Jeudi, 28 mars 2024
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    Le Lycéen ou la construction de soi

    Auteur de romans, metteur en scène au théâtre ou à l’opéra et réalisateur culte des Chansons d’amour, de L’Homme au bain ou encore de Plaire, aimer et courir vite, Christophe Honoré offre, avec Le Lycéen, un film puissant et romanesque. Applaudi il y a quelques semaines au Tiff de Toronto et à CINEMANIA, ce récit d’apprentissage impressionne par l’énergie de sa mise en scène, la liberté de sa narration, la fraicheur et l’authenticité du portrait adolescent ou encore la richesse de sa réflexion sur le deuil.


    Dans Le Lycéen, Christophe Honoré suit les impacts du deuil de Lucas, un ado gai qui perd son père dans un accident de voiture, et revisite les sentiments intenses de sa propre adolescence. La perte soudaine de ce père dont il était proche le chamboule et suscite chez Lucas une sorte de détresse. C’est alors que son grand frère (interprété par Vincent Lacoste) lui propose de « monter à Paris » afin de lui changer les idées, loin de ce cocon familial brisé. Après avoir obtenu l’approbation de sa mère (Juliette Binoche), Lucas se rend donc à Paris. C’est là qu’il découvre un autre mode de vie, là où son homosexualité sera peut-être plus simple à vivre, et surtout [là] où la vie y est si intense et différente de son Chambéry natal, et où le deuil de son père semble […] plus simple à gérer. Pourtant cette escapade parisienne ne sera pas un long fleuve tranquille et réveillera les démons du jeune homme, qui sombre doucement dans une dépression. Aidé par le soutien de ses proches, Lucas retrouve toutefois dans les petites choses du quotidien le gout de vivre de nouveau.

    « Je me suis efforcé d’avoir une certaine loyauté envers l’adolescent que j’étais et envers ce qu’il ressentait à l’époque », explique Christophe Honoré en entrevue. « J’ai essayé d’être fidèle à mes émotions d’alors, sans la patine du temps qui adoucit, mais en tentant par l’écriture et la mise en scène de retrouver leur caractère chaotique, bouleversé,
    imprévisible. »

    La dépression peut parfois mener à des comportements à risque et dans sa dérive, Lucas va peu à peu faire de mauvais choix. Il cherche à vivre des sensations fortes pour se convaincre qu’il n’est pas mort, qu’il n’est pas anesthésié. « Quand le tragique surgit dans le quotidien, il n’y a pas de récit, pas d’histoire qui se raconte alors, il n’y a qu’une sensibilité qui se dérègle, une impression de ne plus rien comprendre, d’être balloté dans tous les sens. Ce travail pour être au plus près des émotions, pour être dans le présent de ces émotions, a permis qu’un personnage romanesque advienne. Lucas est à mes yeux un personnage de fiction. Je l’envisage au final plus comme un jeune homme d’aujourd’hui qu’un souvenir du jeune homme que je fus. Il est constitué autant par ma mémoire, que par mon observation attentive du monde d’aujourd’hui. Je n’ai pas avec ce film l’impression de me retourner vers mon passé, mais de projeter un sentiment du passé dans le réel d’aujourd’hui. » Parler du deuil à l’âge de la construction de sa personnalité n’est pas simple et le réalisateur arrive à créer de l’intimité dans des scènes qui sont filmées avec pudeur et où l’homosexualité est montrée de manière délicate. 

    « Je ne voulais pas que la question de l’homosexualité soit un enjeu, un sujet de honte. Je voulais qu’elle soit assumée et assurée », explique Christophe Honoré. « Il y a beaucoup de récits d’adolescence où l’homosexualité devient un enjeu de dramaturgie, d’oppositions et de conflits. Dans mes films, j’essaye d’être plus attentif à la manière dont s’exprime cette sensualité à cet âge-là. La sensualité du personnage, ça le sauve, ça le définit beaucoup. Ça entraine des enjeux, en tant que cinéaste, sur le regard qui est porté à ce moment-là sur l’acteur. Pour moi, c’était important d’être dans une grande confiance avec les jeunes acteurs, Paul Kircher et Adrien Casse [qui joue l’amant de Lucas]. Il ne fallait pas que ce soient des enjeux périlleux pour eux. »

    Oscillant entre humour, émotion et sensualité, ce film est une véritable merveille portée par l’interprétation sensible de tous les acteurs. À côté de la prestation intense et incroyable de Paul Kircher, il y a ces « autres acteurs » comme Vincent Lacoste qui arrive en peu de scènes à laisser une trace et une présence. On salue également Juliette Binoche et Erwan Kepoa Falé, qui sont tous deux très touchants.


    INFOS | Le Lycéen de Christophe Honoré, à l’affiche en salle dès le 9 décembre 2022
    axiafilms.com

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