Jeudi, 12 décembre 2024
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    Le gouvernement abandonne ses efforts en lien avec la décriminalisation des personnes vivant avec le VIH

    À l’approche de la Journée mondiale du sida, 1er décembre, et des élections fédérales de 2025, le Gouvernement du Canada a communiqué à la Coalition canadienne pour réformer la criminalisation du VIH (CCRCV) sa décision d’abandonner tout projet de réforme législative concernant la criminalisation du VIH. Les personnes vivant avec le VIH sont laissées sans explication, sachant seulement que leurs droits sont mis de côté une fois de plus. Colère et déception devant cet abandon.

    Un moment critique
    Cette décision ne pourrait pas tomber à un pire moment. Le Canada se classe actuellement dernier parmi les pays du G7 en ce qui concerne la réduction des nouvelles infections à VIH. Le nombre de cas déclarés est en hausse constante au Canada depuis 2020, nous éloignant de plus en plus de nos objectifs. La criminalisation du VIH et la stigmatisation qui en résulte contribuent à cette tendance alarmante, en plus de placer le Canada en contradiction avec la science et hors du consensus mondial sur la meilleure façon de réduire la transmission du VIH et de respecter les droits et la dignité des personnes vivant avec le VIH. L’ONUSIDA a souligné dans son communiqué de presse, le 26 novembre dernier, que « [l]a criminalisation et la stigmatisation des communautés marginalisées entravent l’accès aux services de lutte contre le VIH qui peuvent sauver des vies ».

    La situation actuelle
    Actuellement, les personnes vivant avec le VIH au Canada sont passibles de poursuites pénales en vertu des lois sur les agressions sexuelles, entraînant des condamnations, l’emprisonnement et l’inscription au registre des délinquants sexuels même dans des cas où le risque de transmission est faible ou nul. Des expert-es juridiques et de la médecine, aux quatre coins du monde, s’accordent pour dire que cela ne correspond pas aux connaissances scientifiques d’aujourd’hui sur la transmission et peut dissuader des personnes de se faire dépister et d’accéder aux traitements et à du soutien. Au Canada, il est bien documenté que les préjudices de la criminalisation du VIH sont vécus de manière unique, disproportionnée et souvent insidieuse par les personnes noires et les autochtones.

    Un appel à l’action
    « Nous en avons assez de voir la vie des personnes vivant avec le VIH servir à des jeux politiques! », déclare Alex McClelland, de la CCRVC. « Les belles intentions et les plans d’action mis au rancart ne changent pas la réalité de la vie pour les personnes au Canada que l’on persécute en raison de leur état de santé. La réforme du droit exige un effort concret, un véritable engagement et une volonté politique de faire ce qui est juste. Malheureusement, le gouvernement canadien semble mettre de côté les personnes vivant avec le VIH au profit d’un calcul politique en vue d’une élection. »

    Un historique d’engagements non respectés
    Des membres de la CCRCV travaillent avec le gouvernement fédéral actuel pour réformer la criminalisation du VIH depuis son élection en 2015. La CCRCV espérait que le changement ne tarde plus, après les consultations nationales lancées par le gouvernement en décembre 2022. Ces consultations faisaient suite à de nombreuses reconnaissances, par le gouvernement, que le statu quo est néfaste :

    • En 2016, la ministre de la Justice du Canada a reconnu pour la première fois que la criminalisation de la non-divulgation du VIH au pays est excessive.
    • En 2018, la ministre a mis en œuvre une directive visant à limiter les accusations liées à la non-divulgation du VIH, de la part des instances fédérales (ce qui se limite aux trois territoires), mettant fin à l’utilisation des lois sur les agressions sexuelles dans ce contexte. Cette recommandation a été réitérée dans un rapport gouvernemental de 2019 à l’issue de sa propre étude de la criminalisation du VIH.
    • En 2022, le Canada a lancé un Plan d’action fédéral 2ELGBTQI+ promettant de tenir des consultations sur la réforme du Code criminel. Ces consultations, annoncées sur la scène mondiale à la veille du Congrès international sur le sida de 2023, se sont conclues en janvier 2023. Le rapport des consultations a réaffirmé que le recours aux lois sur l’agression sexuelle était inapproprié.
    • Puis le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a réitéré dans sa déclaration à l’occasion de la Journée mondiale du sida de l’an dernier : « Le droit pénal actuel en ce qui a trait à la non-divulgation réprime trop durement les personnes vivant avec le VIH et le sida et les stigmatise, ce qui les décourage de se faire soigner et dépister.»

