Le tribunal correctionnel d’Ankara a ordonné la libération sous contrôle judiciaire d’Enes Hocaoğulları, 23 ans, militant LGBT et défenseur des droits humains arrêté début août en Turquie. Il reste poursuivi pour « diffusion de fausses informations », un chef d’accusation régulièrement utilisé par les autorités pour museler les voix dissidentes.
Arrêté le 5 août à l’aéroport d’Esenboğa, à son retour de Strasbourg, Enes Hocaoğulları avait été placé en détention préventive à la prison de Sincan. Quelques mois plus tôt, il s’était exprimé devant le Congrès du Conseil de l’Europe, dénonçant les atteintes aux libertés fondamentales en Turquie, les arrestations d’élus locaux et les violences policières lors de manifestations étudiantes. Ses déclarations avaient suscité l’ire du gouvernement turc, qui les avait qualifiées de « trompeuses ».
Sa mise en accusation, le 8 août, avait immédiatement déclenché une vague de solidarité. Amnesty International, ILGA-Europe, Front Line Defenders ou encore le Forum européen de la jeunesse avaient dénoncé une « criminalisation de la liberté d’expression ». En France, plusieurs associations, dont STOP homophobie, avaient cosigné une tribune réclamant sa libération immédiate. Le Conseil de l’Europe et le Parlement européen avaient également interpellé Ankara, tandis qu’une délégation du Congrès s’était rendue sur place début septembre pour rencontrer le jeune militant.
Le tribunal a finalement décidé, lundi 8 septembre, de le remettre en liberté en attendant la suite de son procès, fixé au 23 février 2026. Enes Hocaoğulları doit toutefois se présenter régulièrement aux autorités, mesure destinée à maintenir la pression judiciaire.

Présent à l’audience, Jean-Marc Berthon, ambassadeur français chargé des droits LGBT+, a salué cette décision. « Tribunal d’Ankara. Enes Hocaoğulları a été libéré à l’issue de la première audience de son procès, à laquelle j’ai tenu à assister. Je me réjouis de cette libération. La liberté d’expression est un droit fondamental que tous les États membres du Conseil de l’Europe se sont engagés à respecter », a-t-il déclaré.
Sur place, un militant turc a parlé d’une audience « inhabituelle » : « Le procureur, censé soutenir l’accusation, s’est rangé du côté de la défense. Il faut y voir la preuve qu’il n’y avait rien de solide dans le dossier. Ou la volonté des autorités de montrer à l’international que la justice turque, très critiquée, peut parfois donner des gages de normalité. »
Au-delà du soulagement, ce procès a marqué un moment rare d’unité. Toutes les associations LGBT+ turques étaient présentes à l’audience, venues soutenir Enes Hocaoğulları et affirmer collectivement leur détermination face à un climat de répression croissante.
Son cas illustre la fragilité des libertés publiques dans le pays, où la législation sur la « désinformation », adoptée en 2022, sert désormais de levier répressif contre journalistes, étudiants, militants écologistes ou LGBT. Pour la société civile turque, sa libération reste une victoire symbolique, mais précaire.
STOP homophobie reste mobilisée, car ce procès s’annonce comme un test majeur pour la liberté d’expression et les droits LGBT+ en Turquie.

