Jeudi, 13 novembre 2025
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    Afrique Mode lève le rideau sur la mode africaine postcoloniale

    Les visiteurs qui assisteront à l’exposition Afrique Mode au Musée McCord-Stewart peuvent anticiper un voyage décolonial, parfois dégenré et souvent déroutant, à travers l’histoire récente de la mode africaine.

    Présentée en exclusivité canadienne, l’exposition a été conçue par et pour l’un des musées de mode et de design les plus prestigieux au monde, le Victoria & Albert Museum (V&A) de Londres. Après avoir été présentée au V&A de juillet 2022 à avril 2023, elle arrive au McCord-Stewart après des escales à New York, Chicago, Portland et Melbourne.

    L’exposition commence à l’aube des mouvements de libération postcoloniaux en Afrique, dans les années 1950 et 1960, avec une exploration de certaines techniques textiles traditionnelles. À partir de là, un voyage à travers des dizaines de pays attend le visiteur, mettant en vedette la mode, la musique, la photographie et les arts décoratifs africains postcoloniaux. Selon le V&A, l’exposition souligne le « rôle fondamental que les textiles, les vêtements et les parures corporelles ont joué dans les cultures africaines, et la façon dont la mode est devenue une force puissante pour l’expression de soi postcoloniale, attirant l’attention internationale par sa créativité sans limites ».

    Le travail des pionnières et pionniers du design africain, comme la créatrice de mode marocaine Naïma Bennis; la Nigériane Shade Thomas-Fahm, considérée comme la première créatrice de mode moderne du Nigeria; le créateur et promoteur de mode malien Chris Seydou; et le designer britanno-ghanéen Kofi Ansah, y est mis en valeur. On y retrouve aussi celui de designers contemporains comme Imane Ayissi, reconnue pour ses fusions entre textiles africains et haute couture française; « l’art que l’on porte » de la maison nigériano-ghanéenne IAMISIGO, qui met en valeur des techniques millénaires dans un contexte moderne; le luxe éthique rwandais de Moshions; ainsi que les pionniers sud-africains de la mode féminine Thebe Magugu et Sindiso Khumalo.

    Malgré le climat politique hostile à l’homosexualité et à la transidentité dans plusieurs pays d’Afrique, certains concepteurs, comme les Nigérians d’Orange Culture ou encore l’artiste photographe djiboutien, explorent l’androgynie et l’ambiguïté de genre. Le Sud-Africain Rich Mnisi incorpore explicitement des symboles de la Fierté dans ses œuvres – un rappel puissant que les orientations sexuelles et identités de genre non traditionnelles ont toujours existé en Afrique, même si elles sont souvent caractérisées à tort comme des aberrations occidentales. Les couleurs, d’ailleurs, ne sont pas genrées : il est courant de voir hommes, femmes et enfants vêtus de toutes les couleurs, dans des habits confectionnés à partir de textiles traditionnels par le tailleur ou la couturière du coin.

    « Notre principe directeur pour Afrique Mode est de mettre en avant les voix et les perspectives individuelles africaines », explique Christine Checinska, conservatrice principale des textiles et de la mode africains et de la diaspora africaine au Victoria & Albert Museum, dans une description de l’exposition. Afrique Mode « présente la mode africaine comme une forme d’art identitaire qui révèle la richesse et la diversité des histoires et des cultures africaines. Présenter toutes les modes d’une région aussi vaste serait un pari impossible. Afrique Mode célèbre plutôt la vitalité et l’innovation d’une sélection de créateurs de mode, explorant le travail de l’avant-garde du XXe siècle et les créateurs au cœur de cette scène éclectique et cosmopolite d’aujourd’hui. Nous espérons que cette exposition suscitera une redéfinition de la géographie de la mode et changera la donne dans ce domaine. » En plus de la mode, la joaillerie et la photographie de studio – particulièrement populaire en Afrique de l’Ouest postcolonial – sont aussi explorées.

    Pour Alexis Walker, conservatrice adjointe du costume, de la mode et des textiles au Musée McCord-Stewart, travailler sur l’exposition a été une expérience d’apprentissage qu’elle souhaite maintenant partager avec le public montréalais de toutes origines.

    « Les expositions du V&A sont époustouflantes, à la fois au niveau de l’expérience visuelle pour les visiteurs et au niveau de la recherche », relate la conservatrice. « Quand j’ai vu l’exposition à Londres, j’étais renversée… j’ai acheté le catalogue et j’ai achalé tout le monde ici pour qu’on la fasse venir chez nous. »

    Elle n’a pas de racines africaines et n’a eu que très peu de contact avec les traditions esthétiques africaines au cours de ses études. « Je travaille dans la mode, à la fois dans les musées et dans l’industrie en tant que designer, depuis plus de 25 ans maintenant. J’ai l’impression de bien connaître l’histoire de la mode. Mais avec cette exposition, j’ai été prise au dépourvu, confrontée à ma propre ignorance. Je ne [connaissais] rien à l’art et à la créativité africains, et je ne pense pas être la seule femme blanche dans cette position. » Elle considère qu’en 2025, il est plus que temps d’avoir une grande exposition de mode qui célèbre la créativité africaine.

    « L’Afrique, c’est plus de 50 pays avec toutes les formes de créativité qu’on peut imaginer. Cette exposition fait éclater les stéréotypes et présente l’art et la mode africains sous une grande variété de perspectives », ajoute la conservatrice, qui espère que les membres des communautés afrodescendantes et queers de Montréal se reconnaîtront dans l’exposition.« Je pense qu’un grand élément de cette exposition est une célébration de l’autodétermination, du fait d’être soi-même, indépendamment de l’oppression, de la colonisation, de la politique, de tout ça », résume Alexis Walker.

    INFOS | L’exposition s’ouvre le 25 septembre et restera au Musée McCord-Stewart jusqu’au 1er février 2026. En partenariat avec Montreal Fashion Week, le musée tiendra une soirée d’ouverture exclusive d’Afrique Mode, à partir de 17 h 30. Les billets (10 $, incluant une consommation et la participation à un atelier de teinture traditionnelle nigériane) sont disponibles sur le site web du musée. https://www.musee-mccord-stewart.ca

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