Mercredi, 10 septembre 2025
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    En Chine, des autrices de romances gaies arrêtées

    Une vague d’arrestations vise actuellement de jeunes autrices de danmei, un genre littéraire érotique très prisé mêlant romance gaie, fantasy et science-fiction. Toutes publiaient leurs œuvres sur Haitang Literature City, une plateforme taïwanaise désormais dans le collimateur des autorités chinoises.

    Écrire des histoires d’amour homosexuel, désormais illégal
    Dans la Chine de Xi Jinping, la publication de récits mettant en scène des relations homosexuelles est désormais considérée comme illégale. La BBC révèle qu’une trentaine de jeunes femmes, âgées d’une vingtaine d’années, ont été arrêtées depuis février 2025 pour avoir publié des contenus jugés obscènes.

    Le danmei, littérature populaire aux accents homoérotiques souvent teintés de BDSM, s’adresse à un lectorat majoritairement féminin. Les histoires se concluent le plus souvent par une fin heureuse. Pour accéder aux chapitres, les lectrices doivent créer un compte, utiliser un VPN (permettant de contourner la censure en ligne) et acheter des haitang coins, la monnaie virtuelle de la plateforme.

    Une communauté discrète, aujourd’hui ciblée
    Jusqu’ici relativement épargnée, cette communauté littéraire agissait dans l’ombre, protégée par l’anonymat et les pseudonymes. Mais la loi chinoise – notamment l’article 363 du Code pénal, qui interdit strictement la production et la diffusion de contenus obscènes – prévoit des peines allant de quelques années à la prison à perpétuité.

    Humiliations publiques et double peine
    Outre les poursuites judiciaires, les autrices font aussi face à une forte stigmatisation sociale. Sur le réseau chinois Weibo, plusieurs témoignages font état d’arrestations humiliantes.

    « La honte m’a submergée. J’étais en cours quand la police m’a arrêtée devant toute la classe », écrit l’une d’elles. 

    « J’ai été escortée sous les regards, contrainte de me déshabiller devant des inconnus pour enfiler un gilet destiné aux photos. Je tremblais, mon cœur battait à tout rompre », témoigne une autre.
    L’autrice Pingping Anan Yongfu, avant de supprimer définitivement son profil, a publié un dernier message : « J’étais la fille modèle. Aujourd’hui, j’ai couvert mes parents de honte. »

    Un élan de solidarité vite censuré
    Face à ces révélations, un élan de solidarité s’est manifesté en ligne sous le mot-clé #HaitangAuthorsArrested, qui a cumulé plus de 30 millions de vues. Des avocats offraient leur aide bénévole aux autrices arrêtées, tandis que d’autres internautes dénonçaient l’hypocrisie du régime : certains passages jugés « déviants » dans les danmeis seraient comparables à ceux d’œuvres d’auteurs reconnus, comme le Prix Nobel Mo Yan.

    Tous les messages de soutien et le hashtag ont depuis été supprimés des réseaux sociaux chinois.

    Un contrôle des corps au nom de la natalité
    Cette répression s’inscrit dans un contexte de contrôle idéologique croissant sur les contenus culturels en ligne. Depuis une dizaine d’années, les autorités « nettoient » Internet. En 2018, une autre écrivaine de danmei avait été condamnée à dix ans de prison pour avoir vendu 7 000 exemplaires de l’un de ses romans.

    Ce durcissement coïncide avec une baisse historique de la natalité en Chine : en 2023, seuls 9,02 millions de naissances ont été enregistrées, un plancher jamais atteint depuis 1949 et une chute de près de 50 % par rapport à 2016.

    Face à cette crise démographique, le régime de Xi Jinping promeut un retour aux « valeurs familiales traditionnelles », perçues comme le remède à la baisse des naissances. Dans cette logique, le danmei est présenté comme un obstacle à la maternité, car il met en avant des modèles de relations non hétéronormés.

    Une littérature sous surveillance
    Il s’agit de la deuxième vague d’arrestations en moins d’un an : fin 2024, une cinquantaine d’écrivaines avaient déjà été poursuivies pour des publications similaires. L’une d’entre elles a été condamnée à près de cinq ans de prison.

    Conscientes des risques, celles qui continuent d’écrire utilisent désormais un langage codé pour contourner la censure : « faire à dîner » remplace « avoir un rapport sexuel », et « ustensile de cuisine » désigne le sexe masculin.

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