Les dossiers ont été nombreux pour les député.es et leurs conditions de travail altérés par la COVID-19 : sessions et commissions parle-mentaires suspendues puis reprises par vidéoconférence, puis en nombre réduit à l’Assemblée nationale. Avec en toile de fonds, l’urgence sanitaire, le confinement, puis le déconfinement, la relance économique et, pour terminer la session, le racisme qui s’invite. Manon Massé, comme cheffe de la seconde opposition, regrette que lors des points de presse, le Premier ministre n’ait pas insisté sur le travail, moins visible, des parlementaires, alors qu’il consultait régulièrement les chefs de l’opposition avant d’annoncer des mesures.
Comme l’indique la députée de Sainte-Marie-Saint-Jacques, elle parlait « deux fois par semaine avec le premier ministre comme les autres leaders de l’opposition ». S’il ne faisait aucun doute pour Manon Massé de soutenir les décisions préconisées par la santé publique du Québec, il aurait peut-être fallu être plus proactif pour venir en aide à toutes celles et ceux qui ont été durement touchés par le confinement. Retour avec la co-porte-parole de Québec Solidaire (QS) sur ces trois mois qui ont bouleversé notre quotidien.
Comment vivez-vous cette période inédite dans notre histoire?
Manon Massé: Tout d’abord, rappelons que dès le début de la pandémie, Québec solidaire a décidé de suivre les décisions du gouvernement et les recommandations de la santé publique. Mais dès le 1er avril, nous avons joué notre rôle en interpelant le gouvernement. Il fallait tirer la sonnette d’alerte et signaler au gouvernement les situations difficiles que rencontraient de nombreuses familles, entre autres parce que beaucoup auraient de la difficulté à payer leur loyer. Il fallait faire remonter au gouvernement toutes les situations inacceptables que la population vivait et tenter de trouver des moyens d’y remédier.
Comme les autres leaders de l’opposition, nous avons fait un paquet de propositions au premier ministre quand nous l’avions au téléphone afin de partager avec lui ce que nous entendions sur le terrain, qui démontrait une situation moins rose que celle évoquée par le premier ministre lors de ses points de presse. Il y avait aussi une forme de rétention de l’information lorsque que je m’adressais à la santé publique. On me répondait qu’il n’y avait qu’à écouter le directeur Horacio Arruda lors des points de presse. Je n’avais accès à ni plus ni moins d’informations que celles qui étaient données à la population.
Il faut rappeler que le gouvernement Legault souhaitait que l’on passe moins de temps à «s’ostiner» et plus de temps à travailler ensemble. Cela n’a pas été le cas pendant la crise. À Québec Solidaire, nous sommes très attachés à la reddition de comptes, un des principes fondamentaux de la démocratie, et nous ne manquerons pas, comme nous avons déjà commencé à le faire, à demander des explications au gouvernement lors de la période des questions ou encore au cours des commissions parlementaires virtuelles.
Le déconfinement pour vous se fait-il assez vite, trop vite?
Je le répète, nous restons attentifs aux recommandations de la Santé Publique qui gère en fait ce que l’on peut déconfiner ou pas. Elle a la charge de la gestion du risque; elle doit donc prendre les meilleures décisions pour minimiser les risques de transmission. La santé publique sait aussi que laisser les gens dans le confinement comporte d’autres risques que le virus, qui touchent la santé mentale, des impacts possibles en termes de violen-ces familiales, conjugales, envers les enfants, ou encore en termes d’addiction.
Mais il y a eu des ratés par exemple dans la gestion des tests exigés par semaine, nombre qu’on n’atteignait pas, ou dont on ne savait pas qui y avait droit en plus de celles et ceux qui ressentaient des symptômes. La Santé publique ne nous donnait aucune information précise sur l’atteinte des objectifs du gouvernement en matière de tests. Et surtout, on a vu combien les personnes aînées en CHSLD étaient maltraitées, combien le personnel avait des conditions de travail difficiles et de très mauvaises conditions salariales, une situation peu rassurante pour la population. On peut ajouter comment le gouvernement a changé son fusil d’épaule et décidé de reporter l’ouverture des collèges et des Cégeps à l’automne prochain.
