Quand je pense à l’été télé 2025, je pense surtout à des hétéros qui se contorsionnent dans des triangles (ou octogones) amoureux viraux, histoire de nourrir notre divertissement collectif. Faute d’un grand drame du dimanche soir pour occuper les spectateurs pendant les soirées suffocantes, ce sont les frasques chaotiques des vedettes de Love Island version Zoomer et le triangle amoureux fraternel de The Summer I Turned Pretty qui ont marqué la culture pop — pour le meilleur et pour le pire.
Mais à mesure que cette dernière série tirait à sa fin cette semaine, ce n’est ni les guerres de « ships » ni la quinzaine de chansons de Taylor Swift par épisode qui occupaient mon esprit. Plutôt la représentation queer étrange, discrète mais persistante, qui s’est infiltrée à travers le vernis hétéro d’une téléréalité pour ados.
Jenny Han, de la romance ado au petit écran
Si vous fréquentez le genre YA depuis dix ans, vous connaissez Jenny Han. Ses romans To All the Boys I’ve Loved Before sont devenus des comédies romantiques, suivies du dérivé XO, Kitty — joyeusement chaotique et très bisexuel — puis de l’adaptation Prime Video de sa première série, The Summer I Turned Pretty.
Comme dans les livres, on y suit Isabel « Belly » Conklin (Lola Tung), qui passe ses étés à Cousins Beach avec sa mère Laurel (Jackie Chung), son frère Steven (Sean Kaufman), la meilleure amie de sa mère Susannah (Rachel Blanchard) et les fils de celle-ci, Conrad (Christopher Briney) et Jeremiah (Gavin Casalegno). Belly, obsédée par le sombre Conrad depuis l’enfance, se retrouve, une fois « devenue jolie » (lire : avec des seins), coincée dans un triangle amoureux avec les deux frères.
Est-ce un peu malsain et quasi incestueux de dater ses quasi-cousins dans une ville qui s’appelle littéralement Cousins Beach? Absolument. Mais ça n’a pas empêché la série de devenir un incontournable pour ados (et pour adultes nostalgiques) depuis 2022.
Jeremiah, bisexuel et stéréotypé
Contrairement aux livres, Jeremiah est présenté comme bisexuel, flirtant aussi bien avec les filles qu’avec les garçons. Il embrasse un personnage masculin dans la première saison et répond à une accusation de queerbaiting par un simple : « Je suis juste ouvert à toutes les opportunités. »
Au départ, ce petit clin d’œil queer ajoutait une touche bienvenue à une série saturée d’hétéronormativité. Mais dès la saison 3, Jeremiah est rattrapé par le vieux trope du « bisexuel infidèle » : il trompe sa blonde lors d’une « pause » dans leur relation. Résultat : il devient l’ennemi numéro un sur TikTok, symbole malgré lui de stéréotypes qui associent bisexualité et manque de fidélité.
Skye, la cible transphobe
Autre tentative d’inclusion : l’arrivée de Skye, cousin·e non binaire incarné·e par Elsie Fisher. Mais la réception du public a vite dérapé. Derrière les critiques de son côté introverti ou maladroit, des commentaires transphobes se sont multipliés en direct sur les réseaux sociaux. De nombreux fans trans et non binaires ont souligné à quel point l’écriture de Skye ressemblait davantage à une caricature maladroite de « Gen Z queer » qu’à un personnage nuancé. Et si la maladresse peut se discuter, le mégenrage volontaire, lui, ne devrait jamais être banalisé.
L’angle manqué : Laurel et Susannah
Ironiquement, le queerbaiting le plus évident se trouvait ailleurs. La relation fusionnelle entre Laurel et Susannah avait tout pour être explorée autrement. L’actrice Jackie Chung expliquait à People que si plusieurs fans les « shipaient », c’est parce qu’il est rare de voir une amitié féminine aussi forte et durable à l’écran. Certes. Mais quand les ex-maris se plaignent de n’avoir jamais été vraiment seuls dans leur couple et que deux femmes choisissent année après année de passer des mois entiers ensemble dans une quasi-domesticité, difficile de ne pas y lire autre chose. Dans mon esprit, Susannah voulait absolument caser Belly avec l’un de ses fils parce qu’elle n’avait jamais pu assumer ses propres sentiments pour Laurel.
Héritage queer de Cousins Beach
Peu importe l’opinion sur le dénouement final (oui, Belly finit par courir vers l’un des frères), la série laisse derrière elle un drôle d’héritage queer, coincé entre clins d’œil maladroits, clichés tenaces et opportunités ratées. À Cousins Beach, même sous le vernis des romances adolescentes les plus hétéro, l’ombre du queer plane toujours.