Vendredi, 4 octobre 2024
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    Olivier Arteau, le trentenaire éblouissant à la tête du Trident

    En seulement quelques années, Olivier Arteau a marqué le visage du théâtre québécois en écrivant, en jouant ou en mettant en scène des pièces comme Doggy dans Gravel, La pudeur des urinoirs, Made in Beautiful, Pisser debout sans lever sa jupe ou l’adaptation du roman Ce qu’on respire sur Tatouine. Voilà qu’il vient d’être nommé – à sa grande surprise – directeur artistique du Trident de Québec.


    Dans quelle optique avais-tu déposé ta candidature?
    Olivier Arteau : J’ai d’abord écrit une lettre au comité pour transmettre les préoccupations de la relève théâtrale. Je l’ai fait par conviction politique sans imaginer que je serais considéré pour le poste. Je me pensais bien trop jeune. Quand j’ai été choisi, j’ai été surpris et déstabilisé, car ça va m’obliger à une certaine sédentarité durant plusieurs années. En même temps, j’ai la fièvre de la jeunesse et l’envie de prendre soin. Le travail de direction artistique, c’est d’être fier de tout le monde et de mettre les autres en lumière, ce qui peut sembler contradictoire avec le biorythme du milieu théâtral qui est tellement compétitif.


    En entrevue, croyais-tu en tes chances?
    Olivier Arteau : J’ai commencé à croire que ça se pourrait à cette étape, mais je suis tellement naïf que je suis allé avec ma manière de m’exprimer, ma toque et mon petit short. J’avais tant de beaux projets à l’horizon que ça n’aurait pas été grave si je ne l’avais pas eu. Je préférais rester naïf jusqu’au bout et voir où cette intégrité me mènerait. Je n’ai pas eu le temps d’être dans un mode planification stratégique. En entrevue, je parlais peu d’audace artistique, mais beaucoup de l’éthique du milieu théâtral, car c’est avec la bienveillance qu’on atteint l’irrévérence.


    Quelle touche personnelle veux-tu donner à la programmation?
    Olivier Arteau : D’abord, je veux qu’on parle de cohésion artistique plutôt que de
    direction. Je serai une courroie. Je désire mettre de l’avant l’interdisciplinarité, suggérer des associations d’artistes étonnantes, sortir le théâtre du théâtre, aller à l’international, amener un côté politique un peu plus frontal comme celui qu’on retrouve dans mes pièces. J’approche moins le théâtre dans l’idée de la narrativité que de son expressivité. J’ai plus envie de trouver les bons moyens d’expressions pour les bons messages plutôt que de dire je vais raconter la meilleure histoire. Je ne tourne pas pour autant le dos à l’histoire, mais j’ai envie de mettre de l’avant une plume en trouvant les meilleurs mediums.


    As-tu des exemples?
    Olivier Arteau : On pourrait inviter Hubert Lenoir à faire la musique d’une pièce pour attirer les jeunes et leur faire découvrir le théâtre en même temps. J’aimerais également choisir une plume qui m’intéresse et la jumeler à une œuvre du répertoire pour voir comment elle va se débrouiller pour faire émerger un nouveau sens à cette idée.


    Peux-tu nous décrire ton parcours académique?
    Olivier Arteau : À 19 ans, je suis allé vivre un an en Biélorussie pour apprendre les fondements du théâtre russe. Comme la traduction française de la méthode Stanislavski possède des angles morts, je voulais m’immerger dans cette technique sur place.


    Ensuite, j’ai consacré une année au bac en danse de l’UQAM, avant d’étudier en jeu au Conservatoire d’art dramatique de Québec. Durant la pandémie, j’ai aussi entrepris une maîtrise en danse à l’UQAM.


    C’est étonnant que tu aies débuté à l’international avant d’étudier au Québec.
    Olivier Arteau : J’ai une immense peur de la normativité. Je redoute cette idée de correspondre à un écrin particulier, autant en ce qui concerne mon parcours académique, mon développement professionnel ou ce que ça signifie d’être un jeune homme gai d’un certain âge. Rapidement, j’ai voulu m’affranchir d’un parcours traditionnel en théâtre. Je veux même suivre un sillon qui bouscule ce à quoi je m’attendrais d’une formation en théâtre. La maîtrise en danse m’aide à ne pas penser que le théâtre se résume à ce que j’ai appris en Biélorussie et au Conservatoire. La narrativité est importante, mais pas à tout prix. Chaque expérience sert à me bousculer.

    CRÉDIT PHOTO : Cath Langlois


    Pourquoi travailles-tu autant?
    Olivier Arteau : Pour moi, les vacances sont un moment durant lequel je lutte contre ma peur de mourir, car je ne fais rien. Lorsque je suis confronté à cette immense inquiétude, je dois faire face à une hypocondrie maladive. Et ma manière de composer avec tout ça, c’est d’en faire beaucoup et d’être entouré tout le temps. Toute mon énergie cognitive et créative est consacrée à la création, au lieu de me concentrer sur le fait que je suis un « animal » qui va devoir faire face à la mortalité.
    Plusieurs artistes queers donnent dans la surproduction. Vois-tu un lien avec ta façon de vivre?
    Olivier Arteau : Chaque fois que j’écris un texte ou que je fais un show, j’ai l’impression que ça pourrait être le dernier. Je n’ai jamais la sensation que ma place est acquise. J’ai peur d’être un simple effet de mode relié à ma queerness et qu’on fasse du capital là-dessus. Je me questionne énormément sur la marge : si on doit lutter pour avoir une marge encore plus queer ou accepter ce que l’hétéronormativité nous inculque. J’ai le sentiment de devoir lutter pour rester dans un endroit qui est chaud, toujours plus pertinent et plus edgy que ce que j’ai fait auparavant. Chaque œuvre est une lutte.


    En 2023, tu vas jouer dans l’adaptation théâtrale du roman N’essuie jamais de larmes sans gants. Qu’est-ce que ça représente pour toi de jouer dans cette œuvre queer emblématique?
    Olivier Arteau : C’est un travail de mémoire pour le public et entre nous. L’idée qu’on se rencontre autour d’une œuvre comme une espèce de mémorial, je trouve ça vraiment magnifique. Cette année, je vais aussi mettre en scène L’éveil du printemps dans une adaptation, signée David Paquet, qui ne peut pas être plus loin de l’hétéronormativité de l’œuvre initiale. En plus, je termine ma résidence au Centre du Théâtre d’aujourd’hui avec Pisser debout sans lever sa jupe : une critique de la communauté LGBTQ+ dans laquelle j’explore si nous sommes vraiment une communauté alors que chaque personne doit revendiquer son identité.


    INFOS | Théâtre du Trident, 269, boul. René-Lévesque Est, Québec
    www.letrident.com

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