Dans le cadre du 40e de Fugues, le rédacteur en chef du magazine propose sur le site web quelques films LGBTQ+ qui ont marqué à leur façon le 7e art. Voici quelques films de 1989 et 1990…
LONGTIME COMPANION
de Norman René (1989)
Entre 1981 et 1988, l’irruption du sida parmi un groupe d’amis new-yorkais et ses effets dévastateurs sur leurs liens amoureux ou amicaux. Le premier film hollywoodien sur le sida raconte dans l’urgence, avec retenue et dignité (mais non sans humour) une histoire dont on ne mesurait alors pas encore toutes les conséquences. Une dizaine de personnages (joués par des acteurs peu connus à l’époque), touchés ou pas par le virus, essayent de comprendre ce qui leur tombe dessus et de repenser leurs vies retournées.
TONGUES UNTIED
de Marlon Riggs (1989)
«Des hommes noirs aimant d’autres hommes est L’ACTE révolutionnaire » proclame Marlon Riggs (cinéaste, poète, et activiste afro-américain mort du sida) avec ce film important réalisé en 1989. Cette figure phare du new black queer cinema mêle dans TONGUES UNTIED des récits personnels, des poèmes d’Essex Hemphill, de Steve Langley et d’Alan Miller, des chansons de Nina Simone et de Roberta Flack, des performances rap issues de la culture des ballrooms et du voguing, donnant le ton et ouvrant la voix. Avec cette œuvre inclassable, aussi musicale que visuelle, Marlon Riggs hisse l’étendard d’une identité double qui, avant lui, pouvait être perçue comme contradictoire : celle des gais afro-américains. Réalisé pour la télévision, TONGUES UNTIED a déclenché, lors de sa diffusion, un rare niveau d’hystérie de la part des gardiens de l’ordre moral américain, qui y ont vu un film «porno» et ont déployé une énergie folle pour le faire déprogrammer des chaînes commanditaires — en occurrence le réseau public PBS.
HENRY & JUNE
de Philip Kaufman (1990)
Nous sommes en 1931, un vent de liberté souffle sur Paris. Un couple d’Américains s’adonne à la vie de bohème qu’offre la capitale française. Ils se nomment Henry et June Miller. Si l’écrivain et sa deuxième épouse sont les personnages centraux du film de Philip Kaufman, la jeune Anaïs Nin qui croise leur route constitue sa raison d’être. C’est de la publication posthume du journal de la fameuse écrivaine – Henry et June : les cahiers secrets (1986) – que s’inspirent Kaufman et son épouse Rose pour écrire le scénario de cette passion amoureuse et triangulaire. Henry et June se découvrent donc à travers le regard qu’Anaïs pose sur eux et dans le portrait de sa sensualité en éveil, tandis qu’elle noue avec les époux des relations physiques et intellectuelles. Maria de Medeiros, qui ressemble étonnamment à la véritable Nin, incarne cette héroïne libre et hédoniste. Face à elle, une ribambelle de talents – Fred Ward et Uma Thurman en tête, dans les rôles-titres – et des apparitions de futures stars, comme Kevin Spacey et Gary Oldman (crédité sous le nom curieux de Maurice Escargot). À sa sortie aux États-Unis en 1990, le film fut entouré d’un parfum de soufre et donna naissance à une nouvelle catégorie de classification, le NC-17, échappant ainsi au redouté classement X. Les critiques de l’époque furent d’ailleurs nombreuses à remarquer la stylisation délicate des scènes sexuelles ainsi que la vision onirique de Paris, photographiées avec brio par Philippe Rousselot.
COMMON THREADS : STORIES FROM THE QUILT
de Rob Epstein et Jeffrey Friedman (1990)
Ce film documente par des témoignages la progression et l’impact de l’apparition du virus du SIDA, en particulier pour la communauté gaie et lesbienne, mais pas que. Le film est narré par Dustin Hoffman, avec une bande originale composée par Bobby McFerrin. Chaque fois que je revoie le film j’ai la gorge nouée par l’émotion. Oscar du meilleur documentaire.