Il y a eu l’élection de Trump. Puis ce deuil national au Canada. La semaine suivante, la diffusion du documentaire Alphas. Puis, l’expression des grands admirateurs cana-diens de Trump, des masculinistes prônant le retour aux valeurs traditionnelles. Retour sur ces désastres, où l’on imagine un « spécial Noël » chez nos mâles alphas, pour cette édition de décembre.
Discussion polémique à Tout le monde en parle : j’écoutais Véronique Cloutier et Mona de Grenoble s’insurger contre les propos de l’influenceur mâle alpha Julien Bournival-Vaugeois. C’était effarant, certes, il fallait attendre de voir ses propos au sein du documentaire Alphas réalisé par Simon Coutu et Manuelle Légaré… Et ceux de Joël McGuirk, un autre mâle alpha influenceur, qui s’est mis à lire la Bible et à appliquer ses préceptes : « Avec la religion, une femme doit se soumettre à son mari et ce dernier doit obéir à Dieu ». Pendant qu’il jase de la soumission des femmes, la sienne acquiesce et lui tient la main. Femme à la maison, homme pourvoyeur, femme docile, homme dominant, voilà la définition d’un mariage de rêve pour ces masculinistes et ces « tradwifes ». On a reculé le calendrier en 1947, alors que l’Église catholique imposait des rôles sexistes et hypertraditionnels. Les Révolutions tranquille et féministe effacées d’un coup ! On efface l’histoire et ses batailles (encore faut-il les connaître…). Il s’en fout, le mâle alpha est le roi du monde avec sa bonne femme à ses côtés, qui pense que son pourvoyeur va arriver à la sauver si le bateau coule ! Faut voir Titanic… Comme disait l’autre, « Réveillez-vous ! »
Puis, Julien Bournival-Vaugeois s’en prend aux drag queens et trans (sans distinguer les deux réalités, bien sûr), en disant que « ça n’a pas d’allure qu’ils racontent des histoires pas d’allure aux enfants dans les écoles ». Bien sûr, il n’a jamais assisté à l’heure du conte de Barbada (à l’instar du réalisateur), il parle à travers son chapeau « de sa propre expérience », car il se présume un regard critique informé et pertinent. C’est un des problèmes aujourd’hui, à l’ère des réseaux sociaux ! Dès que certaines personnes ont beaucoup d’abonnés.e. (pour les bonnes ou les mauvaises raisons), ça booste leur égo et leur présume un propos pertinent (ex. : le gourou Andrew Tate qui endoctrine toute sa gang de fidèles alphas…). Dans nos sociétés contemporaines, visibilité = crédibilité, principe phare de la publicité à l’ère des médias sociaux, alors que ce n’est pas nécessairement le cas ! Le meilleur exemple : Trump. La plupart des promesses évoquées lors de sa campagne électorale (immigration, économie) sont irréalisables selon les experts. Ses paroles en l’air font du bruit et génèrent un écran de fumée ; ceux et celles qui veulent « du pain et des jeux » sont complètement aveuglé.e.s par cette fumée orange. Au point où ils et elles préfèrent voter pour un homme criminel (reconnu coupable d’agression sexuelle au civil), au lieu d’une femme. L’ironie, c’est que les Américains ont voté pour un homme qui méprise leurs libertés et leur démocratie, puisqu’il se moque du système et de ses congénères (voulant « protéger les femmes, qu’elles le veuillent ou non ! »). Le même homme qui, sans surprise, a plongé le pays dans le conservatisme, ramenant les droits des femmes 50 ans en arrière, avec le renversement de la décision Roe c. Wade qui légalisait l’avortement à l’échelle nationale, en 1973. Puis, on lui donne pratiquement carte blanche pour faire ce qu’il veut ! Et j’entends dire dans le documentaire que les pauvres mâles alphas manquent de modèles ? Ouvrez vos yeux ! Ce sont plutôt les femmes qui manquent de modèles et surtout de solidarité.
