Depuis plus d’un demi-siècle, le Festival du nouveau cinéma (FNC) présente au public montréalais la crème du cinéma, de la vidéo et de la production télévisuelle. La passion de Dodin Bouffant (Prix de la mise en scène à Cannes) du cinéaste d’origine vietnamienne Trân Anh Hùng aura les honneurs de la soirée d’ouverture, le 4 octobre prochain, alors que Le règne animal du cinéaste français Thomas Cailley sera présenté en clôture, en présence du comédien Paul Kircher.
Le FNC compte à son programme les œuvres des meilleur.e.s réalisateur.trice.s du monde entier. Mentionnons notamment les présentations en primeur de Monster (Prix du meilleur scénario à Cannes, où il a aussi reçu la Queer Palm) du japonais Hirokazu Kore-Eda, Vers un avenir radieux de Nanni Moretti, Les Herbes sèches de Nuri Bilge Ceylan, The Old Oak de Ken Loach et Les Filles d’Olfa de Kaouther Ben Hania.
L’attendu Vampire humaniste cherche suicidaire consentant, premier long métrage d’Ariane Louis-Seize agrémentera la compétition nationale, tandis que Voyages en Italie sera présenté en présence de sa réalisatrice Sophie Letourneur et de son interprète principal Philippe Katerine. Le FNC offrira par ailleurs aux festivalier.ère.s deux événements à ne pas manquer : la Grande Nuit Mad Max et une programmation spéciale revisitant la carrière de Bruce Lee… et ses nombreux sosies !
Des Louves d’honneur seront remises à Bertrand Bonello et Catherine Breillat, deux cinéastes faisant preuve d’audace, que le festival a toujours su mettre de l’avant.
Le FNC offrira aux festivalier.ère.s une classe de maître « événementielle » entre Chloé Robichaud, qui présentera Les jours heureux, et Atom Egoyan, qui proposera aussi au festival son plus récent film, Seven Veils. Lors de cette discussion croisée, Chloé Robichaud et Atom Egoyan auront le loisir de parler de leur dernière réalisation illustrant, chacune à sa manière, le destin de femmes plongées dans des univers traditionnellement masculins.
De plus, le public pourra profiter d’une installation signée par Larissa Corriveau qui invite les festivalier.ère.s à entrer dans la mémoire de la grande comédienne québécoise, Monique Miller.
INFOS | Festival du nouveau cinéma, du 4 au 15 octobre 2023
https://nouveaucinema.ca/fr
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Une fois de plus, les thématiques queers traverseront plusieurs films.
SURVOL COMMENTÉ
Monster
Le film japonais Monster, qui s’est vu décerner l’été dernier la Queer Palm, à Cannes, commence comme un drame sur le harcèlement en milieu scolaire, raconté depuis de multiples points de vue. Son intrigue évolue vers une relation d’amitié très étroite, voire d’amour, esquissée entre deux jeunes élèves, et filmée avec une grande pudeur, rappelant par certains aspects Close, film du Belge Lukas Dhont. Tout semble désigner le professeur de Minato comme responsable des problèmes rencontrés par le jeune garçon. Mais au fur et à mesure que l’histoire se déroule à travers les yeux de la mère, du professeur et de l’enfant, la vérité se révèle bien plus complexe et nuancée que ce que chacun avait anticipé au départ… Cinq ans après sa Palme d’or pour Une affaire de famille, Kore-Eda scrute à nouveau les tares de la société japonaise contemporaine en édifiant un scénario à tiroirs vertigineux, récompensé au dernier Festival de Cannes. Avec justesse, il décortique soigneusement les failles d’un système d’éducation où tous et toutes deviennent tour à tour victimes et bourreaux. Croisant sans arrêt les points de vue de ses personnages principaux, Monster fascine, émeut et surprend.
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Gamodi
Fugues présente le film Gamodi, le 8 octobre à 20 h 45 au Cinéplex Quartier Latin et le 14 octobre à 15 h 45 au Cinéma Moderne. À Tbilissi, en Géorgie, une tour d’appartements se trouve dans un état lamentable, sa construction étant interrompue à un moment critique par la pandémie mondiale. Dans ses coins sombres, Viktor, une drag queen flamboyante, et Tarzan, un adolescent vagabond, ont embrassé leur langueur purgatoire collective, subsistant de brefs instants d’intimité. Alors que des reportages télévisés intermittents les informent des développements du monde extérieur, il est de moins en moins clair s’ils existent encore vraiment. Premier effort de réalisation solo de Felix Kalmenson (du collectif d’artistes Pejvak), Gamodi utilise un clair-obscur époustouflant, des compositions complexes et une conception sonore intrigante pour évoquer un environnement irréellement onirique. Pratiquement chaque plan impeccable de la fable poétique de Kalmenson invite à l’admiration et mérite un examen attentif. À la fois dense par son contenu et par la réflexion qu’il suscite, Gamodi restera sûrement longtemps en votre mémoire.
