Vendredi, 29 mars 2024
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    Le couturier Pierre Cardin est mort à 98 ans

    Dernier monument de la couture française, mécène et homme d’affaires hors norme, Pierre Cardin vient de disparaître à l’âge de 98 ans. Pierre Cardin a toujours eu plusieurs coups d’avance. De quoi susciter l’admiration des uns et l’irritation de certains. 

    D’abord l’admiration, côté style avec sa vision de la mode futuriste, qui l’a rendu largement célèbre autour du globe — la Chine et la Russie l’ont particulièrement chéri. Et du côté affaires, en faisant de son nom une marque puis un empire en mettant en place à tour de bras le système de licences. Le revers de la médaille est qu’il a il perdu quelquefois le contrôle son image et de celle de sa maison et qu’il fut largement critiqué par ses pairs. 

    Être le premier, et quel qu’en soit le prix, constitue l’une des marques de commerce du couturier français. Il a été le tout premier à faire le buzz dans les années 1960 avec sa mode expérimentale, même s’il se disputait souvent le titre de «créateur futuriste» avec ses compères français André Courrèges et Paco Rabanne. Dès 1959, il se fait remarquer en mettant de côté la haute couture pour se consacrer au prêt-à-porter, plus accessible. Une audace qui le rapprochera du public, certes, mais lui attirera au passage les foudres de certains couturiers confrères. 

    Une ligne futuriste 
    Le vestiaire de Pierre Cardin, joyeux et exubérant, s’exprime à grands coups de matières avant-gardistes (plexi, rhodoïd, néoprène et vinyle), de coupes géométriques et de volumes sphériques. L’histoire de la mode retiendra particulièrement ses robes bulle, ses vestes à épaules pagode, ses costumes col mao ou ses tenues «Cosmocorps» (sorte de combinaison unisexe science-fictionnelle ultra moulante). 

    Il est également le premier à faire défiler l’homme. C’était en 1958, à une époque où le métier de mannequin pour homme n’existait pas. En deux ou trois coups de fil passés à des recteurs d’université, Pierre Cardin a su trouver en une armée d’étudiants au physique avantageux une cabine de mannequins prêts à assurer son show. Le défilé fut un triomphe. 

    Plus tard, il organise, encore une fois avant l’heure, des défilés aux allures de superproductions. Deux coups médiatiques marqueront les esprits : le défilé qui s’est tenu au milieu du désert de Gobi en 2007 et celui de la place Rouge à Moscou devant 200 000 personnes, qui a eu lieu en 1991. 

    Autre consécration, il compte parmi les premiers couturiers à apparaître en une du célèbre magazine américain Time. En 1974, il pose debout, torse nu, uniquement vêtu d’une serviette maison en guise de pagne, de chaussettes tombant sur les chevilles, avec autour de lui un fauteuil et un miroir silhouette, eux aussi estampillés Pierre Cardin. Sur cette image tout est dit ou presque : l’une des forces du couturier, c’est aussi la diversification. 

    Son sceau se retrouvera sur des serviettes de toilette, des paquets de cigarettes, des boîtes de sardines, des cravates, des plaquettes de chocolat, des meubles. Ses confrères lui reprochent de galvauder les mots de luxe, de mode et de création. Qu’importe, Pierre Cardin est libre et indépendant financièrement et sa fortune atteint des sommets.

    Ce fils d’agriculteurs vénitiens, qui a fui l’Italie fasciste de Mussolini avec ses parents pour venir se réfugier en France en 1924, se rêvait acteur. Il doit sa carrière de créateur-entrepreneur à une cartomancienne qui le mettra sur le chemin de la mode.

    Il fera ses armes chez un tailleur de Saint-Étienne avant de rejoindre Paris en 1945, où il travaillera auprès d’Elsa Schiaparelli et de Christian Dior, qu’il épaulera dans la conception de la célèbre veste Bar. Il y a de la ténacité et une soif d’entreprendre à l’infini chez Pierre Cardin. On ne devient pas par hasard la tête pensante — financière et créative — d’un empire évalué à plus de 600 millions d’euros (plus d’un milliard de $CAN) en 2019.

    Un appétit que l’on le retrouve aussi du côté de ses acquisitions immobilières. Aujourd’hui, on recense une cinquantaine de bâtiments lui appartenant qui vont du restaurant Maxim’s situé rue Royale à Paris (à deux pas de ses bureaux de la rue Marigny), au château de Lacoste, ancienne demeure du Marquis de Sade, posée dans les hauteurs du Vaucluse.

    Il avait horreur d’être catalogué 
    Toutefois, à propos de sa fortune comme de ses demeures, Pierre Cardin aimait à cultiver le mystère et à brouiller les pistes. Il n’infirmait ni ne confirmait rien. Il en est ainsi pour bien des sujets chez Pierre Cardin, comme si l’homme avait horreur d’être catalogué. Chose rare, il était un créatif doté du sens des affaires, un visionnaire devenu vintage, un chantre de l’élégance créant pour la rue, un inventeur de robes légendaires qui pouvait apposer son nom sur les objets les plus triviaux, comme un improbable réchauffe-tasse… 

    Mêmes zones de délimitations troubles côté vie privée : l’homme ouvertement homosexuel a vécu pendant quatre ans une histoire d’amour avec Jeanne Moreau et répétait à qui voulait bien l’entendre que son plus grand regret était de ne pas avoir eu d’enfant avec elle. 

    Finalement, le couturier aura marqué de son empreinte indélébile l’histoire de la mode avec un style largement identifiable, et l’homme d’affaires aura, quant à lui, imprimé un modèle économique florissant et reconnu.

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