    Des membres de la CCRVC ont rencontré le ministre de la Justice à plusieurs reprises après la fin des consultations (début 2023) et se sont vu promettre des mesures de réforme concrètes. À ce jour, le Gouvernement du Canada n’a toujours pas informé publiquement les personnes vivant avec le VIH des raisons pour lesquelles les promesses qu’on leur a faites ne seront pas tenues, et des raisons pour lesquelles il abandonne la voie de la réforme du droit.

    Un nouvel appel à l’action
    Dans le cadre de la Journée mondiale du sida, la CCRCV appelle une fois de plus le gouvernement fédéral à démontrer sa bonne foi, à faire preuve de leadership et à agir concrètement pour mettre fin à la criminalisation excessive des personnes vivant avec le VIH dans ce pays. La communauté mène depuis longtemps cette bataille, et ce qui manque aujourd’hui est la volonté du gouvernement d’adopter une réforme en accord avec les droits humains et le consensus scientifique. La Coalition canadienne pour réformer la criminalisation du VIH reste engagée en faveur de ce changement qui est dû depuis longtemps – et le pouvoir de la voix collective de la communauté ne sera pas réduit au silence.

    Rappelons que la Coalition canadienne pour réformer la criminalisation du VIH est une coalition nationale de personnes vivant avec le VIH, d’organismes communautaires, d’avocat-es, de chercheur(-euse)s et d’autres intéressé-es. Elle a été formée en octobre 2016. Pour en savoir plus, cliquez ici.

    La Déclaration de consensus communautaire 2022, qui décrit en détail les demandes de la communauté pour réformer le droit et les politiques, après des consultations, est en ligne ici.


    Qu’est ce que la pénalisation du VIH?

    La criminalisation du VIH décrit l’application injuste du droit pénal contre les personnes vivant avec le VIH sur la seule base de leur statut sérologique. Ceci comprend l’application de dispositions pénales spécifiques ou l’application du droit pénal général pour poursuivre des personnes vivant avec le VIH pour transmission involontaire du VIH, exposition perçue ou éventuelle au VIH et/ou non-divulgation du VIH par une personne qui connaît son statut.

    La criminalisation du VIH est un phénomène mondial croissant qui nuit à la santé publique et aux droits humains, affaiblissant ainsi la riposte au VIH.

    Quels sont les comportements visés par ces lois?
    La pénalisation du VIH existe avec l’application de dispositions pénales spécifiques ou par l’application du droit pénal généralexclusivement ou disproportionnellement contre les personnes séropositives

    Dans de nombreux cas, les lois se rapportant à la pénalisation du VIH sont trop générales, que ce soit dans leurs formulations explicites, ou dans la façon dont elles ont été interprétées et appliquées, ce qui rend les personnes vivant avec le VIH (et les personnes perçues par les autorités comme exposées aux risques de VIH) extrêmement vulnérables à de nombreuses violations des droits de l’homme.

    En général, ces lois sont utilisées pour poursuivre les individus conscients de leur VIH, qui sont présumés ne pas avoir divulgué leur statut sérologique avant d’avoir des rapports sexuels (non-divulgation du VIH), ou qui sont perçus comme ayant potentiellement exposé autrui au VIH (exposition au VIH), ou perçus comme ayant transmis le VIH (transmission du VIH).

    Dans de nombreux pays, une personne vivant avec le VIH reconnue coupable d’autres “crimes”, notamment, mais pas exclusivement, pour le travail du sexe, ou une personne qui crache ou qui mord un membre des forces de l’ordre au moment de son arrestation ou pendant son incarcération, fait souvent face à des condamnations plus sévères, même lorsque l’exposition ou la transmission du VIH n’était pas possible, ou qu’elle représentait au plus, un risque très petit.

    Quelle est l’étendue de la pénalisation du VIH?
    En mars 2023, 91 pays (114 juridictions) disposent d’une forme de droit pénal spécifique au VIH, et on sait que 41 autres pays (61 juridictions) ont appliqué des dispositions pénales générales pour poursuivre des personnes vivant avec le VIH pour non-divulgation présumée du VIH, exposition perçue ou potentielle au VIH, et/ou transmission non intentionnelle.

