Enzo entre désir et appartenance

Présenté à la Quinzaine des cinéastes à Cannes, Enzo n’est pas qu’un film sur l’adolescence et le désir : c’est aussi un geste de transmission. D’abord imaginé par Laurent Cantet, le réalisateur d’Entre les murs, le projet a été repris et mené à terme par Robin Campillo (120 battements par minute), son ami de longue date. Ensemble, malgré la disparition de Cantet en 2024, ils signent un film d’une grande justesse, tout en tension retenue, sur la quête de soi et les premiers émois d’un garçon de seize ans qui cherche sa place entre le confort familial et la rudesse du monde.

Enzo, interprété avec une sincérité désarmante par Théo Navarro-Mussy, a tout d’un fils de bonne famille : études prometteuses, parents aimants, avenir tracé. Mais quelque chose en lui résiste.
À la surprise de tous, il abandonne ses études pour devenir apprenti maçon. Sur le chantier, il découvre la fatigue, la camaraderie virile, la fierté du travail manuel — et surtout Vlad, un ouvrier ukrainien incarné par Oleksandr Mavrits.

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Entre eux, la relation s’installe dans le non-dit : regards insistants, gestes suspendus, curiosité
réciproque. Rien n’est nommé, tout se devine. Campillo y filme une forme d’éveil, non pas sexuel au sens strict, mais existentiel — celui d’un jeune homme qui s’ouvre au monde, à la sensualité,
à lui-même. Fidèle à son cinéma de la suggestion, Campillo filme l’intimité avec retenue. Pas de scène explicite, pas de choc ni de provocation : le queer s’incarne ici dans les silences, la gestuelle,
les frôlements. « Je voulais un éveil sans sexualisation, quelque chose de sensoriel plutôt que
charnel », confiait le cinéaste à Screen Daily. Cette approche délicate place Enzo dans la lignée d’un cinéma queer de la discrétion, proche de Céline Sciamma ou Luca Guadagnino, où la tension du désir importe plus que sa résolution.

Mais le film ne se limite pas à l’éveil amoureux. Il s’inscrit dans une réflexion sociale et politique.
Enzo découvre un univers ouvrier qu’il ne connaissait qu’à travers les discours. Le contraste entre sa maison familiale, claire et aseptisée, et le chantier, brut et organique, symbolise la traversée entre deux mondes. En parallèle, Vlad incarne l’exil et la guerre, un ailleurs où tout brûle. Tandis qu’Enzo fuit un milieu trop étroit, Vlad rêve de retourner se battre pour son pays : deux formes d’errance, deux manières de chercher un sens à sa vie.

À la maison, les parents d’Enzo (formidables Nathalie Richard et Denis Podalydès) expriment un amour tendre mais contrôlant. Campillo filme cette emprise feutrée avec une ambiguïté subtile : sans pathos, mais avec un trouble latent, entre symbolique et charnel. Au-delà du récit, Enzo porte la charge d’un film posthume. Cantet en avait conçu la structure et les personnages avant sa mort ; Campillo a repris le flambeau « dans un esprit de fidélité ». Ce passage de relais est palpable : Enzo devient un 
dialogue entre deux cinéastes qui ont toujours filmé la jeunesse, le collectif et la tension entre désir et appartenance.

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Sous la lumière du sud, dans la poussière des chantiers, Enzo est un portrait d’adolescence vibrant de douceur et de gravité. Le film ne cherche ni à convaincre ni à dénoncer, i observe, avec pudeur et
tendresse, ce moment fragile où l’on apprend à se construire hors des cadres — là où chaque silence résonne comme un battement de cœur.

INFOS : du 20 au 30 novembre
Pour vous procurer des billets https://image-nation.org/festival-2025

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