Dimanche, 16 novembre 2025
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    Entrevue avec Tom Blyth et Russell Tovey : l’art de se dévoiler dans Plainclothes

    Plainclothes, le premier long métrage du cinéaste et scénariste queer Carmen Emmi, n’est pas aussi simple que son titre le laisse entendre. L’expression « plainclothes » (vêtements civils) cache un double sens : aucun des deux personnages principaux — Lucas (Tom Blyth) et Andrew (l’acteur ouvertement gai Russell Tovey) — ne porte son « uniforme » lorsque leurs chemins se croisent pour la première fois.

    Le film se distingue par les performances puissantes de ses deux interprètes, au point où plusieurs y voient un tremplin vers une reconnaissance majeure, voire des nominations aux Oscars. Tom Blyth et Russell Tovey ont répondu à 5 questions que Fugues leur avait envoyé en prévision de la présentation du film au festival Image+nation et de sa sortie en salles.

    Qu’est-ce qui vous a d’abord attirés vers vos rôles respectifs d’Andrew et de Lucas dans Plainclothes?

    Tom Blyth : Pour moi, Lucas est un homme en plein bouleversement, qui doit faire face à ses propres vérités. J’ai toujours été attiré par les personnages qui cherchent à se comprendre en profondeur — probablement parce que je fais un peu la même chose dans ma vie. J’aborde le jeu d’un point de vue psychologique, donc ce genre de rôle, traversé par le tumulte intérieur, me fascine. Et le scénario est tout simplement magnifique. C’est ce qui m’a convaincu.

    Russell Tovey : Le scénario est superbe. Pour moi, tout passe par le dialogue. Quand j’ai lu Andrew, je me suis tout de suite dit : « Oui, j’ai envie de dire ces répliques-là. » Et puis, tourner à Syracuse me tentait : ça sonnait comme un endroit paradisiaque — ce qu’il est parfois… mais pas toujours! [rires] C’était un projet excitant : un nouveau texte, une nouvelle voix, un premier film. Ces occasions-là ne se présentent pas souvent, alors c’était un oui immédiat.

    Le film se déroule en 1997, bien avant Grindr ou les applications de rencontre. À l’époque, les options pour les hommes gais étaient limitées. Trouvez-vous étonnant de voir à quel point tout a changé en trente ans?

    RT : Le monde va de plus en plus vite, c’est fou. Parfois, c’est terrifiant. Je m’ennuie des CD, moi! [rires] La façon dont les gens queer peuvent se rencontrer en ligne aujourd’hui est à la fois fascinante, libératrice, effrayante et un peu triste aussi. Mais il y a quelque chose de romantique dans la manière dont nos personnages se rencontrent : c’est furtif, dangereux, et c’était la réalité de beaucoup de gens. Il n’y avait pas encore d’espaces sécuritaires, alors les rencontres se faisaient en marge, souvent dans des contextes risqués. Et de ce danger peut naître quelque chose de beau.

    TB : Russell et moi en parlions récemment. On a l’impression que ce film est encore plus nécessaire aujourd’hui qu’il y a un an, quand on le tournait. Parce qu’on sent qu’on recule, socialement et politiquement. Je suis fier de défendre ce film maintenant, dans ce contexte.

    Plainclothes évoque aussi l’évolution du rapport entre les forces policières et les hommes gais — du temps où on les piégeait dans les toilettes publiques à aujourd’hui, où certains services recrutent activement des agents LGBTQ+.

    TB : Je ne prétendrai pas être expert en politiques policières, mais j’ai fait beaucoup de recherche sur les années 1990. Je crois qu’il est impossible de prétendre représenter toute une communauté si les gens qui la composent ne sont pas présents à l’intérieur même des institutions. Si la police est composée presque uniquement d’hommes blancs de la classe ouvrière, il manquera forcément d’empathie. La représentation, dans les corps policiers comme ailleurs, est essentielle.

    Le film dégage une tension érotique forte, notamment dans les scènes dans les lieux publics, comme la serre. Cette scène en particulier est bouleversante. Qu’en retenez-vous?

    RT : Il faisait chaud et on jouait comme s’il faisait froid dehors, emmitouflés sous plusieurs couches. Dans les toilettes, les scènes sont brèves, interrompues, stressantes. Mais dans la serre, on peut enfin respirer. Ce n’est pas un lit ni une maison, mais c’est un espace clos où ils peuvent se laisser aller. C’est beau. Quelqu’un m’a dit que cette scène lui faisait penser au moment dans Le Magicien d’Oz où tout passe au Technicolor : avant, tout est gris et soudain, tout devient lumineux. C’est leur utopie, leur petit monde à eux. Et c’est vrai que Le Magicien d’Oz est un des films préférés de Carmen — c’est un clin d’œil parfait.

    Tom Blyth Plays Cop Who Falls in Love with Russell Tovey, His Target, in  'Plainclothes' Movie - Watch the Trailer: Photo 5189989 | Amy Forsyth,  Christian Cooke, Gabe Fazio, Maria Dizzia, Movies,

    Les scènes entre Lucas et sa famille, ou encore celle où la famille d’Andrew surgit à son travail, sont particulièrement intenses. Comment vous préparez-vous à ce genre de moments?

    RT : Il faut entrer dans la zone. Toute l’équipe était incroyablement respectueuse. Parfois, sur d’autres tournages, on sent que les techniciens n’aiment pas les acteurs [rires]. Là, tout le monde voulait que ce soit une expérience humaine et belle. Carmen faisait quelque chose d’extraordinaire : il faisait jouer de la musique pendant les scènes. Ça aide à plonger dans l’émotion, comme quand une chanson transforme soudain le moment en film dans notre tête.

    TB : Cette journée-là, pour moi, a été très intense. Je me sentais insatisfait après la scène, comme si je n’avais pas été à la hauteur. Et Carmen m’a dit : « C’est normal que tu te sentes comme ça. Lucas se sent comme ça. » Il vient d’avouer son amour à un homme pour la première fois et se fait repousser. Andrew doit protéger sa famille, et Lucas se retrouve perdu, en colère et honteux. J’ai ressenti tout ça. Parfois, il faut accepter que le “mauvais” sentiment soit justement le bon, celui du personnage.

    INFOS : du 20 au 30 novembre
    Pour vous procurer des billets https://image-nation.org/festival-2025

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