Un nouveau film queer explore les abus, l’amour et la complexité de la mémoire. Dans Sel sur la plaie (Salt Water), un drame troublant du réalisateur colombien Steven Morales Pineda, un homme affronte les fantômes de son passé… et le prêtre qui l’a marqué à jamais.
Tourné sur la magnifique côte caraïbe de la Colombie, le film suit Jacobo (Luis Mario Jiménez), un homme de 33 ans qui retrouve José Luis (Oscar Salazar), un ancien prêtre catholique maintenant accusé d’abus sexuels sur mineurs. José Luis n’est pas seulement celui qui l’aurait agressé : il fut aussi son premier amour. Leur rencontre fait remonter à la surface un mélange de ressentiment, de désir, de culpabilité et de nostalgie. Comme les marées qui montent et descendent, les émotions entre les deux hommes oscillent sans cesse, soulevant des questions qui échappent à toute réponse simple.
« Salt Water parle d’un amour inconfortable, mais qui demeure, indéniablement, une histoire d’amour », explique Pineda, qui signe le scénario, la réalisation et la coproduction du film. Puisant dans son vécu, il a commencé à écrire ce récit comme un exutoire après avoir franchi le cap de la trentaine et s’être confronté à un traumatisme d’enfance longtemps enfoui. « J’avais une histoire profondément coincée en moi que j’avais toujours refusé de raconter, se souvient-il. J’ai décidé qu’il était temps de libérer cette douleur. »

Loin d’un récit manichéen de victime et de coupable, Salt Water invite le spectateur à s’installer dans l’ambiguïté. « Je ne suis pas là pour pointer du doigt », insiste Pineda. « Je veux susciter de l’empathie envers celles et ceux qui vivent avec un traumatisme, qui sont réduits au silence par la honte, ou dont les gestes échappent parfois à notre compréhension. »
Cette volonté de nuance distingue le film sur la scène des festivals, où le public salue son honnêteté émotionnelle et son audace. Pineda se souvient d’une projection marquante : « À Miami, un homme septuagénaire est venu me souffler à l’oreille : Je suis prêtre. Merci d’avoir abordé ce sujet avec autant de délicatesse. »

Le tournage, en avril 2021, fut une véritable épreuve. L’équipe a dû composer avec une flambée soudaine de COVID-19, des couvre-feux et des barrages policiers. « C’était une odyssée », raconte Pineda, qui a financé le projet grâce à ses économies personnelles et à l’aide d’amis artistes. « Mais au final, tout s’est mis en place comme par miracle. »
Pour Pineda, Salt Water témoigne de la nécessité vitale de l’art queer aujourd’hui. « L’art queer n’est pas seulement important : il est essentiel », affirme-t-il. « C’est ma façon de défier les systèmes qui cherchent à nous effacer. C’est une bouée de sauvetage. »
Déjà, le cinéaste prépare son deuxième long métrage, Our Name is Mary, une histoire initiatique où trois adolescents explorent leur identité dans une petite ville colombienne dominée par le machisme. « Je veux continuer à raconter des histoires qui donnent une voix aux personnages LGBTQ+ mal compris », dit-il. « D’autres projets sont en chantier, et ils continueront à nous rendre justice. »
INFO | Sel sur la plaie (Salt Water) est disponible sur Amazon, Apple et toutes les principales plateformes de vidéo sur demande. Plus d’informations sur www.bgpics.com