La santé sexuelle et le dépistage ont été relégués au second plan en raison de la pandémie. Même si la distanciation physique a permis de limiter l’augmentation généralisée des infections transmissibles sexuellement (pendant un certain temps, moins de rencontres, moins de contacts sexuels, moins de transmissions), la pandémie a tout de même un impact sur les ITSS, d’autant plus que les mesures de distanciation physique commencent à être assouplies et que les gens sont en quête d’intimité et de plaisir après une période très stressante.
Il est devenu évident que nous devons mieux optimiser la prévention des ITSS chez les hommes gais, bis et autres hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (gbHARSAH), et l’offre d’un service de dépistage régulier et accessible est essentielle. Cependant, de nouvelles recherches effectuées à Montréal suggèrent que certaines opportunités de dépistage et de prévention nous échappent peut-être.
Selon les résultats d’une récente étude menée par Engage – une collaboration pancanadienne entre des chercheurs et des organisations communautaires sur la santé sexuelle des gbHARSAH au Canada – la plupart des examens de dépistage des ITSS pour les gbHARSAH à Montréal utilisent des échantillons d’urine (89%) alors que le recours aux prélèvements rectaux et de gorge est beaucoup moins fréquent (56% et 70%, respectivement).
Le problème est que pour certaines ITSS, les tests d’urine ne suffisent pas à détecter toutes les infections, notamment lorsqu’elles se situent dans le rectum ou dans la gorge. Cela veut dire que le fait de se fier uniquement aux analyses d’urine, aussi efficaces peuvent-elles être, fait en sorte que beaucoup d’infections risquent de passer inaperçues. Il en va ainsi pour la chlamydia, pour laquelle le fait de n’employer qu’un échantillon d’urine a empêché de dépister 88% des infections, et plus encore pour la gonorrhée, où le fait de n’employer qu’un échantillon d’urine empêche de détecter jusqu’à 94% des infections. Au-delà de ces occasions ratées de guérir une infection, comme les gens n’ont souvent aucun symptôme, l’infection se transmet sans le savoir, ce qui contribue à la hausse du taux d’infection. De plus, ces infections non traitées rendent l’individu plus susceptible de contracter d’autres ITSS comme le VIH en raison de l’inflammation des muqueuses qu’elles entrainent. Heureusement, nous sommes en mesure de pallier cette situation.
Si vous êtes sexuellement actif, assurez-vous que votre médecin effectue le dépistage correctement à tous les endroits requis (ou vous laisse effectuer le prélèvement vous-même). Le fait de parler de sexe avec son prestataire de soins n’est pas facile, surtout s’il s’agit de sexe oral ou anal. Voilà pourquoi on recommande aux professionnels de la santé de vous questionner sur votre comportement sexuel et de procéder à un dépistage des sites corporels pertinents dans le cadre d’une évaluation complète comportant un bilan des antécédents sexuels et un dépistage d’ITSS. Toutefois, si votre prestataire de soins de santé n’aborde pas le sujet avec vous, n’oubliez pas de lui dire que vous croyez pertinent de fournir non seulement un échantillon d’urine, mais aussi un prélèvement rectal et de gorge.
Il est important de pouvoir avoir des conversations franches, ouvertes et libres de tout jugement au sujet de la santé sexuelle avec nos prestataires de soins de santé. Cela contribue à réduire le taux d’ITSS dans nos communautés. Pour ce faire, les patients devront être en mesure de faire valoir leurs droits (vous ne pouvez pas vous attendre à ce que votre prestataire de soins de santé sache quels types de dépistage effectuer si vous ne le lui dites pas tout de votre pratique sexuelle) et les prestataires de soins devront s’engager à mieux s’informer sur les tests et le traitement des ITSS (ainsi qu’à poser des questions difficiles et parfois intimes).
Les universités et les écoles de médecine doivent également faire plus afin d’enseigner aux nouveaux professionnels de la santé l’importance de la santé sexuelle pour toutes les communautés. La santé sexuelle va au-delà de la santé reproductive, et l’éducation en matière de santé sexuelle doit tenir compte des besoins de nombreuses communautés, notamment des personnes bispirituelles, queer et trans. Alors que la COVID-19 continue d’exposer les iniquités sanitaires au sein de notre société, nous devons garder à l’esprit que ce ne sont pas tous les problèmes de santé publique qui nécessitent une nouvelle solution. Parfois, il s’agit simplement de mieux se servir des outils que nous possédons déjà.
Par Joseph Cox, MD, Research Institute-McGill University Health Centre, et Jody Jollimore, Directeur général, Centre de recherche communautaire

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