Ils sont plusieurs milliers à l’Association des personnes retraitées de la Fédération autonome de l’enseignement (APRFAE), mais jusqu’à présent il n’y avait pas de regroupement pour défendre les intérêts des LGBTQ+. Le militant André Patry, lui-même à la retraite, a repris son bâton de pèlerin pour créer un groupe. Le 21 mars dernier, on lançait donc à la Maison de la culture Mercier le «Comité des alliées et alliés pour la diversité sexuelle et de genre LGBTQ2». André Patry a été enseignant de 1980 jusqu’à 2019, année où il a pris sa retraite.
Mais qu’est-ce qui l’a bien poussé à mettre sur pied un tel regroupement en 2024 ? «Dans le fond, notre association de retraités suit notre militance comme dans le militantisme syndical, explique celui qui est membre du conseil d’administration de la APRFAE. Les gens restent actifs comme dans la structure syndicale d’avant, il y a un comité pour les droits des femmes, un comité environnement, un comité sociopolitique, etc., mais il n’y avait pas de comité pour les LGBTQ2+. Donc, je me suis dit qu’on va en créer un, c’est comme ça que c’est parti !»
«Il y a eu des réticences polies face à la création d’un tel comité, j’ai été surpris. Je pensais que les gens étaient plus renseignés que ça [sur les réalités LGBTQ+]. Je me suis aperçu que l’atmosphère véhiculait encore certains préjugés, certains malaises chez ces personnes dont la majorité sont dans la fin soixantaine et donc qui ont vécu dans une époque où persistait une certaine discrimination à l’égard des personnes LGBTQ2+», ajoute André Patry qui est le responsable politique.

«Les enseignantes et enseignants actifs de ce temps (il y a trois décennies) ont grandi avec une éducation qui stigmatisait l’homosexualité comme une maladie mentale et un crime, a déclaré André Patry lors de la soirée de lancement du comité. La loi du bill omnibus leur a enseigné que l’homosexualité était tolérée, mais uniquement dans la sphère privée. Les gais et lesbiennes étaient réduits à leur sexualité, oubliant ainsi toute leur identité, leur culture et leurs droits. À cette époque, ils pouvaient être expulsés de leur logement, perdre leur emploi, et subissaient une discrimination systémique dans de nombreux aspects de leur vie, y compris le mariage, la filiation, le don de sang et même le service militaire. L’épidémie du SIDA a également décimé toute une génération, laissant des cicatrices profondes dans notre communauté.»
En référence à l’épidémie du sida qui a décimé la communauté gaie dès les débuts des années 1980, André Patry explique : «À 25 ans, je me souviens avoir fréquenté des salons funéraires, alors que ma mère, aujourd’hui âgée de 90 ans, en fait de même. Une photo d’un groupe de jeunes hommes gais avec lesquels j’ai voyagé me rappelle que je suis le seul survivant. Cette histoire n’est pas seulement la mienne, mais celle de nombreuses personnes de ma génération, qui aujourd’hui rejoignent nos associations de personnes retraitées et âgées».
«Lorsque j’ai expliqué ceci devant les membres de la APRFAE, ils ont été choqués et estomaqués, ils ne savaient pas ce qui s’était passé à l’époque dans notre communauté et que beaucoup d’hommes gais avaient disparus en raison du sida. Il faut le dire, l’expliquer. C’est un devoir pour moi de raconter ça et d’expliquer les combats que nous avons menés, comme l’union civile, par exemple. […]»
Des activités en lien avec Fierté Montréal sont prévues pour cet été. Avec un certain budget, le Comité des alliées et alliés pour la diversité sexuelle et de genre LGBTQ2 va soutenir des organisations communautaires venant en aide aux gens de la communauté : comme la Maison Plein Cœur par exemple et son programme de distribution alimentaire aux personnes vivant avec le VIH/sida et à faible revenu. Ce comité s’engage activement dans l’information, l’éducation et la sensibilisation sur la communauté LGBTQ2+. «Nous collaborons avec des organisations telles que la Fondation Émergence, qui offre une formation sur le vieillissement LGBTQ2+», de dire André Patry qui a enseigné auprès d’élèves sourds ou ayant un déficience intellectuelle et ce, durant 39 ans au total.
Comme on le constate, ce comité de retraités LGBTQ+ ne sera pas que pour organiser des BBQ, des sorties dans les musées ou des randonnées pédestres. Il y a quelques semaines, des représentants de APRFAE ont participé à une manifestation pour un cessez-le-feu à Gaza. «Nous restons très, très actifs et engagés», rajoute-t-il.
«Le Québec demeure l’un des endroits où la qualité de vie de cette communauté est parmi les meilleures au monde. Cependant, les préjugés persistent, et nous observons même une montée de la droite politique, ce qui est préoccupant. C’est pourquoi notre comité s’est fixé pour mission d’agir auprès de nos membres ainsi que des principaux acteurs de la société pour promouvoir la diversité sexuelle et de genre», avait dit André Patry lors de la soirée à la Maison de la culture Mercier. «Il faut rester vigilant c’est pourquoi, à 65 ans, je demeure un militant, je ne lâche pas, je suis encore un pionnier dans cette lutte-là», conclut-il.
INFOS | https://aprfae.com