Nous ne sommes pas sortis encore du bois, mais peut-on déjà en tirer des leçons?
C’est difficile parce que nous sommes encore dans la pandémie et j’ai énormément de difficultés à prévoir ce que seront les années à venir. Mais c’est un rendez-vous avec l’histoire; reste à voir si nous le manquerons ou pas. Avec la pandémie beaucoup de gens se posent la question sur la façon dont ils vivent, dont ils travaillent, dont ils consomment. Maintenant qu’ils ont vu l’horreur de la situation, il y a eu des prises de conscience chez certains d’entre eux. Et des changements vont apparaître comme le télétravail dont les patrons viennent de se rendre compte que cela fonctionnait. Mais là encore sans l’imposer à tout le monde non plus. Mais c’est une solution pour celles et ceux qui le souhaitent.
C’est sûr que le capitalisme tel qu’on le connaît ne va pas changer et qu’il va tenter de tirer le maximum de profits possible, soutenu par des gouvernements conservateurs ou néolibéraux comme celui de la CAQ. Ce sont aux citoyennes et aux citoyens et à leurs élu.es de mettre beaucoup de pression. Ils sont capables de faire des changements en temps de crise, comme hausser le salaire des employé.es dans les CHSLD, instaurer un salaire temporaire, bref, d’adopter des mesures que réclament Québec Solidaire depuis des années.
Avec les manifestations antiracistes suite aux décès de plusieurs Afro-Américains aux États-Unis, Québec Solidaire a fait adopter une motion contre le racisme et la discrimination (motion adoptée le 3 juin dernier)…
Oui, une motion qui a été adoptée à l’unanimité pour que le Québec se dote le plus rapidement possible d’un plan de lutte contre le racisme et la discrimination (voir encadré). Mais surtout que ce plan soit fait en concertation avec les personnes concernées. C’est peut-être difficile en ce temps de pandémie mais nous devons être capables de nous réinventer. La motion est là aussi pour rappeler qu’il faut arrêter de tourner en rond et s’attaquer réellement aux problèmes.
Je ne comprends toujours pas pourquoi François Legault refuse de croire au racisme systémique au Québec, comme ailleurs, peut-être parce que l’expression ferait peur à une partie de son électorat? Je crois qu’il devrait écouter un peu plus de Fabrice Vil*, qui a déclaré lors d’une émission que le racisme n’est pas une identité, et qui démêle clairement et simplement tous les fils autour du racisme. Entre autres, que ce sont une série de mots, de préjugés que l’on pose sur la population racisée qu’il nous faut déconstruire.
Pandémie, racisme, des sujets chauds et lourds, quel temps reste-t-il à la députée pour s’occuper des enjeux de sa circonscription?
Malgré tout ce que l’on pourrait penser, on n’lâche pas (Rires !). On continue de travailler sur les dossiers lancés avant la pandémie. Au risque de me répéter, je m’ennuie beaucoup de ne plus être en contact en personne avec la population même si je reçois de nombreux appels ou que je sois disponible via les médias sociaux. Mais nous continuons à travailler sur la revitalisation de la rue Sainte-Catherine, les espaces de verdures, en tenant compte aujourd’hui du déconfinement.
On n’lâche pas.
*Fabrice Vil, entrepreneur social et chroniqueur au journal Le Devoir.
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Suite à la motion adoptée à l’unanimité, le gouvernement annonçait un groupe d’action contre le racisme et la discrimination le 15 juin dernier. Sous la présidence de Nadine Girault, ministre des Relations internationales et Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, le comité sera composé de Sylvie D’Amours, responsable des Affaires autochtones; Ian Lafrenière, adjoint parlementaire de la ministre de la Sécurité publique; Christopher Skeete, adjoint parlementaire du premier ministre pour les relations avec les Québécois d’expression anglaise, et Denis Lamothe, adjoint parlementaire de la ministre responsable des Affaires autochtones.
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