Vendredi, 24 octobre 2025
• • •
    Publicité

    Le troisième volet imparfait, mais fascinant de la série «Monster» de Ryan Murphy

    Alors qu’on croyait déjà avoir eu notre dose de monstres bien réels sur nos écrans, Ryan Murphy en ajoute un autre à la liste. Heureusement, celui-ci ne rôde plus depuis longtemps — mais il continue malgré tout de hanter nos cauchemars.

    Pour le troisième volet de son anthologie Monster, le prolifique créateur s’intéresse au tristement célèbre Ed Gein, meurtrier et pilleur de tombes dont les crimes, commis dans une petite ville rurale du Wisconsin dans les années 1940 et 1950, ont marqué à jamais la culture populaire. Avec seulement deux meurtres confirmés, Gein ne correspond guère à la définition classique du tueur en série, mais son héritage macabre a inspiré certains des plus emblématiques psychopathes de fiction : de Norman Bates dans Psycho à Buffalo Bill dans Le Silence des agneaux.

    Un miroir des monstres imaginaires
    C’est précisément cette influence sur l’imaginaire collectif qui intéresse Murphy dans Monster: The Ed Gein Story. La série, écrite par Ian Brennan et réalisée en grande partie par Max Winkler, utilise le parcours du meurtrier comme tremplin pour explorer la manière dont ses crimes ont nourri des personnages mythiques et façonné la représentation du mal à l’écran. Une approche parfaite pour Murphy, qui s’en donne à cœur joie dans les reconstitutions campées et les détours hollywoodiens où la vérité se confond avec la légende.

    Dès le premier épisode, on découvre Gein (interprété par Charlie Hunnam) dans les années 1940, vivant sur la ferme familiale avec sa mère tyrannique (Laurie Metcalf, exceptionnelle) et son frère (Hudson Oz). Le scénario revisite les origines de sa folie : une éducation puritaine et violente, la haine maladive du désir inculquée par une mère dominatrice, et l’émergence d’un imaginaire morbide nourri par le cannibalisme et les atrocités nazies.

    Entre réalité et fantasme
    La série brouille habilement les frontières entre réalité, délire et mythe. Elle prend des libertés assumées : des meurtres jamais avoués, une idylle inventée avec une jeune voisine (Suzanna Son), et des scènes de pure fantasmagorie qui éloignent l’œuvre du simple docudrame. Ce glissement constant entre faits et fiction est, bien sûr, volontaire. Murphy aime interroger la porosité entre perception et réalité, entre la fascination du public pour le crime et la manière dont Hollywood recycle ces horreurs. Dans le deuxième épisode, l’action s’élargit : on y assiste au tournage de Psycho, où Alfred Hitchcock (Tom Hollander) et Anthony Perkins (Joey Pollari) deviennent, à leur tour, les sujets d’une réflexion sur la contamination artistique — comment l’exploration du mal peut déteindre sur ceux qui la représentent.

    Un style assumé… et controversé
    Comme toujours chez Murphy, la mise en scène est à la fois luxuriante et outrancière. The Ed Gein Story mêle le noir des faits divers d’époque à l’esthétique sanglante du slasher movie. La violence y est frontale, parfois insoutenable, et la frontière entre fascination et répulsion ne tient qu’à un fil.

    Hunnam déçoit quelque peu : son Gein manque de nuance et d’humanité, loin du mélange troublant de gêne et de tendresse qu’Anthony Perkins avait su insuffler à Norman Bates. À l’inverse, Laurie Metcalf brille en mère fanatique, figure monstrueuse dont l’ombre plane sur toute la série. Mais derrière l’horreur se cache une réflexion plus large : celle du pouvoir des images. Murphy rejoue ici le débat éternel sur la glorification des tueurs et l’exploitation de la mémoire des victimes. Un dilemme déjà soulevé à l’époque de Psycho, dont Hitchcock avait été à la fois le génie manipulateur et le provocateur moral.

    Une fascination inévitable
    Au final, Monster: The Ed Gein Story séduira ou rebutera selon les attentes. Ceux qui y verront une étude de la manière dont le cinéma et la télévision transforment le mal en spectacle y trouveront matière à réflexion. Les autres, en quête d’un portrait fidèle du criminel, seront peut-être déçus. Quoi qu’il en soit, la série capte un phénomène inépuisable : notre fascination pour la monstruosité humaine. Que l’on frissonne d’effroi ou de plaisir coupable, il est presque impossible de détourner le regard.

    Du même auteur

    SUR LE MÊME SUJET

    LAISSER UN COMMENTAIRE

    S'il vous plaît entrez votre commentaire!
    S'il vous plaît entrez votre nom ici

    Publicité

    Actualités

    Les plus consultés cette semaine

    Publicité