Fugues 40 ans : Le VIH dans nos vies

Le VIH, avec sa longue période d’incubation, ses modes de transmission et sa résistance aux efforts monumentaux pour mettre au point un vaccin et un traitement définitif, est l’une des maladies infectieuses les plus complexes, les plus éprouvantes et sans doute les plus dévastatrices que l’humanité ait eu à combattre. Si on a réussi à freiner son avancement et à prolonger la vie des personnes séropositives d’une manière incroyable, il reste néanmoins plusieurs défis. Retour sur le passé et sur ce qui reste encore à surmonter.

Au début, comme cette maladie ne semble toucher que les hommes homosexuels, elle est d’abord nommée Gay Related Immune Deficiency (GRID), puis renommée Syndrome d’immunodéficience acquis (SIDA) afin de mieux décrire ce qu’elle est vraiment. La peur de cette nouvelle maladie se répand plus vite que le virus: des communautés sont objets de discrimination, des professeurs renvoyés, des victimes se retrouvent isolées. En réponse à l’homophobie rampante associée de plus en plus au VIH, des individus se rassemblent à Montréal pour créer des réseaux de soutien et des groupes de défense. Ces groupes exigent des ressources pour l’étude du VIH, des services pour les personnes vivant avec la maladie et des politiques publiques offrant des protections juridiques et réduisant la discrimination.

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La clinique L’Actuel, véritable pionnière dans le développement des connaissances en matière d’ITSS et de VIH/sida, ouvre ses portes en 1987. La même année, le gouvernement du Québec, dans sa première phase de la stratégie provinciale contre le sida, reconnaît la nécessité de soutenir la dizaine de groupes communautaires d’intervention sida actifs au Québec.

La première Journée mondiale de lutte contre le sida se tient le 1er 1988 et devient rapidement l’une des journées commémoratives les plus réussies dans le monde. Au fil des ans, entre 1988 et 1998, plusieurs hommes séropositifs (dont Francis Bates et François L’allier) tiendront dans Fugues des chroniques d’informations ou de témoignages parfois très émouvants sur la réalité de ce qu’est que de vivre avec le VIH. Par al suite Fugues n,a jamais cessé d’aborder les questions en lien avec le VIH, comme celui-ci touche directement ou indirectement de la réalité de tellement de ses lecteurs.

En 1989, 10 000 congressistes sont réunis à Montréal pour la cinquième conférence internationale sur le sida, qui porte sur le défi scientifique et social que pose la maladie. 300 manifestants, accusant le gouvernement canadien d’inertie et de négligence criminelle à l’égard des séropositifs, perturbent l’ouverture de la conférence. Pour la première fois, il y a participation de malades à un congrès médical. L’année suivante, on met sur pied de la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida (COCQ-Sida).

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Puis l’homme d’affaires montréalais, Ron Farha, lui-même atteint du sida, met sur pied la Fondation Farha en 1992, qui se consacre principalement à la collecte de fonds pour améliorer la qualité des soins et services offerts aux personnes vivant avec le VIH/sida au Québec. Ça Marche voit le jour un an plus tard et récolte dès la première année 478 000 $.

En développement depuis la fin de 1992, les premières thérapies antirétrovirales efficaces font enfin leur apparition, en 1996, et incorporent une molécule, le 3TC, un médicament issu des laboratoires de la firme québécoise Biochem Pharma et du travail du Dr Mark Wainberg, du Centre de recherche sur le sida de l’université McGill à l’Hôpital général juif.

Et, avec l’arrivée des trithérapies efficaces, la mortalité chute rapidement au Québec, l’espérance de vie des personnes vivant avec le virus augmente et moins de personnes contractent l’infection au VIH. C’est ce qui fait dire à plusieurs que nous sommes passé d’une épidémie dévastatrice à une maladie chronique gérable.

Avec les années, les compagnies pharmaceutiques, pressées par les comités de personnes vivant avec le VIH et le lobby des organismes VIH, poursuivent la recherche pour développer des traitements avec toujours moins d’effets secondaires.

Au début des années 2010, on constate que traitement par anti-rétroviraux a fait diminuer la charge virale à un niveau indétectable pour la très grande majorité des personnes vivants avec le VIH au Québec et on commence graduellement à utiliser ces traitements pour la prévention sous forme de PrEP.

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À la fin de 2015, START, un essai clinique d’envergure qui s’est déroulé sur plusieurs années, fournit des données probantes indiquant que l’amorce du traitement peu après le diagnostic de VIH réduit de manière importante le risque de maladie grave et de mortalité. La même année, le Canada adopte les 90-90-90, cibles mondiales de traitement du VIH de l’ONUSIDA.

Selon les estimations canadiennes publiées à la fin de 2020, 90 % des personnes vivant avec le VIH étaient au courant de leur statut, 87 % des personnes au courant de leur statut suivaient un traitement, et 95 % des personnes traitées avaient une charge virale indétectable. Cela signifie que le Canada a atteint deux des cibles 90-90-90. Les cibles sont maintenant de 95-95-95.

Mais si la science a permis d’avancer et de faire en sorte que les personnes puissent vivre pratiquement normalement avec le VIH, comme s’il s’agissait d’une «maladie chronique», d’autres défis sont toujours au rendez-vous.

Depuis le début de l’épidémie, nous savons que la lutte contre le VIH/sida se gagnera tout autant par les avancées médicales que par les victoires en matière de droits de la personne et de justice sociale.

Au Canada, des personnes vivant avec le VIH ont été déclarées coupables de graves infractions criminelles et condamnées à des peines d’emprisonnement considérables, pour n’avoir pas divulgué leur séropositivité au VIH — même lorsqu’il n’y a pas eu transmission et qu’elles ont pris des précautions très efficaces pour réduire le risque de transmission à un niveau très minime.

Ce mauvais usage du droit criminel a d’abord été exercé en invoquant la santé publique. Pourtant, il n’y a pas de données probantes démontrant l’efficacité de la criminalisation de la non-divulgation de la séropositivité au VIH et des personnes vivant avec le VIH pour prévenir la transmission de l’infection.

« Il y a toujours du travail à faire, entre autres au niveau de la criminalisation du VIH. Lorsque les gens sont séropositifs et indétectables, ils ne peuvent plus transmettre le virus (I=I, indétectable = intransmissible), rappelait en entrevue dans Fugues il y a 4 ans Ken Monteith qui, a dirigé ACCM durant neuf ans, avant de prendre le fauteuil de directeur général de la COCQ-Sida.

«Il faut que la justice et nos loi suivent la science. Il faut en finir avec la criminalisation. Il y a encore cette image du passé chez une certaine partie de la population et ce, alors que la vie des PVVIH a évoluée. Il faut continuer de faire de la sensibilisation et cesser l’usage de la criminalisation », poursuivait Ken Monteith. Avec l’efficacité des thérapies antirétrivirale, il n’y a aucune raison scientifique de criminaliser une transmission potentielle qui n’a pas eu lieu.

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