qu’ils comprennent et pour les investir d’une responsabilité de parler d’eux de manière juste. Et c’est ce qui s’est passé. [Aussi,] on a tourné dans une IPPJ qui était en activité donc on devait vraiment composer avec les jeunes qui étaient sur place, et, en même temps, on ne devait pas être là, comme des colons, à bouger leurs espaces, à bouger leurs habitudes pour le tournage. Parce que c’est énorme un plateau de tournage : on a été entre 30 et 40 personnes par jour avec des camions, des éclairages, et on demandait tout le temps le silence. [Mais,] tous les jours, [les jeunes] venaient sur le plateau par groupe de deux ou trois avec leur éducateur. C’est ça qui a rendu les choses possibles, c’est qu’on faisait les choses avec eux, et pas à côté.

    Le personnage principal du film est arabe. C’était important pour vous?
    Zeno Graton : Je suis Belgo-tunisien. J’ai vu très peu, au cinéma, des histoires qui mettaient en scène des personnages principaux queers arabes, qui étaient le sujet de leur histoire, qui n’étaient pas l’objet de victimisation ou de fétichisation […]. La question de son arabité n’est pas en obstacle dans ce trajet. 

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