    Quelles sont les conséquences de la pénalisation du VIH sur la riposte au VIH?
    La pénalisation du VIH compromet les objectifs de santé publique à bien des égards.

    Les poursuites, et l’attraction médiatique qui s’ensuit, isole et dramatise le VIH de façon fortement stigmatisante, en présentant le diagnostic de VIH comme une catastrophe et les personnes séropositives comme une menace inhérente pour la société. Suggérer des poursuites pénales comme une première réponse ou une réponse adaptée en cas d’exposition perçue ou éventuelle au VIH n’est pas une approche appropriée. Ce type de stigmatisation rend encore plus difficile la divulgation du VIH aux partenaires intimes. Certaines données suggèrent que la pénalisation du VIH pourrait dissuader les individus à faire le test de dépistage, particulièrement parmi les communautés les plus vulnérables à l’infection au VIH. Encourager le dépistage du VIH est un élément essentiel pour une riposte efficace: un diagnostic positif est la première étape vers l’accès au traitement antirétroviral bénéfique à la santé, et un résultat négatif, la première étape vers l’accès à la prophylaxie pré-exposition, deux outils essentiels de la prévention du VIH.

    La pénalisation du VIH peut également nuire à la relation thérapeutique entre une personne vivant avec le VIH et le personnel de santé, et ainsi réduire la capacité des soignants à offrir un soutien et des conseils francs sur les stratégies de réduction des risques. En effet, certains prestataires de santé ont été obligés de témoigner devant les tribunaux au sujet de leurs échanges avec leurs patients.

    La pénalisation du VIH porte également atteinte à la recherche dans les domaines de la prévention, du traitement et des soins du VIH en raison de la crainte des chercheurs et des participants de voir des données normalement tenues confidentielles saisies par les forces de l’ordre et utilisées dans une affaire criminelle.  Elle renforce également les inquiétudes quant à l’utilisation de nouvelles technologies pour suivre l’évolution de l’épidémie, comme par exemple la surveillance moléculaire du VIH.

    Quel est l’impact de la pénalisation du VIH sur les droits de l’homme?
    La pénalisation du VIH porte atteinte aux droits des personnes vivant avec le VIH, dont beaucoup appartiennent aussi à des communautés marginalisées ou criminalisées. Des menaces de dénonciation à la police pour non-divulgation du VIH ont été utilisées comme forme d’abus ou de représailles à l’encontre de partenaires séropositifs présents ou passés. La pénalisation du VIH expose les personnes vivant avec le VIH – et plus particulièrement les femmes (mais pas uniquement) – à des risques accrus de violence et de maltraitance et ignore le fait que certaines personnes ne sont pas en mesure de divulguer leur statut sans danger ou de demander à leur partenaire d’utiliser un préservatif.

    Les déclarations stigmatisantes des forces de l’ordre ou des agences de santé publique, et la couverture médiatique, y compris la publication des noms complets et de photos de personnes poursuivies– même s’il ne s’agit que d’allégations – peuvent avoir des conséquences dramatiques pour les personnes vivant avec le VIH dont le statut sérologique est ainsi révélé publiquement et qui sont présentés comme des criminels. De telles révélations peuvent entrainer une perte d’emploi, de logement, l’ostracisme social ou même à la violence physique. Les enquêtes et les poursuites ont souvent un impact disproportionné sur les minorités raciales et sexuelles, les migrants et les femmes. Les accusés disposant de peu de ressources n’ont pas forcément accès à une représentation juridique adéquate.

    Dans certains cas, les infractions les plus graves du droit pénal d’un pays (par exemple voies de fait graves, agression sexuelle et tentative de meurtre) sont utilisées pour poursuivre la non-divulgation du VIH alléguée avant des relations sexuelles consensuelles. Les sanctions sont souvent disproportionnées par rapport au préjudice causé, comme de longues peines d’emprisonnement et / ou l’enregistrement en tant que délinquant sexuel. Les personnes qui n’ont pas la nationalité de leur pays de résidence risquent aussi d’être expulsées s’ils sont reconnus coupable, ce qui peut signifier, pour certains, la fin de leur traitement ou et de l’accès aux soins.

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