Dimanche, 20 avril 2025
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    La fierté selon Moe Hamandi

    «Les droits acquis se perdent s’il y a abandon. Ma fierté se fond s’il y a renonciation, ya Habibi» Beyrouth 2009 – je me souviens encore des larmes qui coulaient des yeux de ma mère à l’aéroport de Beyrouth le jour de mon départ. Elle m’a fait penser à Aphrodite qui, par ses larmes mêlées au sang d’Adonis, a donné naissance à notre grande fierté libanaise, le fleuve d’Ibrahim. Quant à mon ex-chum, connu sous le nom de mon «meilleur ami» auprès de ma famille et mon entourage, il s’est enfermé chez lui pour porter le deuil de mon déménagement à Montréal.

    Non, je n’étais ni Bi, ni Gay, ni Queer, ces mots n’existaient pas dans mon dictionnaire. J’étais un gars qui avait une blonde et un ami proche, très très proche. Dans le sens où parfois on s’embrassait, à certains moments on se touchait et… on faisait souvent l’amour. Je dirais plutôt un «amant» ami. Ça existe? Dans mon monde à moi, tout est possible.

    Quand j’ai atterri sur le sol Montréalais, j’associais la Fierté uniquement à mes origines libanaises. Nous les libanais sommes très fiers de notre identité et notre amour de la patrie. Ce n’est pas pour rien que notre cèdre est notre fierté et que le cœur de notre Orient demeure à jamais le Liban. Et d’ailleurs, Lady Gaga l’a bien dit: «You’re lebansese , you’re orient» & yes «I was born this way», généreux, fou, intense avec du humus et de la sauce à l’ail dans la bouche. Ouf! Mais Stop! Ta fierté se limite à tes origines?

    Flash-Back – Ça m’a pris du temps avant de comprendre que ma fierté m’appartenait et qu’elle ne se limitait pas à mon hymne national. C’est vrai que mes racines constituent un pilier inévitable à son évolution tout comme le noyau d’un fruit. Cependant, j’ai appris à me connaître en franchissant les frontières du village et en rencontrant des gens différents et uniques. Je me souviens de ces rendez-vous montréalais nocturnes, ces folles sorties au Mado, ces dates palpitantes dans le village, et ces personnes qui ont croisé mon chemin. Et un soir, en rentrant chez moi d’un party inoubliable, ce «moi» caché derrière ma vraie personne a été soudainement débusqué dans un bus de nuit. Deux, trois coups m’ont mis à terre en criant “Espèce de pédé, fif”. C’était la première fois de ma vie que quelqu’un me battait et ça m’a réveillé. J’ai ouvert mes yeux et vu la vraie personne que j’étais. Que dois-je faire? Répondre par la violence et la dépression ou par la lutte et les convictions? Ma fierté décida de pardonner l’ignorance de mes agresseurs. Elle a évolué, le fruit a mûri! Je me sentais prêt à m’assumer et sortir du placard. L’artiste en moi avait besoin de s’exprimer devant le monde entier et crier fort: non à la violence et oui à la différence! Cette année-là, en 2016, la scène de Fierté Montréal m’a accueilli à bras ouvert. Un accueil qui reflète fidèlement son image et porte bien son message. J’ai chanté et crié fort «Allez venez avec moi danser avec moi; l’amour n’a pas de couleur ni d’origine; levez vos drapeaux, love will win». WOW! Je ne croyais jamais que ça allait arriver, un coming-out digne de son vécu et de sa fierté. C’était la première fois de ma vie que je vivais autant d’émotions. Ouf! Tu sais quand la joie embrasse la tristesse en faisant une déclaration d’amour à sa maitresse, la colère…

    Eh oui, je fais la fête car j’aime la vie. Je lutte contre les LGBTQI2+ phobies car j’aime mon identité et mes compatriotes libanais, arabe, et non-arabophones. C’est ça la Fierté! 71 États/territoires pénalisent les personnes LGBTQ par la prison, la torture, la peine de mort ou des travaux forcés. Dans dix pays dont cinq arabes, l’homosexualité est passible de la peine de mort en 2020. Et on se demande encore pourquoi a-t-on besoin d’une fierté? J’ai un devoir envers eux et envers toute personne immigrante et/ou réfugiée issue de ces communautés: de partager ma fierté et les aider à mieux comprendre leur réalité. Je me souviens encore de ce fameux dimanche, mon premier défilé! J’ai pris ma douche et me suis préparé à une vitesse mirobolante après une nuit blanche de folies. J’ai couru avec mon drapeau et pris le métro jusqu’à Lionel Groulx. Ce jour-là, ma fierté était comblée. Un libanais fier d’être ce qu’il est. Un libanais fier d’être Gai! J’ai marché avec Helem Montréal, l’organisme de «Protection libanaise pour les gais, lesbiennes et transsexuels» sur la musique de mon pays et ma chanson «Avec moi». On était entre nous, une famille libanaise solide. Et mon message était clair: à toi agresseur, je pardonne ton ignorance et je m’investirai dans ton éducation car vous êtes nombreux sur terre. À toi, compatriote, je serai toujours là à l’écoute, et ferai de mon mieux pour t’aider.

    2020 est différente des autres car je m’implique à un autre niveau en étant le premier libanais membre du CA de Fierté Montréal. C’est une énorme fierté en elle-même d’être à l’écoute et au service de toute la communauté et principalement les communautés racisées avec une belle équipe de feu. Yes! Rien ne nous arrête! Cette fierté est en moi et sera toujours au RDV. Peu importe la façon, c’est le message qui compte. Ce qui est le fun, c’est qu’elle sera en édition 360 virtuelle, différente et toujours aussi cool! Une nouvelle façon de fêter la diversité chez soi et de célébrer la journée communautaire autrement. Trop hâte à Afro-Fierté qui nous fera découvrir les différentes réalités vécues par les personnes noires en solidarité envers le mouvement Black Trans Lives Matter. On a besoin d’apprendre à connaître les autres pour bien nous connaître.

    INFOS | www.fiertemtl.com

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