Mardi, 2 Décembre 2025
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    Wild Wild West (Les mystères de l’Ouest), une série protogaie avant l’heure!

    Diffusée entre 1965 et 1969, « The Wild Wild West » (Les mystères de l’Ouest, en VF) est une série télévisée américaine mêlant western, espionnage et science-fiction. On pourrait se demander en quoi une série des années 60 peut s’inscrire dans des codes gais alors que l’industrie télévisuelle était soumise à des règles morales très strictes. La réponse se trouve autant dans ce qui est montré à l’écran que dans ce qui ne l’est pas.

    En 1870, l’agent secret James West (Robert Conrad) et son partenaire Artemus Gordon (Ross Martin) sont recrutés par le gouvernement américain pour contrecarrer les plans de méchants excentriques. La prémisse est intrigante, mais les spectateurs ont sans doute également été marqué par les pantalons les plus ajustés que la télévision ait connu, arborés par l’agent West. Un peu étonnant pour l’époque, mais il y a plus encore. En effet, bien que la série n’aborde jamais ouvertement de thématiques gaies, années 60 obligent, elle est souvent citée comme le parfait exemple d’une série protogaie, une œuvre où le sous-texte homoérotique est palpable, même s’il n’est jamais explicite.

    Une dynamique de duo très codée
    James West et Artemus Gordon forment un duo inséparable, partageant non seulement leurs missions, mais aussi leur intimité. Ils vivent ensemble dans un train privé, dorment parfois dans la même cabine, et leur complicité dépasse largement celle de simples collègues. Leur relation est empreinte d’une tendresse et d’une loyauté qui évoquent les couples classiques du cinéma queer codé, comme Sherlock Holmes et Watson ou Batman et Robin. Par ailleurs, même si West séduit une nouvelle femme à chaque épisode, force est de constater que ces dernières défilent à toute allure dans son carnet de bal et qu’aucune ne semble avoir été invitée à fréquenter le train privé. Bref, comme si elles servaient avant tout à sauver les apparences.

    Un épisode de la vie de tous les jours entre Artemus Gordon et James West

    Le corps masculin comme objet de spectacle
    Robert Conrad apparaît fréquemment torse nu, dans des scènes de combat ou de captivité, enchaîné et dénudé par le méchant du jour, et une attention particulière est portée à l’éclairage et à sa posture, mettent ainsi en valeur son corps comme un objet de contemplation, faisant de lui l’équivalent masculin d’une pin-up.

    Dans la même veine, il porte des tenues extrêmement moulantes et arbore des poses suggestives. Son boléro (une petite veste courte) dégage une vue spectaculaire sur un pantalon extrêmement ajusté, en tissu extensible ou en cuir, qui accentue ses jambes, ses hanches et son cul rebondi. Dans la dernière saison, il porte parfois même des jambières en cuir (des chaps). Il suffit ainsi que la caméra présente uniquement la partie inférieure de son corps pour qu’on le reconnaisse instantanément.

    James West dans quelques poses classiques

    Signe de l’influence de cette esthétique dans la communauté gaie de l’époque, l’auteur Jim Provenzano cite Jack Fritscher, rédacteur en chef du magazine BDSM gai « Drummer », dans son blogue du 9 février 2020 (traduction libre) : « Robert Conrad était l’archétype du physique masculin américain classique, du fétichisme des vêtements en cuir ou de style western, aux scènes de bondage considérées comme fondamentales par les fondateurs de Drummer. »

    Le personnage arbore par ailleurs des chemises à jabot, qui rappelle l’élégance d’un dandy ainsi que des accessoires raffinés : bottes en cuir brillantes, ceinture décorative et parfois des gants ou des bijoux. Ce traitement visuel, inhabituel pour l’époque, peut être interprété comme une forme de male gaze inversée où le corps masculin est présenté comme un objet de désir. Pour l’anecdote, son pantalon était à ce point serré qu’il lui arrivait parfois de se fendre au cours des scènes de cascade que l’acteur réalisait lui-même. C’est notamment le cas dans l’épisode 10 de la saison 4 où le combat se termine avec des sous-vêtements bien en évidence, qui n’ont pas été éliminés au montage, et dont on peut voir un extrait ici :


    Des méchants flamboyants
    La série regorge de méchants excentriques, souvent très kitch, théâtraux ou efféminés — notamment le Dr Miguelito Loveless (interprétée par l’acteur de petite taille, Michael Dunn) qui pousse régulièrement la chansonnette avec l’une de ses sbires. Ces personnages, bien qu’antagonistes, incarnent une forme de transgression des normes de genre et de comportement, typique des représentations queers codées dans les médias des années 60.

    Le Dr Miguelito Loveless (Michael Dunn)

    Ces vilains sont toujours plus grands que nature et s’inscrivent dans des récits qui rendent souvent hommage à des classiques du cinéma et de la littérature. C’est notamment le cas dans la saison 2, épisode 4 (“The Night of the Big Blast”, « La Nuit des masques », en VF), dans un pastiche appuyé des productions de la Hammer de Frankenstein, où la Dre Faustina crée un double de James West à l’aide de morceaux de cadavre dans laquelle elle intègre une bombe à retardement.

    Déguisement et le jeu de rôle
    Artemus Gordon, de son côté, est maître du déguisement, souvent travesti pour infiltrer des lieux ou tromper les ennemis, et il lui arrive parfois même de se déguiser en femme âgées. Ces déguisements font partie intégrante de son rôle d’agent secret et lui permettent d’infiltrer des lieux ou de tromper leurs adversaires. Ce travestissement n’est jamais moqué ou tourné en dérision, mais est, tout au contraire, présenté comme une démonstration de l’ingéniosité et du talent d’Artemus et peut être vu comme la manifestation d’une fluidité au regard des codes de la masculinité.

    Une fin qui arrive bien trop tôt
    Malgré un grand succès d’audience, la série se trouve dans la ligne de mire de la Commission nationale sur les causes et la prévention de la violence, mise en place par le Congrès américain, qui la juge beaucoup trop violente. Cette décision paraît d’autant plus surprenante qu’au Québec, lors de la première diffusion de la série sur TVA, le 4 octobre 1968, elle était programmée à 21h, et que, quelques années plus tard, elle passait à 17h, en plein créneau jeunesse.

    Ce qui est d’autant plus étrange, c’est que les créateurs de la série n’ont jamais revendiqué une identité queer et qu’aucun des acteurs ne semble n’avoir été conscient du sous-texte gai qui était présent (même si c’est un peu difficile à croire). Il n’en demeure pas moins que la série joue avec de nombreux codes queers qui sont dorénavant bien intégrés et compris, en combinant une esthétique “camp” (un style axé sur l’exagération, le grotesque, la provocation et l’ironie qui est fortement associé à la culture gaie), des relations masculines intenses (bien que chastes) et des codes vestimentaires hautement suggestifs.

    À l’époque, ils ont constitué un terrain fertile pour attiser l’imaginaire d’hommes à la recherche d’un homoérotisme trop rare au petit comme au grand écran. Bien évidemment, la série fait son âge et souffre parfois de problème de rythme et d’un contenu parfois socialement discutable, mais elle n’en demeure pas moins un objet fascinant pour le regard contemporain. À noter que la série est disponible dans un excellent doublage français, même s’il est assez difficilement accessible au Québec à moins que vous ne possédiez un lecteur DVD multizone et l’un des magnifiques coffrets offerts en France.

    INFOS | Les mystères de l’Ouest – 10 raisons d’aimer / Les séries du Belge
    Wild Wild West (Les mystères de l’ouest) : 1965-1969.

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