Laurence Nerbonne est une des artistes les plus créatives du Québec. Ne reculant devant rien, elle taille sa place, seule et sans compromis, dans cet univers de la pop et du hip-hop québécois encore beaucoup trop masculin. Mettant la diversité sexuelle et de genre et culturelle au centre de ce qu’elle fait, Laurence écrit sa musique, paroles, «beats» et surtout, incarne l’indépendance et la persévérance. Son dernier album se nomme FEU et ce n’est pas pour rien!
Ton clip super engagé «Back Off» est nommé au Junos. Bravo ! Que représente Back Off pour toi ?
Back Off est pour moi une rébellion, avec humour, contre la réalité actuelle du milieu qui hésite encore à programmer des femmes. Dans le clip, il y a un vieux producteur de festival qui ne veut pas engager de femmes, car «ce n’est pas ca que les gens veulent voir» . C’est pourtant ce qu’on se fait dire en tant que femme dans l’industrie! C’est très commun ! Avec Back Off, je voulais dire la vérité aux gens.
Laurence Nerbonne Ce double standard se traduit comment pour une artiste féminine?
C’est vraiment présent au Québec. Ailleurs dans le monde, les festivals souhai-tent et réussissent à faire une programmation paritaire. Au Québec, c’est encore vraiment difficile. Pour moi, je vois cette situation comme «l’œuf ou la poule». Si tu y inclus des femmes, cela va engendrer un intérêt envers les femmes. C’est exactement la même chose avec la diversité culturelle et sexuelle et genre. Il faut engendrer ce changement.
Pour suivre ce que tu fais et t’avoir vu en spectacle, tu as un réel souci de diversité. Ça vient d’où ?
Je me suis toujours sentie en marge de la société, même si je suis une femme blanche cis et privilégiée. Mon entourage a toujours été composé de gens de partout, de gens différents. Si je n’ai pas cela, je me sens perdue. Ça me nourrit tellement, car je ne crois pas à l’uniformité. La diversité crée une grande richesse et de l’originalité. Je n’ai pas peur de la différence et pour moi ceci est un grand partage de vie.
La pop joue un rôle important dans l’acceptation de la diversité. Tu en penses quoi ?
Je crois que plutôt que c’est l’inverse, que c’est la communauté LGBTQ+ qui sert la pop ! Sans celle-ci, la pop ne serait pas où elle est ! Elle n’existerait pas sans la communauté. Toute l’esthétique de la pop puise dans les codes et l’imagerie LGBTQ+, car c’est une communauté qui est forte et possède une image puissante. C’est très inspirant pour la pop.
Peu de gens savent que tu fais TOUT dans ta musique. Ça te fâche ce manque de reconnaissance?
Cela ne me fâche pas, car ce n’est pas la faute à une personne en particulier, mais oui cela m’agace beaucoup. C’est dommage que soit un réflexe de société de penser qu’il y a un homme derrière la femme. C’est toutefois comprenable, car dans notre société, depuis la nuit des temps, on est habitués de prendre pour acquis que c’est l’homme. Oui c’est lourd de devoir expliquer que je fais tous mes «beats», que j’ai une formation en musique classique, que j’écris, que j’ai mon studio… la confiance des gens dans l’industrie est aussi moins grande quand tu es une femme.
Tu es aussi une artiste peintre. C’est d’ailleurs magnifique. Ta relation avec la peinture vs la musique ?
Pour moi la peinture m’apporte la zénitude ! On accès une Laurence plus sage et patiente. En musique c’est l’inverse, je suis super impatiente ! J’adore aussi peindre de grands formats, car j’aime faire les choses en grand (elle rit). J’ai déjà peint une toile plus grande que 18 pieds, j’étais sur une échelle ! J’aime aussi peindre des gens. Il y a la personne qui est là et qui fait partie de la toile, mais il y a aussi ce que je projette moi sur la toile. Il y a de moi dans cette représentation de l’autre. J’interprète à ma façon l’autre personne sur la toile. C’est un échange humain et aussi un vecteur de communication fascinant.