Rowan Mercille propose une autofiction où, à travers le personnage queer et non binaire de Bébé Braillard, iel explore les complexités de l’identité de genre et les défis posés par des normes sociales rigides, le tout porté par un humour subtil et décalé.
Le récit s’ouvre en force avec une déclaration qui donne le ton : l’autodérision y sera de mise. « J’ai dit à ma thérapeute : – Ouain. On dirait que cette semaine, j’ai réalité que je suis peut-être pas une personne si relax que ça, finalement. Et ma thérapeute s’est étouffée. »
D’une grande sensibilité, Bébé Braillard est constamment envahi·e par des émotions intenses et traverse fréquemment des épisodes de panique, alors que la société attend qu’iel reste impassible face aux difficultés. À travers de courts chapitres, Rowan Mercille expose avec générosité les tourments existentiels qui ponctuent régulièrement la vie de son personnage.
C’est ainsi qu’une page, intitulée « Pleureuse de professions », nous présente une sélection des mini-traumas de sa jeunesse où iel a déversé des chutes du Niagara lacrymales, notamment le début du film d’animation « Rox et Rouky quand le jeune renard se retrouve orphelin » et « le sacrifice de Jane Grey à la fin de la Saga du Phénix » dans les X-Men.Le récit met en lumière comment des normes sociales trop strictes peuvent marginaliser certaines identités, en particulier chez les personnes LGBTQ, souvent très tôt confrontées à des pressions normatives absolues. Il souligne aussi le rôle essentiel des communautés, du soutien et de la solidarité dans la construction de relations affectives et amoureuses empreintes de douceur et de fluidité.
L’autofiction consiste à tisser un récit autour de sa propre expérience, ce qui rend l’histoire d’autant plus intrigante et captivante. Malgré la gravité du sujet et la tentation de verser dans le drame, l’auteur.trice n’hésite cependant pas à adopter le ton du second degré et de l’autodérision, ce qui provoque souvent des éclats de rire. J’en veux pour preuve cette scène où iel lance à son frère : « Est-ce que je suis déficient et personne n’a jamais osé me le dire ?
Une œuvre qui se distingue par une voix singulière et un récit tout à fait unique, qui revendiquent avec force et authenticité le droit d’être sensible, différent et pleinement entendu. Chaque page dégage un plaisir jouissif et contagieux et il devient rapidement impossible de reposer le livre une fois commencé. Le choix de verser dans l’autodérision s’accompagne toujours du danger de perdre contact avec l’authentique, mais rien de tel ici. Malgré les touches d’humour, l’émotion demeure présente, offrant au lecteur une expérience à la fois touchante et vraie.
INFOS | Bébé Braillard / Rowan Mercille.
Montréal : Hurlantes éditrices, 2025. 123 p. (Paroles)

