Dimanche, 3 novembre 2024
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    Iphigénie au Théâtre Denise-Pelletier

    Iphigénie ? On pense immédiatement à la tragédie de Racine. Du lourd en somme. Sauf que, l’histoire d’Iphigénie est relue par Tiago Rodrigues qui en signe le texte, et Isabelle Leblanc la mise en scène pour le Théâtre Denise-Pelletier. Bienvenue dans le monde des Atrides revu et corrigé par Tiago Rodrigues. 

    Petit rappel. On se trouve en pleine guerre de Troie. Ménélas en appelle à tous les rois grecs de l’époque, dont son frère Agamemnon, pour le venger de l’enlèvement, par Pâris, de son épouse Hélène. Mais les vents sont contraires et Agamemnon ne peut envoyer ses navires. Un devin, Calchas, après une vision fait part à Agamemnon que les Dieux demandent qu’il sacrifie Iphigénie pour que les vents se lèvent. Un choix douloureux pour le roi, respecter la promesse faite à son frère et perdre sa fille, ou sauver sa fille, et se sauver en étant rejeté par tous les Grecs. Ce résumé est celui de la pièce de Racine. Mais d’autres auteurs et dramaturges ont fait une lecture différente de cette histoire. 
     
    Pour Étienne Pilon, qui incarne Agamemnon sur scène, le texte de Tiago Rodrigues fait écho à ce que nous vivons aujourd’hui. « Le dilemme d’Agamemnon est toujours d’actualité — ‘’est-on prêt à sacrifier ce que l’on a de plus cher au nom de promesses faites à une idéologie, à une religion, ou comme ici, à son frère?’’, commente le comédien en entrevue. «Et cela peut s’étendre à une population ou encore à des jeunes hommes que l’on envoie se faire tuer à la guerre ». Peut-on faire autrement en sachant que l’on sera peut-être déshonoré, répudié, voire tué pour tenter de protéger les siens aux dépens d’intérêts qui nous dépassent. 

    Peut-être alors entendre les femmes, souvent les premières sacrifiées au nom de lois et de règles instituées par les hommes. Iphigénie, prise entre le désir de vivre et l’acceptation de son sort pour ne pas déplaire à son père, ou Clytemnestre sa mère et qui exhorte Agamemnon à fuir. « Tiago Rodrigues porte un regard féministe en redonnant une place plus importante et une parole différente que les personnages de Racine », continue Étienne Pilon. Les femmes peuvent-elles changer le cours de l’histoire et leur destin. 
     
    Autre point que soulève Étienne Pilon et qui est central, selon lui, dans la pièce de Tiago Rodrigues, c’est d’en finir avec la répétition. « Les personnages se demandent aussi comment se déprendre du destin – la volonté des Dieux à l’époque de la Guerre de Troie – qui ne leur donnent aucune chance.
    Quoiqu’ils pensent, quoiqu’ils fassent, ils ne pourront en changer la fin. La tragédie se trouve dans cette incapacité à changer le cours de l’histoire ». Tiago Rodrigues choisit alors de laisser les personnages parler de leurs doutes, de leurs peurs, de leurs désirs. Et d’évoquer l’incapacité d’exercer leur libre-arbitre. Évidemment, cette répétition en boucle de l’Histoire fait écho à ce que nous vivons aujourd’hui, puisque les guerres dont nous sommes témoins, et pour beaucoup victimes, ne cessent depuis Les Atrides, de se reproduire sans que nous ayons un quelconque pouvoir, on le voit bien aujourd’hui, d’éviter qu’elles naissent, se produisent, et surtout de les arrêter. 
     
    Tiago Rodrigues a fait le choix de conserver des conventions de la tragédie, genre théâtral par excellence, comme l’unité de lieu et de temps mais aussi l’usage d’une langue soutenue comme pour souligner l’enfermement dans lequel se retrouvent les personnages et de leur incapacité à s’en échapper mais qui demande au public d’accepter une forme avec laquelle il est peut-être moins habitué. Pour Étienne Pilon, on peut se laisser facilement porter par cette langue : « En fait, nous nous sommes éloignés avec la metteure en scène Isabelle Leblanc de toute inflexion déclamatoire propre à une certaine façon de jouer les tragédies classiques, bien au contraire, de rendre le texte le plus clairement et le plus naturellement possible ».
     
    Tiago Rodrigues propose une version plus radicale des Atrides mais nous en rappelant toute sa modernité. Les questions qui se posent sont encore et toujours les mêmes aujourd’hui. 

    INFOS | du 12 novembre au 7 décembre 2024, au Théâtre Denise-Pelletier.
    Texte : Tiago Rodrigues. Mise en scène : Isabelle Leblanc.
    https://www.denise-pelletier.qc.ca

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