Le nouveau film musical de Corey Payette, Starwalker, arrive sur les écrans avec une énergie flamboyante et un propos à la fois intime et politique. L’artiste oji-cri, reconnu pour ses œuvres marquantes comme Children of God ou Les Filles du Roi, s’aventure cette fois dans l’univers contemporain des drag queens de Vancouver, tout en y insufflant l’âme de la culture autochtone et la quête identitaire de son héros.
Au centre de l’histoire, on découvre Eddie Starwalker (incarné par Dillan Meighan Chiblow), un jeune homme autochtone en rupture avec sa famille et son héritage culturel. Livré à lui-même dans les rues de l’est de Vancouver, il survit comme travailleur du sexe avant de trouver refuge auprès de la flamboyante House of Borealis. Sous l’aile de Levi (Jeffrey Follis) et de la magnétique Mother Borealis (Stewart Adam McKensy), Star s’initie à l’art du drag et embrasse peu à peu son identité bispirituelle. Mais ce parcours lumineux est assombri par des blessures du passé qui resurgissent, mettant à l’épreuve son amour du drag, de sa nouvelle famille choisie et de lui-même.
Un mariage entre pow-wow et cabaret
Avec Starwalker, Payette fusionne la dramaturgie musicale à la Broadway avec les traditions autochtones, les rythmes de club et l’esthétique camp du drag. Le spectacle alterne entre numéros disco effervescents, balades déchirantes et chants ancrés dans les racines autochtones. Chorégraphié par Ralph Escamillan, le film atteint un sommet d’intensité dans son premier acte, lorsque le chant pow-wow, la ballade pop et les cris d’une revendication land back se rejoignent dans un moment d’euphorie collective. Le spectateur est propulsé dans un univers où la rébellion s’exprime par la joie, par le droit de briller malgré les oppressions.
Le film, initialement développé comme série télévisée, a vu son destin bouleversé par la fusion Warner Bros.-Discovery. Refusant d’abandonner, Payette a transformé son projet en long métrage indépendant tourné à Vancouver, dans des décors modestes mais débordant d’ingéniosité. Entre perruques extravagantes, robes pailletées et maquillage appliqué devant des miroirs qui reflètent directement le regard du public, l’esthétique du film évoque une authenticité brute : celle du drag lui-même, où l’art naît du bricolage et de la débrouillardise.
Chiblow, avec sa vulnérabilité et son amplitude vocale impressionnante, incarne un Starwalker fragile mais résilient, capable de toucher autant par ses silences que par ses envolées musicales. Follis insuffle une intensité émotive à Levi, tandis que McKensy, déjà remarqué dans Kinky Boots, équilibre humour mordant et tendresse maternelle en Mother Borealis. Le reste de la troupe — véritables drag queens et performeurs aguerris — ajoute une touche de réalisme et de flamboyance aux numéros.
La rébellion joyeuse comme arme politique
Au-delà du faste et des plumes, Starwalker met en avant des thèmes universels : la recherche de sa place, la force des familles choisies, le besoin de pardon et d’ancrage identitaire. Mais le film résonne aussi dans notre époque, où les droits des personnes trans et queer sont attaqués de toutes parts. « Quand on est oppressé, la chose la plus rebelle qu’on puisse faire est de célébrer la joie », affirme Payette. À travers ses chansons, il oppose la lumière du cabaret aux ténèbres de l’exclusion, rappelant que la beauté de la différence est une forme de résistance.
Le film culmine dans une scène nocturne, au même endroit où l’histoire s’était ouverte : un parc à Vancouver. Star y entonne un chant bouleversant de réconciliation et d’acceptation, unissant musique, danse et récit en un cercle complet. Comme le résume Payette : « On ne peut pas raconter une chanson sans une danse, ni une danse sans une histoire. Et quand Star se connecte à son identité bispirituelle, c’est tout cela à la fois. »
Avec Starwalker, Corey Payette signe un musical aussi éclatant qu’essentiel : un hommage à la puissance du drag, à la résilience des communautés autochtones et à la joie indomptable qui surgit quand on ose être soi-même.
INFOS | Starwalker de Corey Payette sera présenté dans le cadre de la 38e édition d’Image+Nation qui se tiendra du 20 au 30 novembre prochain.