Il y a des films qui se glissent doucement sous la peau, qui ne cherchent pas à éblouir mais à révéler des blessures enfouies. In Ashes, du cinéaste danois Ludvig Christian Næsted Poulsen, appartient à cette catégorie rare. Ce drame d’une grande délicatesse suit la lente dérive d’un jeune homme gai dans la vingtaine, incapable de se remettre de son premier amour. Dans un monde où l’on efface et remplace d’un simple balayage de doigt, la douleur du deuil amoureux devient ici une exploration poignante de la solitude moderne et du besoin viscéral de connexion.
Christian (interprété avec une justesse bouleversante par Rex Leonard) est un étudiant qui tente de reprendre le fil de sa vie après une rupture qui l’a laissé exsangue. Ses journées se remplissent d’études, de bières et de rencontres d’un soir, rythmées par le tintement de Findr, application fictive qui fait écho à Grindr. Chaque nouveau match promet un peu d’attention, un peu de chaleur, mais rien n’apaise vraiment le manque. Christian s’enfonce dans un cycle de désirs éphémères et de désillusions qui le laisse plus vide encore.

Par des allers-retours entre présent et passé, Poulsen dévoile les fragments d’une histoire d’amour intense avec Aske (Lior Cohen). On y voit un Christian lumineux, fébrile à l’idée de ce premier rendez-vous, sincèrement épris. Ces scènes d’autrefois, baignées de lumière et d’espoir, contrastent brutalement avec le présent où Aske ne répond plus à ses messages. Le mystère de leur séparation plane comme une ombre, rendant la douleur du protagoniste presque tangible.
Un soir, alors qu’il fait défiler les profils sur Findr, Christian tombe sur celui d’Aske. Cette apparition inattendue fait resurgir toutes les émotions refoulées : le chagrin, la colère, la confusion. À partir de là, le film prend une tournure plus sombre, suivant Christian dans une spirale d’obsession et de perte de repères.
Poulsen, qui signe à la fois le scénario et la réalisation de son premier long métrage, construit son récit par fragments, refusant la linéarité et les explications faciles. Il fait confiance à l’intelligence émotionnelle du spectateur, qui doit combler les silences et interpréter les non-dits. Ce choix renforce la proximité avec le personnage principal : on ne regarde pas Christian de l’extérieur, on vit littéralement à travers ses doutes et sa confusion.
La caméra s’attarde sur les détails du quotidien — une cigarette fumée dans la pénombre, un message non lu, un regard fuyant — pour mieux saisir ce que les mots échouent à dire. Leonard incarne à merveille ce mélange de désarroi et de lucidité qui habite son personnage. Même dans l’inaction, son regard trahit une tempête intérieure : celle d’un jeune homme qui analyse tout, rejoue chaque moment, cherche une logique à l’absence.
In Ashes dresse aussi un portrait juste et sans complaisance de la culture de la rencontre en ligne. Poulsen n’y va pas d’un jugement moral, mais d’une observation sensible : ces applications, censées rapprocher, finissent souvent par exacerber la solitude. Christian y cherche la validation, la distraction, mais trouve surtout le vide. La frontière entre désir, dépendance et auto-destruction devient de plus en plus floue.

Alors que le récit glisse vers des zones plus sombres, Poulsen évite le piège du nihilisme. Le dernier acte, profondément mélancolique, se clôt sur une note d’apaisement inattendue, un an plus tard. Rien n’est totalement réparé, mais Christian semble enfin capable de regarder l’avenir avec un peu de douceur.
INFOS : du 20 au 30 novembre
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