Dans ce monde cruellement désenchanté où le seul Dieu qui trouve grâce à nos yeux est l’économie, le FTA représente un sursaut salutaire, une fenêtre ouverte sur un monde qui résiste, et qui recharge d’espoir nos batteries. L’art est tout aussi vital pour les sociétés que l’éducation et la santé. Il est de salut public. Cette année, place aux sans-voix, aux marginaux, aux exploité.e.s, à celles et ceux qu’on oublie trop souvent.
Voici la suite de notre tour rapide de la programmation qui complète nos autres articles déjà partagés dans les éditions d’avril et de mai et de Fugues.
Pour commencer Extérieur/Nuit de JJ Houle du Théâtre Indépendant. Le titre sonne comme l’annonce d’une prise de vue d’un tournage. Qualifié de thriller existentiel dans le programme du FTA, Extérieur/Nuit se présente comme une plongée sans filet dans les affres de ce qui nous hantent, la face la plus sombre que l’on cache souvent pour ne pas… sombrer. Le théâtre indépendant est un collectif transdisciplinaire formé d’artistes queers œuvrant dans le domaine des arts vivants. En somme, le collectif évolue sur les frontières étanches qui nous emprisonnent et tentent sinon de les abattre, au moins de les franchir. À voir de toute urgence.
Personne n’a jamais associé l’œuvre de Marguerite Duras à l’opéra. Personne n’a jamais pensé que l’on pouvait extirper de Hiroshima mon amour, une œuvre chantée. Et pourtant, c’est le pari osé du dramaturge et comédien, Christian Lapointe et de la compositrice et écrivaine australienne, Rósa Lind. Sorti en salle, en 1959, sous la réalisation d’Alain Resnais, Hiroshima mon amour rencontre un énorme succès. Une histoire toute simple, mais une histoire d’amour de 24 h entre une journaliste française et un Japonais avec en toile de fond, la catastrophe d’Hiroshima de 1945, le largage d’une bombe nucléaire américaine faisant instantanément 80 000 morts. L’œuvre de Duras est une ode à l’amour et à la paix.
Mario Banushi, metteur en scène grec d’origine albanaise est considéré comme l’étoile montante de la mise en scène en Europe. À 26 ans, il est devenu une figure incontournable du théâtre en Grèce. Avec Taverna Miresia -Mario Bella Anastasia, le public québécois et nord-américain pourra découvrir son univers singulier qui s’inspire de son enfance, de la tradition aussi et de la nostalgie pour celui qui est issu de deux cultures, dont celle moins connue de l’Albanie. Entre réalisme, rêves et poésies comme une romance sans parole, Mario Banushi, tisse une histoire autour des femmes qui ont marqué sa vie, une histoire qui oscille entre la beauté du quotidien, mais aussi son tragique.
Des Ateliers de couture, à Paris, à Alençon, et… à Mumbai, des mains expertes confectionnent la robe de mariage d’une princesse d’Angleterre. Oublions le glamour, la cérémonie à venir, avec Lacrima c’est sur l’envers du décor que la dramaturge Caroline Guiela Nguyen pose son regard, celles et ceux qui sont invisibles – et souvent exploité.e.s – les brodeurs et les dentellières qui s’affairent à réaliser la robe. On se souviendra de la robe, jamais de celles et ceux qui l’ont conçue. Né d’une mère vietnamienne et d’un père juif pied-noir, et élevée en Provence, Caroline Guiela Nguyen veut donner la parole aux personnes de l’ombre, celles qu’on ne ne voit pas et surtout qu’on n’entend que très rarement sur scène. Une démarche de documentariste transfigurée par la scène.
Donner la parole aux oublié.e.s, c’est aussi le choix de l’artiste rwandais Dorcy Rugamba. Il présentait au FTA 2021, Rwanda 94, quelques années à peine après le génocide des Tutsis, il revient aujourd’hui avec Hewa Rwanda, lettre aux absents, pour une lecture théâtrale accompagné sur scène par le musicien sénégalais Majnun. Avec des textes tirés de son livre, Dorcy Rugamba cherche à échapper au tragique pour retrouver à travers la poésie de ses mots, la lumière, dans un exercice de devoir de mémoire et de réconciliation. Un recueillement salutaire.
Bien sûr, d’autres spectacles mériteraient une place dans ce texte, un simple coup d’œil sur la programmation nous permet de saisir et de sentir la richesse et la diversité – encore une fois – des propositions du FTA.
INFOS | FTA du 22 mai au 5 juin 2025 www.fta.can