À quelques minutes à pied de la gare de Shinjuku, le quartier de Ni-chome concentre ce qui se fait de plus dense en matière de commerces LGBTQ+ au Japon : plusieurs centaines de bars, clubs, saunas, cafés, boutiques et petits restos alignés sur quelques pâtés de maisons seulement (entre 250 et 300, je n’ai pas compté).
Pour un.e visiteur·e qui ne parle pas japonais, le quartier peut être intimidant : même si l’offre queer de Tokyo se diversifie et s’internationalise, sachez que la majorité des 400 et quelques lieux LGBTQ+ de la mégapole restent profondément ancrés dans la culture locale.
Beaucoup de minuscules bars au 3ᵉ, 4ᵉ, 5e étage (ou même plus haut), des enseignes uniquement en kanji (idéogrammes d’origine chinoise qui font partie des trois systèmes d’écriture japonais, avec les hiraganas et les katakanas), et des établissements qui ciblent un public très précis : hommes japonais d’un certain âge, clientèle trans, bears, jeunes hommes entre 18 et 25 ans avec une coupe de cheveux très courts (oui, je ne blague pas), etc. Mais une nouvelle génération de lieux plus ouverts et bilingues est en train de redessiner la carte gaie de Tokyo, depuis moins de 10 ans, créant une porte d’entrée plus accessible.
En voici une courte liste.


AiiRO CAFE – La porte d’entrée
AiiRO CAFE est à la fois bar de quartier, terrasse improvisée et point de ralliement. Pas de coût à l’entrée, quelques tables hautes à l’extérieur, un petit comptoir à l’intérieur. L’endroit est connu pour ses forfaits bière à volonté pendant quelques heures et sa clientèle très mixte : gais locaux et touristes, couples hétéros queer-friendly, personnes trans et non binaires. Ambiance décontractée, beaucoup de gens debout à jaser dans la rue : c’est souvent là que commence – et parfois se termine – une tournée des bars. Une partie du personnel parle anglais et le café est régulièrement décrit comme l’un des bars les plus « foreigner-friendly » de Ni-chome. On peut très bien se débrouiller sans un mot de japonais : on commande au comptoir, on paye à la commande, le reste se fait à coup de sourires et de « cheers ».
OÙ ? Sur Nakadori, la rue principale de Ni-chome, à quelques minutes à pied de la station Shinjuku-sanchōme (sortie C8). On repère tout de suite son torii arc-en-ciel qui encadre l’entrée, devenu un véritable repère visuel pour les soirées queer de Tokyo.


Dragon Men – le bar international
Dragon Men est un bar gai de taille moyenne avec un vrai plancher de danse, un long bar en S et quelques places en terrasse. La musique est pop internationale, EDM, remixes des hits du moment. En début de soirée, on y boit tranquillement; plus la nuit avance, plus l’ambiance se rapproche du mini-club. Principalement hommes gays, mais la clientèle est en pratique assez mixte : expatriés, touristes, Japonais, quelques femmes et personnes non binaires. C’est souvent recommandé comme « valeur sûre » pour un premier soir à Tokyo. Le bar est connu pour sa clientèle internationale et son personnel anglophone. Plusieurs guides le décrivent comme un des spots les plus accueillants pour les étrangers, avec menus, informations de base et happy hour annoncés en anglais. On peut y entrer facilement sans parler japonais ; savoir dire « biiru » ou « highball » suffit largement.
OÙ ? À Shinjuku Ni-chome, près de la station Shinjuku-sanchōme (sortie C8). L’adresse officielle : 2-11-4 Shinjuku, au rez-de-chaussée d’un petit immeuble.


EAGLE Tokyo – le repaire « bear » cosmopolite
Inspiré par l’esthétique des bars occidentaux, EAGLE Tokyo se présente comme un « bear bar » de « style Brooklyn » : brique, bois, lumières tamisées, déco changeante selon les saisons. Il fait partie du EAGLE TOKYO GROUP, qui gère quelques bars (dont EAGLE Tokyo Blue) et des événements comme le party gai AGARTHA ou de grands spectacles de drag. La clientèle est principalement composée d’hommes gais, particulièrement la communauté bear et leurs admirateurs, mais le ton reste ouvert aux visiteurs internationaux et aux allié·e·s. Le rythme est plus lounge que club : on vient pour jaser, flirter, boire un bon cocktail. Le groupe met en avant son caractère « international » et plusieurs membres du staff sont bilingues. Des critiques mentionnent expressément un accueil chaleureux des étrangers, même avec peu ou pas de japonais.
OÙ ? Dans une petite ruelle de Ni-chome, toujours à Shinjuku. On y arrive en quelques minutes à pied depuis Shinjuku-sanchōme.


