De Montréal à Paris, il ne laisse personne indifférent avec ses créations uniques qui rendent hommage la diversité culturelle et de genre et aux codes de la communauté LGBTQ+. Ayant réussi l’exploit d’être présent dans tous les magasins Simons du Canada, le jeune créateur a toutefois aussi fait les manchettes en août dernier pour avoir été victime d’une attaque homophobe à La Malbaie. Plus fier que jamais, c’est à quelques heures de prendre l’avion pour Paris que j’ai eu le plaisir de jaser avec lui dans son atelier de la rue Atateken.
Tu as vraiment le vent dans les voiles! Comment expliques-tu ton succès?
Bonne question! Je crois que mes créations restent accessibles au niveau du style et peuvent plaire à tous. Oui je fais du haut de gamme, mais je ne projette pas une image de marque huppée. Je veux démocratiser la mode et j’adore les choses colorées et amusantes.
Est-ce que l’industrie de la mode va bien au Québec ?
Ce n’est pas facile. Surtout ici au Québec, les gens n’ont pas un intérêt naturel marqué pour la mode comme dans d’autres endroits. Les gens ne sont pas encore prêts à payer plus cher pour un morceau de vêtement fait ici. J’ai souvent le commentaire que la mode québécoise est trop chère. Mais produire un vêtement ici coûte cher. Certains secteurs de la mode ici vont bien, mais les créateurs en tant que tels, cela fait longtemps que nous n’avons pas vu de nouveaux talents sortir du lot, c’est mon objectif en fait !
Mark-Antoine était un petit gars comment ?
Je dessinais beaucoup de robes, évidemment! J’étais bon en dessin, mais j’ai choisi en premier lieu d’étudier en théâtre. J’ai finalement bifurqué vers la mode et j’ai choisi de me lancer. J’ai cru lâcher au début, car je me demandais si j’allais être capable et si j’étais à ma place et finalement… j’enseigne la création au collège LaSalle.
Le concept de «mode», ça veut dire quoi pour toi?
C’est juste un mot! J’aime dire que la «mode est à la mode»! Ça change constamment ! Être à la mode c’est d’avoir sa propre histoire. J’aime raconter la mienne, j’adore celle des autres.
Tu aimes incorporer des références à la culture gaie et queer comme le cuir ou le latex par exemple. Pourquoi ?
Je fais partie de la culture LGBTQ alors je sens que je peux me l’approprier et la faire vivre autrement. C’est aussi pour moi une façon de rendre hommage à cet univers en lui donnant un côté plus glam. J’ai exploré aussi les fétiches sexuels dans une ancienne collection. J’aime tester les gens et repousser les limites! C’est de provoquer par en dessous. J’ai du plaisir à jouer avec ces codes et de les rendre grand public.
Tu crées tant pour homme que femme que les deux. Quel est ton rapport aux genres ?
J’aime dire «Qui voudra le porter le portera!». Si tu as du plaisir à porter mon vêtement, c’est ce qui compte. Les vêtements pour «hommes», je ne les genre pas. C’est toutefois moins évident pour ce qui est des robes, mais si un homme veut porter une robe, on va l’adapter pour son corps assurément. Tout chez moi est assez ample et le plus neutre de genre possible. Incorporer la diversité sexuelle et culturelle est super important dans ma démarche.
Quelle ville t’inspire le plus ?
Montréal! Quand j’ai fait mon stage à Paris j’étais convaincu que j’allais rester là-bas et travailler pour un gros nom comme Dior. Mais d’être ailleurs m’a fait redécouvrir Montréal. J’ai réalisé à quel point nous avons une ville magnifique et vraiment cool. Même avec l’hiver!
On doit revenir sur cette agression homophobe dont toi et ton copain de l’époque avez été victimes en aout dernier. Comment vas-tu six mois plus tard?
Je vais bien. L’enquête suit son cours, ce sont de longues procédures. Encore la semaine dernière, nous avons rencontré la police à ce sujet. Tu sais, je ne pensais jamais être victime d’un acte homophobe un jour. Je n’en revenais pas de constater que cela arrive encore ! Si cela arrive à moi, cela arrive à plusieurs autres aussi ! Ça a été pour plusieurs personnes, dont moi, un «reality check» comme quoi nous devons encore nous battre.
Qu’est-ce qui émergé chez toi depuis?
Ça m’a rendu encore plus engagé envers la cause LGBTQ. De constater le support des gens et des médias envers ce que j’ai vécu m’a vraiment bouleversé. Les gens veulent que cela se règle et que les choses changent, même la police. C’est rassu-rant. J’en parle ouvertement depuis et je me sens concerné, plus que jamais, par les enjeux de ma communauté. Cela a ravivé le militant en moi et de l’avoir vécu m’a rendu encore plus près des gens.
INFOS : markantoine.ca