Cela fera bientôt un an que Simon Gamache est directeur général de Fierté Montréal. Gestionnaire expérimenté et passionné d’art, il livre son bilan et nous dévoile ce qui est sur la table pour les années à venir.
Quel bilan dressez-vous de votre première année au sein de Fierté Montréal ?
Simon Gamache : Je suis un gestionnaire d’expérience. J’ai quand même une quinzaine d’années de gestion derrière la cravate, dans des OBNL de toutes tailles. Il y a beaucoup d’enjeux à Fierté Montréal, mais disons que j’ai été bien outillé dès le départ pour ce rôle-là. Par contre, c’est sûr que de rentrer dans cette job-là, c’est très différent de ce que j’ai pu vivre ailleurs. Le gros défi c’était vraiment d’aller à la rencontre de tout le secteur communautaire. Je me suis mis là-dedans très rapidement. Je suis entré en poste en septembre et à ma troisième semaine j’étais déjà en train de rencontrer des organismes communautaires.
Comment sont les relations avec le secteur communautaire ?
Simon Gamache : En octobre-novembre, j’ai rencontré des représentant.e.s de 45 organismes communautaires. Dans ces rencontres-là, il n’y avait pas vraiment d’ordre du jour, c’était vraiment pour apprendre à se connaitre de part et d’autre, voir comment on peut travailler ensemble. Pour moi, c’est vraiment fondamental, parce que Fierté Montréal c’est une plateforme. On est là, on a des ressources, on peut faire avancer des revendications sans que, nous, on se positionne nécessairement. Sans les revendications, Fierté Montréal n’a pas vraiment de raison d’être. Je voulais vraiment comprendre ça de l’interne, et ça se fera sur des années. Je me suis senti super bien accueilli. Il y avait une écoute, j’ai commencé à tisser des liens avec des acteurs et actrices clés dans le milieu. Ça a été très riche.
On entre aussi dans une planification stratégique pour bien clarifier notre mission et nos valeurs. On s’est allié à une firme de consultation, mais on s’est allié au secteur communautaire et on les a consultés par entrevues et sondages. Au moment où on se parle, on est en train de compléter ça. C’est un travail qu’on va terminer cet automne.
Y a-t-il eu des changements au niveau interne ?
Simon Gamache : La crise qu’on a vécue [avec] la pandémie a fait en sorte qu’il y a eu plusieurs postes vacants, donc on a fait beaucoup d’embauches. On a rebâti l’équipe. Dans l’équipe permanente, on a 9-10 [personnes] à temps plein qu’on a embauchées, sans compter les personnes en supplément pour le festival. Il y a aussi eu bien évidemment des personnes clés qui sont restées, il n’y a pas eu de table rase qui a été faite ! On est très heureux de pouvoir compter sur l’expertise de certaines personnes qui sont là depuis des années.
On a eu un gros chantier pour revoir les ressources internes — les politiques de ressources humaines, les politiques financières… — plein de choses sexy comme ça… (Rires.)
On a aussi eu un changement important au niveau de la gouvernance. Avant, la présidence et la vice-présidence étaient aussi la direction générale. Maintenant, c’est séparé. Moi, je suis complètement indépendant du CA, je ne suis pas membre du CA, je suis un membre d’office : toujours présent, mais pas de vote au CA. C’est moi qui porte la vision de l’organisme.
J’ai eu beaucoup de plaisir. Toute ma carrière, j’ai restructuré, j’ai redressé des organismes ou des départements. J’ai beaucoup géré des changements, donc moi je suis un poisson dans l’eau dans tout ça ! Maintenant, on commence à regarder de l’avant : je ne veux pas être à Fierté Montréal juste pour restructurer, je compte rester un bon bout de temps dans cette job-là.
Avez-vous d’autres ambitions pour Fierté Montréal ?
Simon Gamache : À la base, nous, on est un organisme avec un festival, une journée communautaire et un défilé. Ça, ça reste, c’est sûr et certain, et tout notre financement est basé là-dessus, et tout ça est important et fondamental. Mais là, au-delà de ça, on se mobilise pour savoir comment on va annualiser les activités de Fierté Montréal. Comment on dépasse la semaine de la Fierté du mois d’août ? Comment déployer les ressources pour être une Fierté à l’année ? Ce n’est pas nouveau. Ça a été beaucoup discuté dans le passé et il y a eu plusieurs tentatives. Et ce n’est pas juste Montréal qui se pose cette question : toutes les Fiertés et les Pride dans le monde se posent les mêmes questions. On veut aider — s’ils le désirent — les organismes communautaires à aller plus loin dans leurs actions, au point de vue ressources, communication, marketing, etc. Tout ça, sans piler sur leurs orteils. Et aussi, vu qu’on est un festival, on veut mettre des artistes de l’avant. Donc on se demande comment on peut devenir une plateforme de dépistage d’artistes LGBTQ, d’artistes de la relève, et ce, à l’année longue. On ne va pas créer des événements à toutes les semaines, mais on se demande si on peut avoir des événements clés, dans l’année, où on peut présenter des artistes non seulement des arts de la scène, mais aussi des arts visuels, des arts numériques, ou même de l’art culinaire ! Mais ça, c’est quelque chose qui se développe sur plusieurs
années.