Comment de jeunes femmes peuvent-elles voter pour Trump après tout, en sachant qu’il a été condamné pour agression sexuelle et qu’il tient des propos misogynes ? Comment de jeunes femmes peuvent-elles réellement désirer se soumettre à leur mari, au détriment de leur propre liberté d’agir et de penser ? Comment de jeunes femmes peuvent-elles renier des décennies de féminisme, faire fi de l’histoire et de ce qu’elles sont ? Accepter qu’un homme ou qu’un gouvernement
contrôle leur corps ? L’élection de Trump et ces tendances masculinistes sont dangereuses, particulièrement pour les droits des femmes. Si je suis tombée en bas de ma chaise lorsque j’ai entendu ces influenceurs rétrogrades, constater les réactions des jeunes femmes de ma classe au cégep m’a rassurée, puisqu’elles se sont moquées de ces mâles alphas et de leurs scénarios de masculinité toxique…
Et si on s’en moquait, de ce Noël du mâle alpha, question de réveiller toutes ces « tradwifes » ? Je m’inspirerai tout simplement de faits réels, ceux des générations précédentes, du quotidien de feu ma grand-mère qui faisait office de bonne, particulièrement lors des soupers des Fêtes. Après être allée à l’Église pour se faire sermonner par un homme sur comment elle devrait agir (et qui pense en connaître davantage sur sa propre condition de femme qu’elle, parce qu’élu messager de Dieu), elle rentre à la maison, qu’elle a préalablement torchée seule de fond en comble, comme chaque jour. Elle s’apprête à réchauffer/finaliser le grand repas du soir, qu’elle a préparé toute la journée, voire pendant plusieurs jours. Mais avant, elle sert une bière à l’homme alpha, car lui il a eu une grosse journée, même si ça tombe un weekend de congé (dans sa semaine de quatre jours en télétravail), car la bonne femme s’occupe 24/7 de ses enfants, puisque le mâle alpha ne les « garde » jamais : il fait élever ses progénitures (de préférence masculines), par sa boniche « tradwife ». Retour au souper, car faudrait pas tout brûler… même si la femme rush en cuisine, elle n’a pas d’aide, sauf si elle a eu (le malheur, ou le bonheur, c’est selon) de mettre une fille au monde. Ensuite, elle sert l’homme et les enfants. On s’en fout si elle mange chaud ou pas, elle doit servir le mâle alpha qui a tellement faim, car il travaille tellement fort physiquement (surtout les influenceurs d’aujourd’hui…) Elle mange rapidement, car elle doit répondre à toute demande, se lever, s’il manque des choses pour le mâle ou les enfants (car ils n’ont pas de jambes).
Par la suite, elle doit tout ranger et laver pendant que le mâle alpha est parti digérer au salon, en écoutant le hockey ou en regardant ses multiples admirateurs sur les réseaux sociaux (car ça fait partie de son travail de dire à ses admirateurs comment dompter leur femme). Parlant de dompter, après un bon souper, une bonne baise. Pas de refus, ou de contraception, car c’est le mâle alpha qui décide, la femme soumise n’a pas son mot à dire (surtout que c’est la volonté de Dieu) et comme c’est la fête du fils de Dieu le 25 décembre, on ne lui refuse rien ! Que ça tente ou pas à la femme, on s’en fout, on a la « chance » d’assouvir le désir du mâle alpha et en plus de potentiellement agrandir la lignée de sang (et de nom) du Dieu mâle ! De toute façon, la job (non payée et non valorisée) de la femme, c’est de s’occuper des enfants. Le bébé naît, elle s’en occupe (avec tous les autres). Imaginez le beau cadeau de Noël ! Le cycle recommence. La vie continue. Le mâle alpha va se coucher le ventre plein, sexuellement rassasié, pis la femme bêta « tradwife » s’endort épuisée, contente de recommencer son cycle d’esclavage dès 3 h du matin, parce que le petit dernier ne fait pas ses nuits, mais que voulez-vous… c’est la volonté de Dieu ! La vie rêvée des mâles alphas, la vie soumise des « tradwifes ». Joyeux Noël !