Mercredi, 15 octobre 2025
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    Xénia vide son cœur

    On connaît Xénia la poétesse, la drag queen, la performeuse, la comédienne et l’animatrice, mais voici l’heure de découvrir la dramaturge. En présentant sa toute première pièce au Festival international de la littérature, Juste vide ton cœur (25 au 27 septembre, Usine C), l’Acadienne établie à Montréal explore ce qu’il advient des corps trans à leur décès et de quelle façon nos proches décédés auraient composé avec notre véritable identité.

    Comment est né ce projet ?
    Xénia : Il m’habite depuis bientôt six ans. Quand j’ai commencé à explorer mon identité de genre, avant de m’affirmer comme femme trans, j’étais une personne non binaire gender fuck. Je réfléchissais au fait qu’au décès des personnes trans, elles ne sont pas toujours bien représentées. Parfois, on va embaumer leur corps en fonction du sexe assigné à la naissance. J’ai eu peur de ce qui m’arriverait si je mourais et qu’on se rappelait de moi comme un homme. Je vais être qui ? Est-ce que je vais être habillée en suit ? Mes parents ne vont pas me mettre en robe. Je ne veux pas non plus être en drag. C’est une question complexe : qui s’approprie du corps des personnes trans à leur décès ?

    Puis, tout semble avoir déboulé quand tu as commencé ta résidence de création à l’Usine C.
    Xénia : Il y a un an, j’ai relié la mort en tant que femme trans à ma famille, spécialement à ma tante Micheline et à ma grand-mère Rhéa, qui étaient la colle de la famille. Elles avaient des personnalités fortes et rassembleuses, de belles qualités et des défauts. Les deux sont décédées et elles ne m’ont pas connue comme femme trans, mais seulement sous mon dead name comme homme. Donc, l’idée de la commémoration des corps trans a transité vers une autre question : « Est-ce que les personnes mortes de ma famille m’auraient aimée aujourd’hui ? »

    Crois-tu que Micheline et Rhéa auraient fait preuve d’ouverture ?
    Xénia : Oui, mais la pièce explore surtout ce qu’on fait quand on n’est pas capable d’avoir des réponses de quelqu’un qui est parti. On entend rarement parler de cette texture de l’expérience trans. On est si souvent dans la victimisation, l’exotisme, la sexualisation ou le torture porn avec les violences qu’on subit. Avec la pièce, je veux montrer qu’on est des personnes complexes et qu’on se pose des questions nuancées et riches. Je les explore à travers l’image du homard, parce que je viens de la capitale mondiale du homard. Pendant le show, je deviens le homard, la mort et moi-même. C’est une
    chorégraphie entre différentes voix qui nous traversent.

    Est-ce la première fois que tu écris une pièce de théâtre au complet ?
    Xénia : C’est la première fois qu’il y en a une de produite. Il y en a d’autres dans mes tiroirs. Elles n’ont pas vu le jour, parce que… je ne sais pas comment répondre à ça. La vérité, c’est qu’en tant que personne trans qui parle chiac, même en Acadie, c’est un peu too much. Au Québec, je ne pense pas que je vais ever me faire caster dans un classique au Théâtre Denise-Pelletier ou sur la scène chez Duceppe dans un show de Michel Tremblay. C’est correct. J’ai un peu fait mon deuil de ça. Les autres pièces que j’ai écrites, c’était pour me mouler à cette case théâtrale dans laquelle je ne fit pas. C’était écrit de manière plus classique. La pièce qui s’en vient, c’est moi qui, literally, juste vide mon cœur.

    Quel est le regard de l’Acadie sur ton art ?
    Xénia : Il y a plusieurs institutions culturelles qui cherchent à se distinguer de la folklorisation, c’est-à-dire de démontrer au peuple acadien et aux touristes qu’on parle bien, qu’on est cultivés et qu’on est smart. Parfois, ce qui tombe entre les craques, c’est l’art un peu plus chiac. Si c’est de la musique en chiac, c’est différent, car il y a l’aspect musical qui est universel. Mais moi, il n’y a pas de musique. C’est l’art de la parole qui touche le nerf sensible de la langue. Les institutions en Acadie sont fières des gens qui parlent chiac, mais ce n’est pas nécessairement là où va l’argent.

    Qu’est-ce que ça représente de porter cette parole sur une des grandes scènes montréalaises ?
    Xénia : C’est vraiment excitant ! Et c’est un nouveau challenge. Dans les cabarets auxquels je participe, je suis moi et je m’en fous un peu si les gens ont tout compris. Mais là, en tant que comédienne, je sais à quel point c’est important d’avoir un dialogue avec le public, si c’est ça l’objectif. Ça ne me tente pas d’aliéner les gens. Donc, c’est un combat qui continue dans mon apprentissage du texte. S’il y a un bout avec du chiac, je réfléchis à comment faire pour que les gens comprennent sans me dénaturer.

    La pièce sera un grand mélange de tout ce que tu es.
    Xénia : Il y a de l’anglais, du français un peu plus standard, une forme de chiac que je ne parle pas d’habitude, et mon chiac à moi. Il y a de la musique et du lipsync. C’est vraiment un show qui met en valeur toutes mes forces : mon drag, ma poésie, le théâtre, ma présence scénique, ma facilité d’interagir avec la foule. J’invite les gens comme s’ils venaient à mon barbecue de famille. Je veux qu’ils se questionnent sur qui ils sont vraiment et sur leur rapport à leurs proches décédés. Pas sur l’identité de genre. Ce n’est pas ma responsabilité de les pousser à se questionner là-dessus.

    Quels sont tes autres projets ?
    Xénia : Je travaille sur la deuxième saison de Helpez-moi, la websérie avec Sami Landri. Les quatre premiers épisodes sont sortis en août. Ensuite, je pars en tournée avec le Sami Party au Nouveau-Brunswick, au Québec et en Ontario. Et je fais mon retour au drag, à Chiquita Mère. Ça va prendre une grosse partie de ma vie dans la prochaine année.

    Depuis ta rupture avec Sami, il semble y avoir eu une période sans collaboration artistique, avant de renouer. Comment avez-vous vécu l’après-rupture ?
    Xénia : C’était une décision mutuelle et il y a encore tellement de respect et d’amour. Quand on a plongé dans l’amitié, on a compris que notre relation devait être ça. Nos enjeux n’existaient plus. On était juste des best friends. Personnellement, j’ai eu besoin de prendre une sabbatique du drag pendant deux ans pour figurer out où est la ligne entre la performance et mon identité. J’avais besoin de prendre un break des perruques pour comprendre si je voulais devenir une femme. Maintenant,
    je retourne au drag avec une confiance et une certitude que je n’avais pas avant.

    INFOS | Festival international de la littérature, Juste vide ton cœur (du 25 au 27 septembre, Usine C)

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