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Levante
Sofia, joueuse très prometteuse, fait partie d’une équipe de volleyball queer, safe space solidaire et réjouissante. La veille d’un championnat, elle apprend qu’elle est enceinte. Ne voulant pas de cette grossesse, elle cherche à se faire avorter illégalement et se retrouve la cible d’un groupe fondamentaliste bien décidé à l’en empêcher. Mais ni Sofia ni ses proches n’ont l’intention de se soumettre à l’aveugle ferveur de la masse. Levante (se relever, se révolter en portugais) conjugue à merveille les liens puissants unissant de jeunes athlètes au drame intime qui bouleverse jusqu’au collectif. Formidable plaidoyer pour le libre choix soutenu par l’énergie d’un groupe d’actrices électrisantes, ce premier long métrage, qui a remporté le Prix FIPRESCI de la Semaine de la critique à Cannes, dénonce avec courage la vague fondamentaliste qui accable le Brésil contemporain, tout en célébrant la vitalité d’une jeunesse militante.
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The Bride
En 1997, trois ans après la guerre civile et le génocide des Tutsis, Eva, ambitieuse étudiante en médecine, est kidnappée. Poursuivant une terrible tradition, son ravisseur compte ainsi l’épouser de force. Eva est abandonnée à elle-même au sein de sa nouvelle famille et développe un lien étonnant avec la cousine de son mari, encore traumatisée par l’assassinat des siens. Avec The Bride, un premier long métrage fort de personnages féminins saisissants, la cinéaste rwandaise Myriam Birara va bien au-delà de l’esquisse naturaliste. Son œuvre révèle les dynamiques d’une domesticité culturellement genrée et déterminée, et sa démarche formelle, aussi dépouillée que minutieuse, expose avec empathie et pudeur un système social et une mémoire pillée.
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Conann
Le film Conann de Bertrand Mandico parcourt les abîmes, le chien des enfers Rainer, racontant les six vies de Conann, perpétuellement mis à mort par son propre avenir, à travers les époques, les mythes et les âges. Depuis son enfance, esclave de Sanja et de sa horde barbare, jusqu’à son accession au sommet de la cruauté aux portes de notre monde.
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Les jours heureux
Dans Les jours heureux de Chloé Robichaud qui prendra l’affiche le 20 octobre, Emma est une jeune cheffe d’orchestre et étoile montante sur la scène montréalaise. Le film fait état de sa relation complexe avec son père et son agent Patrick qui maintient une emprise sournoise sur elle depuis l’enfance. La possibilité d’obtenir un important poste au sein d’un orchestre de prestige ne fait qu’accentuer les enjeux pour Emma. Elle devra laisser place à ses émotions véritables et faire des choix, autant pour sa musique que pour elle-même, si elle veut parvenir à naviguer sainement sa carrière et sa relation amoureuse avec Naëlle, une violoncelliste nouvellement séparée et mère d’un garçon.
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Orlando, ma biographie politique
Avec Orlando, ma biographie politique, Paul B. Preciado, philosophe, écrivain et activiste s’adresse à l’autrice anglaise pour lui présenter les « incarnations contemporaines » d’Orlando, le personnage de son inoubliable roman. Ces multiples Orlando témoignent de leurs parcours, de leurs défis, mais aussi, et surtout, de l’espérance d’un monde nouveau. Entre récit autobiographique et recueil de vies, voici une vraie œuvre de création à la fois poignante et délicieusement campée, pleine de poésie et d’euphorie. Ce documentaire de Paul B. Preciado qui brosse le portrait d’un monde en mutation a remporté le Teddy Award du meilleur documentaire lors de la Berlinale 2023.
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The Human Surge 3
Dispersés dans différents pays, de jeunes gens de The Human Surge 3 déambulent dans un monde miné par le capitalisme, les nouvelles technologies et des menaces invisibles. Leur errance semble ne jamais avoir de fin. Cherchant à échapper à leurs emplois ingrats ou tout simplement à trouver un cadre de vie, ils flottent vers un avenir mystique, insaisissable. Eduardo Williams reprend ici l’essence de son premier opus The Human Surge (une trilogie sans deuxième volet). Avec une trame narrative réduite au minimum, le cinéaste argentin propose un objet fuyant, atmosphérique, vagabond, telle l’existence qui s’écoule. Parsemé de séquences expérimentales éblouissantes et tourné avec un casque de réalité virtuelle 360 degrés, The Human Surge 3 est une expérience vraiment inédite.