En 1944, dans un hôpital soviétique, un jeune garçon de six ans – Rudik – danse pour son tout premier public : des compatriotes mutilés et réchappés du front de la Seconde Guerre mondiale. Malgré des circonstances plus que difficiles, ce fils de paysan s’élèvera peu à peu jusqu’à devenir l’un des plus grands danseurs que le XXe siècle ait connu : Rudolf Noureïev.
L’auteur, Colum McCann, utilise un procédé fort intéressant en distribuant la narration du récit à plusieurs personnages qui ont marqué la vie du danseur. Le point de vue sur le danseur est donc multiple, ce qui rejoint la philosophie de l’auteur, à savoir qu’il n’y a pas une vérité historique absolue, qu’à “chaque fois que nous parlons du passé, nous mentons comme nous respirons”.
L’auteur n’hésite d’ailleurs pas à alterner entre la rigueur historique et la fiction, brodant les portions de la vie du danseur qui demeurent toujours inconnues ou étoffant celles des multiples narrateurs qui l’entourent, leur conférant ainsi un passé et un destin.
Au fil des chapitres et des confessions, le lecteur se voit entraîné dans le tourbillon de la soif de perfection de Noureïev, ses exigences toujours démesurées, son désir pour le corps masculin, les soirées orgiaques dans lesquelles il s’abandonne, son génie artistique, mais également la maladie qui le rongera peu à peu et qui, ultimement, aura raison de lui.
Un roman fantastique au parcours aussi éclaté que le personnage dont il est le point d’ancrage. McCann se révèle ici bien plus qu’un simple biographe ou un simple auteur, mais un artiste à la mesure, ou à la démesure, du personnage qu’il raconte.
Le style est empreint d’un lyrisme, d’une délicatesse et d’une sensualité qui prennent souvent le lecteur à la gorge. Bouleversant!
Danseur / Colum McCann. Paris : Belfond, 2003. 370p.
