Samedi, 2 novembre 2024
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    La première fois que je mets la main sur le magazine Fugues, c’est en 1994 et ma vie a changé

    Retour dans le temps. 1994. J’ai 25 ans. Je vis enfermé dans le placard. Incapable d’accepter ma différence. J’habite le nord de Montréal. Jamais mis le pied dans le Village. Je ne me rappelle pas ce qui m’amène dans un café sur la rue Sainte-Catherine. Mais je ressens un mélange d’excitation et de crainte en sortant du métro Beaudry. Dans l’entrée du café, un présentoir de Fugues.

    Je fais mine de ne pas le voir. Je me doute bien de ce que renferme ce magazine. Dans ma tête, tout se bouscule. Je vais m’asseoir. Je sors de mon sac un roman. Je me lève et je vais commander un café. Je retourne m’asseoir. Je regarde au loin le présentoir de Fugues. L’objet, somme toute banal, m’obsède. Mais ça me prend tout mon petit change pour oser aller chercher un exemplaire. Ma crainte ? Qu’on me voit avec ce magazine, qu’on découvre que je suis gai. Je sais que je le suis mais il me manque encore cette clé qui me permettra de sortir de mon placard.

    Je m’assure que personne ne me regarde. Je me dirige vers l’entrée. J’attrape le magazine rapidement entre mes doigts et je retourne nonchalamment (je devais avoir l’air louche!) à mon siège. Tout ça avec ce sentiment d’avoir commis un vol à l’étalage. D’avoir entre mes mains un objet dérobé… pourtant gratuit.

    Attablé, je cache habilement le magazine sous mon roman. J’observe autour. L’apocalypse appréhendée ne se produit pas. Soupir de soulagement. Je bois une gorgée de café.
    Pas question que je lise le magazine dans un lieu public. Mais la curiosité l’emporte. Je le
    feuillette rapidement.

    C’est tellement cliché d’écrire ça, mais un monde s’est ouvert à moi. Un monde qui m’était
    inconnu. Petit rappel: c’était avant l’internet. Pour la première fois de ma vie, je pouvais lire des articles écrits par des gens comme moi et qui parlaient de ma réalité. Avec ce magazine entre les mains, ma vie ne sera plus jamais la même.

    20 ans plus tard
    Près de 20 ans plus tard, en 2013, je cogne à la porte de Fugues. Je rêve maintenant d’être une des personnes qui écrivent dans le magazine. On m’accueille à bras ouverts. À mon tour d’interviewer, de témoigner, d’écrire des articles. De lecteur, je deviens journaliste.

    Mon grand plaisir est de faire des portraits de personnalités LGBTQ+, de rencontrer ces gens, leur demander de partager un bout de leur vie. Car on n’aura jamais assez de modèles. Il y a quelques semaines, le grand manitou de Fugues, Yves Lafontaine, me demande si je veux écrire un papier pour l’édition spéciale des 40 ans de Fugues. L’idée me sourit. Je me dis, je vais raconter ma propre histoire, mon lien avec Fugues. Mais pas seulement.

    Je veux lever mon chapeau à Yves et à toutes ces personnes qui ont participé depuis 40 ans à faire de ce magazine un rendez-vous avec nos réalités, avec nos histoires. Vous êtes inspirants et inspirantes. Bravo! Aujourd’hui, quand je vois le magazine dans un présentoir, c’est avec fierté que je m’en approche et que j’en prends une copie. Merci Fugues de m’avoir fait grandir. Longue vie à toi !

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