Jeudi, 28 mars 2024
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    Êtes-vous PrEPo-sceptique ?

    J’aurais pu titrer malgré toutes les campagnes vantant ses qualités : La PrEP la mal connue ! Car tout dépend de l’endroit où l’on vit et de la proximité que l’on a avec les organismes de prévention et du super boulot qu’ils font pour se faire une tête comme on dit.  

    Peut-être voit-on ces organismes comme s’adressant qu’à une population gaie plus vulnérable ? Ce qui est absolument faux. Je reste étonné de croiser des gars qui restent  campés sur leurs visions de la sexualité et de la prévention. Visions  qui auraient besoin d’être dépoussiérées, nécessitant une bonne mise à jour.  

    Et ces gars croisés au hasard d’événements, de soupers, de sorties ne font pas partie de la minorité vulnérable de nos communautés. Ils ne sont pas en perte de vitesse, ni socialement, ni professionnellement, ni dans leur style de consommation. À la limite, ils seraient très responsables face à tous les dangers possibles. Mais voilà, la PrEP, ils ont tendance à la stigmatiser.  

    Petit rappel général avant que chacun se positionne face à la PrEP. : la PrEP et la charge virale indétectable fonctionnent comme des outils qui court-circuitent la transmission du virus. Et les chiffres le prouvent. Ceux diffusés par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) témoignent d’une amélioration globale. Les données de l’Institut de 2013 à 2017 démontrent une diminution de 11% chez les fameux HARSAH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes) qui représentaient encore en 2017, 44% des nouveaux diagnostics. Une baisse de la contamination significative, qui est dû principalement à la charge virale indétectable, à la PrEP ou à tout autre moyen de protection comme le bon vieux condom. Bien sûr ces données doivent être mises en perspective avec les autres provinces, les autres pays, tenir compte de l’appartenance à des groupes dits « à risques», comme les nouveaux arrivants, les communautés autochtones et aussi parmi la population hétérosexuelle.  

    Mais les chiffres sont encourageants. La multiplication des barrières pour éviter la transmission du VIH/sida porte leurs fruits.  

    Comment expliquer alors que certains gars soient PrEPo-sceptiques ? 
    Je ne suis ni chercheur universitaire, je n’ai ni fait d’études quantitatives ni qualitatives, mais dans les commentaires des presque anti-PrEP, pointent toujours un vieux relent moraliste sur le sexe et les comportements sexuels.  

    Au tout début de la mise en place de la PrEP, un confrère gai (pas à Fugues, pour ne pas donner de grains à moudre aux fouineurs) m’avait dit que c’était terrible, que les gais allaient de nouveau baiser n’importe comment. Entendre qu’ils allaient multiplier les rencontres sexuelles, à deux, à trois, à trente. À l’écouter, je voyais d’un seul coup le Village se transformer en sexodrome à ciel ouvert. Ce qui n’était pas d’ailleurs pour me déplaire. Je venais de parler à mon premier PréPo-sceptiques. 

    Le commentaire de ce confrère était emblématique de tous les autres que j’ai pu entendre. On allait pouvoir brûler le condom et se livrer à toutes les débauches, orgies, partouzes, et certains ajoutant COMME avant l’arrivée du sinistre virus. Ce qui sous-entend que les générations qui ont précédées le sida et celles qui ont été touchées par le sida étaient presque des dégénérés inconscients obsédés sexuellement.  

    C’est tirer un peu vite et sans protection sur l’histoire de la sexualité. C’est sur leur sexualité que les gais (et d’autres, les lesbiennes, les bi, etc,) ont été le plus discriminés. Et sur la revendication d’une sexualité qui s’éloignait de la norme valorisée majoritaire. Notre sexualité et ses différentes modalisations font partie intégrante de notre histoire. Et ceci-dit, nous n’avons ni découvert, ni rien appris à la population hétérosexuelle sur ses propres comportements mais sur lesquels les projecteurs ne sont pas posés. Les orgies, les partouzes, les couples ouverts, les bordels, les adultères, font aussi partie de l’héritage hétérosexuel. Autre réticence des PrEPo-sceptiques, le médicament n’empêcherait pas la transmission d’autres ITSS (Infections transmisssibles par le sexe et par le sang) dont il semblerait qu’il y ait une recrudescence liée au fait qu’on ait mis au rancart le condom pour la PrEP. Juste. Sauf que la recrudescence de syphillis au Québec a commencé bien avant la mise en marché de la PrEP. De plus, les ITSS ne se transmettent pas uniquement par les relations anales, mais par la bouche aussi. Et entre une gonorhée à soigner et le VIH, il y a une nette différence.  

    Dernière réticence des PrEPo-sceptiques, les effets à très long terme de la petite pilule sur l’organisme. Il est encore trop tôt pour savoir si oui ou non il y a des effets secondaires doma­geables à long termes pour l’orga-nisme. Dans quelques années, des études longitudinales permettront dans savoir plus. La PrEP ne s’achète pas au dépanneur du coin. Il faut en discuter avec son médecin qui pourra prescrire le fameux comprimé et s’engager à se faire suivre régulièrement tous les 3 mois.  

    Bien sûr le risque zéro n’existe pas, et c’est aussi le cas quand on prend son auto, ou simplement quand on traverse une rue. Il en est de même avec le condom, tout le monde a une histoire du condom qui craque au moment où il devrait assumer et assurer complètement son rôle. Mais comme pour lorsqu’il pleut, on peut opter pour une capuche OU un parapluie, ou bien pour la capuche ET le parapluie. En somme, prendre la PrEP et utiliser un condom pour doubler la sécurité lors de rapports sexuels.  

    Au moins les PrEPo-sceptiques, comme les utilisateurs de la PrEP, ont le mérite de réfléchir sur leur santé sexuelle, et donc d’avoir une attitude responsable. Responsables vis-à-vis d’eux-même pour eux-mêmes, responsables pour la santé de leur(s) partenaire(s), responsable en termes de santé publique. Une responsabilité individuelle et collective qui devrait tous nous habiter.  

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