Mardi, 21 octobre 2025
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    L’homosexualité désormais passible de prison au Burkina Faso, un tournant à haut risque pour le pays

    Au Burkina Faso, l’Assemblée législative de transition a voté à l’unanimité une réforme du Code des personnes et de la famille qui criminalise désormais les relations entre personnes du même sexe. Le texte prévoit des peines de deux à cinq ans de prison, assorties d’amendes, tandis que les étrangers reconnus coupables pourront être expulsés. La mesure est immédiatement applicable, selon les autorités.

    Jusqu’à présent, aucune disposition ne sanctionnait directement l’homosexualité dans le pays, même si la communauté vivait déjà sous forte pression sociale et contrainte à la discrétion. Avec cette réforme, l’État burkinabè consacre une rupture : les personnes LGBTQ+ deviennent désormais passibles de poursuites, plus exposées encore à l’extorsion, aux violences et à une marginalisation accrue.

    Depuis son arrivée au pouvoir par un coup d’État en 2022, le capitaine Ibrahim Traoré a placé la « défense des valeurs familiales » au cœur de son discours souverainiste, en opposition affichée aux « influences occidentales ». La pénalisation de l’homosexualité s’inscrit dans cette stratégie politique, déjà adoptée par d’autres régimes militaires de la région. Au Mali voisin, une loi similaire a été votée en 2024.

    Une loi aux effets multiples
    Au-delà du symbole, cette criminalisation fait peser des menaces immédiates : arrestations arbitraires, recul des droits fondamentaux et obstacles accrus à la prévention du VIH et à l’accès aux soins, dans un pays déjà fragilisé par la crise sécuritaire et humanitaire. Elle renforce un climat de peur qui pousse de nombreuses personnes concernées vers l’exil ou la clandestinité.

    Sur le plan politique, la mesure permet à la junte de détourner l’attention des difficultés majeures, dont l’insécurité, la pauvreté, un déplacements massifs de populations, en faisant des minorités sexuelles un bouc émissaire. Elle risque aussi d’accentuer les fractures sociales et d’alimenter un climat de méfiance interne.

    Sur le plan diplomatique, le Burkina Faso s’expose à une condamnation ferme des Nations unies, de l’Union européenne et des États-Unis, avec à la clé un possible gel de financements et un isolement accru. Le pays pourrait se rapprocher davantage de partenaires comme la Russie ou l’Iran, au prix d’une dépendance grandissante.

    Les conséquences économiques et sociales s’annoncent également lourdes : baisse potentielle de l’aide internationale, aggravation de la crise humanitaire, frein à l’accès aux soins. La santé publique, en particulier la lutte contre le VIH/sida, risque d’être gravement affectée par la peur de la répression. Cette dynamique pourrait aussi accélérer la fuite des compétences, notamment parmi les jeunes qualifiés.

    Enfin, sur le plan sécuritaire, en légitimant un discours ultraconservateur, la junte prend le risque de renforcer les arguments idéologiques des groupes extrémistes qui prospèrent déjà sur le rejet des « valeurs occidentales ». Cette instrumentalisation de l’homosexualité pourrait donc fragiliser encore davantage la cohésion nationale.

    Un tournant inquiétant
    Le Burkina Faso rejoint ainsi la trentaine d’États africains qui pénalisent les relations homosexuelles, avec des sanctions allant parfois jusqu’à la perpétuité, voire à la peine de mort. Une fois encore, les minorités sexuelles sont utilisées comme boucs émissaires par des régimes autoritaires en quête de légitimité, au prix d’un affaiblissement supplémentaire de leur société et d’un isolement international renforcé.

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