Les deux grands congrès internationaux sur le VIH tenus en 2025 — la CROI à San Francisco et la Conférence IAS à Kigali — ont confirmé une tendance de fond : alléger le poids des traitements et de la prévention grâce à des solutions à longue durée d’action, plus simples à vivre.
Ces avancées s’inscrivent dans la continuité de traitements déjà offerts, comme Cabenuva (cabotégravir + rilpivirine), administré tous les deux mois par injection intramusculaire pour les personnes vivant avec le VIH, ou encore Yeztugo (lenacapavir), un traitement injectable de PrEP développé par Gilead Sciences et désormais approuvé pour une administration semestrielle.
Le lenacapavir (Sunlenca) a reçu l’approbation de Santé Canada en 2022 pour le traitement des personnes vivant avec un virus multirésistant. L’approbation pour son usage en PrEP est attendue en 2026.

Alléger le quotidien
Ces innovations ont déjà transformé la vie de nombreuses personnes en réduisant les contraintes des prises quotidiennes de comprimés. Et la recherche ne s’arrête pas là : deux nouvelles approches pourraient bientôt simplifier encore davantage la prévention et le traitement du VIH.
La première, le MK-8527, une pilule de PrEP développée par Merck (MSD), offrirait une protection efficace contre le VIH avec une seule dose par mois.
La seconde, une combinaison thérapeutique expérimentale mise au point par Gilead, associe le lenacapavir à deux anticorps neutralisants longue durée — le téropavimab et le zinlirvimab — pour un traitement injectable administré deux fois par an.
Ces traitements sont encore à l’étude, mais les premiers résultats sont très prometteurs. Ensemble, ils laissent entrevoir un avenir où vivre avec le VIH ou s’en protéger deviendra non seulement plus simple et discret, mais aussi mieux adapté aux réalités de chacun.e.
Un traitement injectable tous les six mois
Une combinaison de trois agents antirétroviraux longue durée, administrée une seule fois tous les six mois, a démontré une excellente efficacité et tolérance dans un essai de phase 2b.
« Un médicament injectable aux six mois, c’est certainement bien intéressant pour les patients. C’est quand même toute une autre façon de s’attaquer au VIH », souligne le Dr Pierre Côté de la Clinique médicale Quartier Latin.
Ce traitement associe le lenacapavir, un inhibiteur de capside à action prolongée, aux anticorps téropavimab et zinlirvimab, qui bloquent l’entrée du VIH dans les cellules CD4 en empêchant à la fois la fixation et la pénétration du virus.
Les résultats montrent une suppression virale maintenue pendant au moins six mois chez la quasi-totalité des participant.e.s, avec des effets secondaires rares et mineurs, principalement au point d’injection.
Le Dr Côté précise : « Sur les 240 patients sélectionnés, environ 60 % n’ont pas pu participer, car leur virus n’était pas sensible aux deux anticorps neutralisants, une condition essentielle. Finalement, environ 75 personnes ont été incluses : les deux tiers ont reçu le traitement injectable et le tiers restant le régime oral classique. Le médicament a été bien toléré et très efficace pour maintenir une charge virale indétectable. »
Développée par Gilead en collaboration avec des centres de recherche internationaux, cette approche a obtenu par les autorités réglementaires le statut de Breakthrough Therapy, accélérant ainsi son évaluation clinique.
« Le seul bémol, c’est que, pour l’instant, 40 % des patients ne sont pas admissibles à ce traitement en raison de leur susceptibilité aux anticorps. Espérons qu’on trouvera le moyen d’élargir son accès », ajoute le Dr Côté.
Si les résultats des phases 3 confirment ces données, ce traitement semestriel pourrait transformer la gestion du VIH vers une thérapie plus simple, plus durable et potentiellement plus accessible.
« Évidemment, le coût risque d’être élevé s’il est commercialisé, ce qui posera la question de l’accès. Il faudra voir comment rendre ce médicament abordable », nuance le Dr Côté.
MK-8527 : vers une révolution dans la PrEP
Présenté à la Conférence IAS 2025 à Kigali, le MK-8527, développé par Merck, suscite un fort enthousiasme. Cette PrEP orale mensuelle pourrait transformer la prévention du VIH en simplifiant radicalement la prise du médicament.
Issu d’une nouvelle génération d’antirétroviraux appelés inhibiteurs de la translocation de la transcriptase inverse (NRTTI), le MK-8527 allie puissance, longue durée d’action et facilité d’utilisation.
Une seule pilule par mois suffirait à assurer une protection active continue, réduisant les risques liés à l’oubli ou à la stigmatisation des traitements quotidiens.
Les résultats de phase 2, présentés à Kigali, sont très encourageants : excellente tolérance, très peu d’effets secondaires et aucun cas d’infection au VIH parmi les participant.e.s.
« C’est toute une avancée dans la prévention, commente le Dr Côté. Le MK-8527 s’adresse uniquement à la PrEP, pas au traitement, mais c’est une percée majeure. »
Deux essais de phase 3 sont déjà en cours :
- EXPrESSIVE-10, mené en Afrique de l’Est avec la Fondation Gates, cible les jeunes femmes ;
- EXPrESSIVE-11, essai international mené dans 16 pays, vise une population élargie à risque.
Une PrEP mensuelle, orale et bien tolérée représenterait une avancée majeure en santé publique, notamment dans les régions où les solutions actuelles restent difficiles d’accès.
Une note plus politique : l’effet Trump
« C’était la première fois que la Conférence IAS se tenait en Afrique subsaharienne, à Kigali, rappelle le Dr Pierre Côté. Et pendant ce temps, le président Trump annonçait de nouvelles coupures au USAID, qui finance par le programme PEPFAR des traitements de PrEP pour plus de 200 000 personnes. C’est énorme ! »
Ces réductions toucheraient particulièrement les HARSAH, les travailleuses et travailleurs du sexe et les femmes trans en Afrique. Des chercheurs estiment qu’au cours de l’année suivant ces coupures, les nouvelles infections pourraient augmenter de 8 % chez les HARSAH, 6 % chez les travailleuses du sexe et 5,5 % chez les femmes trans.
« PEPFAR avait ses défauts, notamment l’obligation d’utiliser uniquement des médicaments américains plutôt que des génériques, mais il permettait à des centaines de milliers de personnes d’avoir accès à la PrEP, souligne le Dr Côté. Il faudra rapidement trouver d’autres sources de financement pour éviter un recul majeur. »
La recherche sur le VIH entre dans une nouvelle ère : moins de pilules, moins de contraintes et des traitements plus adaptés aux réalités de la vie. Entre injections semestrielles, pilules mensuelles et innovations immunologiques, la simplicité devient le nouvel horizon de la prise en charge du VIH.

