Samedi, 7 septembre 2024
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    N’essuie jamais de larmes sans gants : S’il n’y avait qu’une seule pièce à voir cet automne

    La trilogie de Jonas Gardell, N’essuie jamais de larmes sans gants, publiée en un seul volume constitue une œuvre marquante pour quiconque s’intéresse aux premières années sida. Comment le virus vient bouleverser la vie de deux jeunes Suédois (et de leur entourage) qui sortent du placard. L’épidémie est vécue de l’intérieur. Adapté en minisérie par la télévision suédoise, le roman de Gardell a été salué par la critique et connu un succès de librairie. Le metteur en scène Alexandre Fecteau, bouleversé par la lecture du roman, a eu le désir d’en faire une adaptation pour le théâtre. Une œuvre chorale pour rendre compte des 832 pages de cette saga tragique contemporaine.

    Les prémisses de cette histoire sont simples. Deux jeunes dans la vingtaine qui décident de s’assumer, l’un vient d’une région éloignée, l’autre a été dans une famille de témoins de Jéhovah. Ils se fondent à un groupe d’amis gais et découvrent ce que c’est que la famille choisie. Mais à peine leur romance naît-elle que le sida s’invite dans leur relation. La suite, on la connaît. Mais la connaît-on vraiment quelques quarante plus tard, que nous en reste-t-il, se souvient-on encore de la nuit qui s’abat sur les gais et de la grande solitude et réprobation sociale ils devront vivre pendant une décennie. Pour Alexandre Fecteau, outre le devoir de mémoire, il y a aussi le miroir de la pandémie de la Covid-19, toute récente, vécue sur un autre registre.
     
    «Ce qui m’a frappé avec la Covid-19, confie le metteur en scène, c’est la rapidité avec laquelle les pouvoirs publics ont réagi, comment la population a été informée et que la pandémie a été prise en charge par tout le monde. La pandémie du VIH, qui arrive dans les années 80, qui touche une catégorie de la population encore largement stigmatisée, se vivra sur un mode totalement différent pour les personnes atteintes et pour leurs proches ». Rejet, incompréhension, solitude, souffrance sans qu’il y ait de la part des gouvernements une réponse et de soutien à cette partie de la population. Bien avant la lecture du roman de Jonas Gardell, Alexandre Fecteau qui est né dans ces années-là, avait été marqué par ce qu’il avait pu lire et entendre. «Il y avait en moi encore une colère face à ce que j’avais appris sur toute cette période, et j’avais depuis longtemps l’idée d’en parler, de créer quelque chose qui en parlerait, et quand j’ai lu N’essuie jamais de larmes sans gants, j’ai su rapidement que c’était ce texte qu’il fallait adapter».

    Même si tout se déroule à Stockholm, le drame vécu se jouait dans toutes les grandes capitales occidentales et illustre par là-même à l’identique ce qui se jouait au Québec comme au Canada. Il a fallu plusieurs années à Alexandre Fecteau et à l’adaptatrice, Véronique Côté, pour dégager un texte théâtral à partir de ce volumineux roman, d’où l’idée d’une pièce chorale où des comédien.ne.s jouent plusieurs rôles. «Je voulais aussi d’un point de vue formel, quelque chose à grand déploiement, que la scène, le décor soit à la hauteur de cette immense fresque. Il y a aussi des musiciens sur scène parce que je souhaitais que la musique soit aussi présente pour accompagner ce drame», continue Alexandre Fecteau, «pour replacer l’humain dans toute la tragédie de la maladie dans un contexte social de condamnation ».
     
    Pour le metteur en scène, il y a encore un tabou à parler du sida et des années sida. «Pour beaucoup, c’est du passé, et donc ce n’est plus la peine d’en parler, on a des traitements, on ne meurt plus comme dans les premières années, donc le sujet est clos, mais je crois qu’au contraire nous devons continuer à en parler, non pas seulement comme un devoir de mémoire, mais aussi pour se rendre compte comment cela a pu nous influencer même si, comme moi, nous n’avons pas vécu cette époque-là. J’espère que cela permettra d’initier des conversations et d’améliorer notre compréhension sur ce qu’est la différence, sur l’acceptation des différences et peut-être sur un peu plus de tolérance».
     
    Créée à Québec au printemps dernier, la pièce a fait salle comble. Cela tient bien sûr au sujet mais surtout au travail d’Alexandre Fecteau et de toutes celles et ceux qui sur scène, ou en retrait, ont voulu nous partager au-delà d’une simple histoire un pan tragique de notre histoire et rendre par là même hommage à tous, ceux et celles qui l’ont vécu, les survivant.e.s comme ceux qui n’en sont pas revenus.

    INFOS | N’essuie jamais de larmes sans gants, du 6 au 17 décembre 2023, au Théâtre Jean-Duceppe. Un texte de Jonas Gardell. Adaptation de Véronique Côté. Mise en scène : Alexandre Fecteau. Co-production du Trident et de Nous sommes ici.
    https://duceppe.com

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