Le festival déménage et se rend à l’Esplanade du Parc olympique. Quels liens Fierté Montréal gardera-t-elle avec le Village ?
Simon Gamache : On est en grande réflexion sur la revitalisation du Village. On a eu beaucoup de critiques — et on est encore beaucoup critiqué — du fait qu’on présente une grande partie du festival au Parc olympique, comme si on abandonnait le Village. Ce n’est pas ça du tout. Fierté Montréal était rendu à un moment de croissance où les lieux physiques autour du Village ne répondaient plus aux besoins d’un festival de l’ampleur de Fierté Montréal. Ça ne marchait plus. Les gens peuvent chialer autant qu’ils le veulent : il faut se rendre à l’évidence, un tel espace n’existe pas.
Et il faut souligner que, cette année, on fera plus d’événements dans le Village qu’on n’a jamais fait. On est très impliqué dans un projet de la Société de développement commercial (SDC) qui s’appelle Place du Village. On sera là du début août jusqu’à l’Action de grâce. On planifie des activités culturelles pour tester des produits culturels dans un nouvel espace. Tout ça, sans jouer dans les plates-bandes d’autres commerces ou promoteurs qui sont déjà dans le Village. Et ça fait longtemps que ça se dit : quand on regarde les anciennes consultations pour savoir ce que les gens veulent qu’il se passe dans le Village, l’aspect artistique et culturel revient tout le temps.
Montréal voulait accueillir la World Pride en 2023. Elle a finalement été attribuée à Sydney. Est-ce que Montréal va se présenter pour une prochaine édition ?
Simon Gamache : On est en réflexion. Là, on travaille avec Sydney. Ce ne sont pas nos ennemis, au contraire. Donc on a décidé de faire de la promotion croisée. Nous, autant qu’on va faire de la promotion pour la World Pride à Sydney qui a lieu en mars 2023, les gens de Sydney vont faire la promotion de Fierté Montréal pour l’année prochaine.
Les ambitions demeurent. Montréal a tout à fait la capacité d’organiser une World Pride. Là, la World Pride de 2025 a été attribuée il y a quelques mois à Taïwan. Pour nous, c’est à voir. On se demande si on veut se rembarquer là-dedans, si 2027 c’est une bonne année, vu que ça va être le 20e anniversaire de Fierté Montréal… C’est en évaluation, parce que c’est sûr qu’une candidature comme ça, ce n’est pas juste Fierté qui décide, il y a tout le secteur touristique qui doit être derrière. Mais surtout, il ne faut pas que ça nous éloigne de notre objectif de contribuer au développement local. L’aspect international va toujours être important pour Fierté Montréal. En termes de ressources financières, on est un gros joueur, on est une des plus grandes Fiertés au monde, et on est la plus grande du monde francophone. Mais il faut un ancrage très solide au niveau local, et ça, ça passe par le travail avec le milieu communautaire, par le dépistage d’artistes locaux, etc.
Au fil des années, Fierté Montréal semble se donner l’inclusivité comme mot d’ordre. Cela ne devient pas difficile à gérer ?
Simon Gamache : Toutes les questions de diversité, d’équité et d’inclusion, c’est la raison principale pour laquelle j’ai pris la job. Oui, il y a la diversité sexuelle et de genre, c’est fondamental : on veut qu’elle soit représentée dans la programmation, c’est sûr et certain. Et pas juste la programmation du festival, mais aussi la programmation communautaire. Mais on veut aussi représenter davantage les personnes autochtones, noires et de couleur. Une organisation comme la nôtre, ça veut l’équité pour toutes les personnes. Et quand tu parles d’équité, tu ne peux pas exclure des groupes, c’est la base. Ça ne me fait pas peur, mais ça donne le vertige, parce que c’est absolument sans fin. Nous, c’est notre mission d’être dans l’inclusion et dans la diversité. Ça donne des défis énormes, ça crée des frictions — on peut parler de diversité sans parler de frictions ou de tensions — mais, pour moi,
ce sont des frictions créatives et on va continuer là-dedans.
Des commentaires finaux ?
Simon Gamache : L’été 2022 a été assez rocambolesque pour tous les festivals. Tous les festivals étaient au neutre depuis 2019. Donc on a tous reparti la machine, et ça n’a pas nécessairement été facile. Pas juste à l’interne, mais aussi avec les fournisseurs et les promoteurs. Le fait qu’on ait été capable de livrer un festival relève quasiment du miracle. Donc vraiment, il faut célébrer cet été, et chapeau bas au milieu festivalier à Montréal qui ne l’a pas eu facile !
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