Presque par hasard, l’artiste multidisciplinaire, Michel Lemieux et quelques amis regardent le documentaire Solide Salade tourné autour de la réalisation de ce spectacle du même nom qui fête aujourd’hui ses 40 ans. Michel Lemieux est alors surpris de la maturité de son travail alors qu’il avait tout juste 25 ans. Il devenait donc évident de fêter en grand ce quarantième anniversaire autour d’un spectacle qui allait lancer sa carrière.
Innovation, originalité, utilisation des technologies à des fins artistiques, Solide Salad marque un tournant au Québec, et surtout fait découvrir le talent d’artistes québécois bien au-delà de la Belle Province. « À l’époque, on est à une période où les artistes québécois ne sortaient pas beaucoup sinon pour aller en France, ou encore pour des chanteurs d’opéras qui faisaient des tournées internationales, se souvient Michel Lemieux, on est en 1984, avant la création du Cirque du Soleil, l’apparition du phénomène Céline Dion, ou de l’arrivée de Robert Lepage sur la scène théâtrale, j’ai donc été le premier à me promener sur la planète avec ce spectacle et à rencontrer un immense succès ».
Seul en scène dans Solide Salad Michel joue de la métamorphose, de la statue qui s’anime, parfois d’un simple petit garçon au tambour. Le tout sur des chansons qu’il a composées et qui sont autant de référence ou de clins d’œil à des artistes qu’il admire. On pense, pour la voix, à Klaus Nomi, au réalisateur Volker Schlöndorff et son film Le Tambour.
Les références artistiques sont nombreuses, mais surtout l’acteur veut créer un univers qui soit ludique et accessible à tout le monde. D’où l’idée de chanter en français, en anglais, et aussi dans une langue inventée. S’inscrivant dans le New Wave, Michel Lemieux s’éloigne de la chanson à texte en vogue à l’époque portée par des auteurs-compositeurs québécois. Mais sans pour autant effacer l’unicité de la culture québécoise. « Nous avions envie de montrer qui nous étions et d’où nous venions, et de le montrer ailleurs, continue Michel Lemieux, je parle là d’artistes comme Edward Lock, Louise Le Cavalier ou encore Marie Chouinard. Quand on regarde la captation, on se rend compte que cela ne pouvait pas se faire ailleurs qu’au Québec, très québécois mais aussi totalement ancré dans la modernité ».
Tout se joue dès les premières représentations au défunt Spectrum. Solide Salad qui devait être présenté quelques soirs va remplir la salle de spectacles pendant plusieurs semaines. L’écho de ce succès dépasse les frontières et Michel Lemieux commence une très longue tournée internationale, en Europe, en Asie, en Australie, et se retrouve même au Off-Broadway.
L’époque est propice à ce renouvellement, et Michel Lemieux comme d’autres artistes à l’époque que la création artistique québécoise pouvait conquérir le monde. « Il y avait cette nécessité de se faire entendre, un peu comme le petit frère ou la petite sœur d’une grande famille qui veut se faire entendre, donc de parler plus fort, de s’habiller plus coloré, d’être différent», ajoute Michel Lemieux, «on voulait des artistes comme Edward Lock, Louise Lecavalier, Marie Chouinard, et d’autres à l’époque, gagner notre place sur l’échiquier culturel mondial, et on avait la chance de pouvoir tout de suite utiliser la technologie pour en faire des outils de création bien avant les créateurs européens par exemple ».
Celui qui se définit comme un « coureur des bois numériques » ne bénéficiait de la technologie numérique en 1984, mais il a utilisé des projections sur un costume géométrique, jouant ainsi de la lumière et du mouvement. Contrairement à une idée reçue sur le fait que la forme primait sur le fond, on retrouve dans Solide Salad un monde onirique très près de l’enfance, où tout semble possible, où les différentes frontières parfois étouffantes sont bousculées au profit de l’imagination sans limite. Peut-être que Michel Lemieux a toujours su garder jusque dans ses dernières créations le jeu comme porteur de sens pouvant tous nous rejoindre.
Pour célébrer en grand, et outre la sortie de l’album Solide Salad, en août dernier disponible sur toutes les plateformes de musique, la cinémathèque présentera dès le 24 septembre 2024 avec la projection de la captation de Solide Salad, le documentaire consacré à ce spectacle ainsi que différents vidéos clips, suivi d’une soirée New Wave. On demande de s’habiller d’ailleurs dans le style de cette époque pour souligner une œuvre qui a apporté un grand souffle de liberté créatrice au Québec.
Solide Salade de Michel Lemieux, présentation de la captation de Solide Salade. Cinémathèque québécoise. Entrée Libre
MISE À JOUR :il semble que les représentation soient maintenant complètes
