Mardi, 28 octobre 2025
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    Les fiertés des Cévennes

    Saga familiale se déroulant dans la France des années 90, au cœur des Cévennes, où Benjamin Audoye met en lumière la violence des silences et des non-dits entourant l’homosexualité dans un environnement rural encore fortement imprégné par les traditions.

    Le thème est par ailleurs presque intergénérationnel, puisque le récit débute alors que Michel, père de famille, quitte femme et enfant pour vivre avec un homme alors que Kevin, son fils fait face à l’intolérance de ses compagnons de classe : « Au retour de la fête, la Renault Fuego de son père avait disparu. Kevin ne monterait plus jamais dans cette voiture dont l’odeur de l’habitacle l’avait fait vomir dans les virages. Maman, c’est quoi une tralouse ? »

    Trente ans plus tard, l’histoire se poursuit avec Florian, le petit-neveu, qui subit du harcèlement scolaire et tente de mettre fin à ses jours. Face à ce drame, ses parents sont désemparés, notamment le père, peu enclin à exprimer ses émotions et qui peine à déterminer ce dont il a le plus honte : la tentative de suicide de son fils ou le fait que celui-ci ne corresponde pas à l’image de l’homme qu’il aurait souhaité voir être.

    Du haut de sa convalescence, Floriant est cependant résolu à ne pas revivre le harcèlement dont il a été victime au collège, en particulier une agression qu’il tente vainement d’occulter, et est bien décider à quitter le village pour vivre pleinement ce qu’il est, quoi que ce soit, sans toujours avoir le sentiment de sentir un regard sur sa nuque.

    Benjamin Audoye excelle à illustrer les rêves et les contradictions de ses personnages, offrant des descriptions dans lesquelles on peut aisément se retrouver : « Ces dernières années, il s’était évadé grâce à deux drogues, l’une nocive, le sucre, l’autre inoffensive, bien que redoutable isolant social, la lecture. »

    À travers une galerie de personnages et des allers-retours entre différentes époques, il met en scène trois hommes aux parcours très différents : l’un est plus débridé, l’autre émancipé, le dernier encore prisonnier de ses propres blocages. Cette diversité de profils permet d’approfondir une réflexion sur l’identité et les pressions sociales qui s’exercent sur chacun tout en dénonçant une hypocrisie rampante.

    « Il en avait sucé des hommes au profil varié, du père marié membre de l’Opus Dei au musulman turc qui n’avait pas voulu être pénétré et qui avait gémi avec un doigt massant sa prostate, du squatteur avec une flûte de Pan […] jusqu’à l’ouvrier raciste qui fantasmait pourtant à l’idée de se faire jouir dedans par deux quintaux noirs. »

    Difficile également de ne pas souligner le jeu de mots savoureux du titre, qui oscille entre la fierté d’une région attachée à ses traditions tout en craignant les qu’en-dira-t-on, et celle d’hommes qui s’affirment pleinement dans une société en pleine transformation. Bien que le roman s’égare parfois dans des détours narratifs, il dresse un portrait saisissant de familles aux dynamiques éclatées, révélant la violence latente et les tensions identitaires qui traversent la France rurale à travers trois époques bien distinctes.

    INFOS | Les fiertés des Cévennes /
    Benjamin Audoye. [France : à compte d’auteur], 2025. 254 p.

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