Campy! Bar – le mini cabaret drag
Impossible de manquer la façade aux motifs très kitsch de Campy! Bar. Le lieu, lancé par la drag queen vedette Bourbonne, relève à la fois du bar et du mini-cabaret. Musique forte, queens qui circulent entre les client·e·s, plaisanteries à la chaîne, shots que l’on se fait gentiment pousser. On est ici dans la caricature assumée du « camp », comme le nom l’indique. Clientèle LGBTQ+ large, avec beaucoup de jeunes Japonais·es, de touristes curieux et de fans de culture drag. C’est un bon endroit pour qui veut plonger dans une esthétique queer très japonaise, mais sans se prendre au sérieux. Les performances et les plaisanteries se font surtout en japonais, mais le personnel est habitué aux visiteurs étrangers. Même si on ne comprend pas tout, on suit l’énergie de la salle; le non-verbal et les réactions du public font une bonne partie du spectacle. Attention toutefois aux frais : certains sièges et consommations comportent des suppléments; mieux vaut vérifier avant de s’installer.
OÙ ? Sur l’artère principale de Ni-chome, à Shinjuku, non loin de la sortie C8 de Shinjuku-sanchōme.


AiSOTOPE LOUNGE la «grande» boîte de nuit de Ni-chome
Avec ses deux étages, ses soirées thématiques et ses line-up de DJ, AiSOTOPE Lounge est souvent décrite comme la plus grande boîte gay de Ni-chome. On y trouve des soirées mixtes, des événements pourhomems ou pour femmes seulement selon la programmation, des soirées drag, des nuits techno ou J-pop. SI le public est composé principalement d’hommes gais lors de nombreuses soirées, la programmation inclut aussi des événements pour femmes queer et pour un public LGBTQ+ plus mixte. C’est le spot « grosse nuit de club » après avoir fait le tour des petits bars. L’affichage et le site sont surtout en japonais, mais une partie des infos (horaires, dress codes, consignes simples) existe en anglais sur les sites de voyage. La clientèle est habituée aux étrangers ; on paye l’entrée (souvent avec consommations incluses) et l’on suit le flux. Pour quelqu’un qui ne parle pas japonais, le seul enjeu est de vérifier, à l’avance, si la soirée du jour est ouverte à tou·te·s ou réservée à un public spécifique (hommes cis, femmes, etc.).
OÙ ? Shinjuku 2-12-16, dans l’immeuble St. Four, à quelques minutes de marche de Shinjuku-sanchōme (sortie C8) ou du parc Shinjuku Gyoen.


Pride House Tokyo Legacy : un centre communautaire, pas juste un « spot » de sortie
Pride House Tokyo Legacy est le premier centre LGBTQ+ permanent du Japon, né dans la foulée des Jeux de Tokyo. On y trouve une bibliothèque et un centre de documentation sur les questions LGBTQ+, des espaces de rencontre, du Wi-Fi, des toilettes tous genres et surtout des services de soutien et de counseling gratuits. Fréquenté par toute la communauté LGBTQ+ et ses allié·e·s ; plusieurs programmes ciblent spécifiquement les jeunes de moins de 25 ans. C’est un lieu pour se poser, travailler, rencontrer des militant·e·s ou simplement prendre un café dans un environnement safe, loin de la pression des bars et des clubs. La majorité des ressources sont en japonais, mais le centre se présente explicitement comme ouvert à « toutes et tous », et certaines informations, événements et contenus sont disponibles en anglais. Certains services de counseling sont offerts en anglais et en chinois selon les créneaux. Une personne qui ne parle pas japonais peut tout à fait entrer, s’installer, consulter les rayons et demander de l’aide de base en anglais.
OÙ ? À la lisière de Ni-chome, près du parc Shinjuku Gyoen : 2ᵉ étage du JF Shinjuku Gyoen Building, 1-2-9 Shinjuku. À trois minutes à pied de la station Shinjuku-gyoenmae.

Loneliness Books : la librairie queer qui tisse des liens
Loneliness Books est à la fois librairie et petite maison d’édition indépendante, centrée sur les littératures queer, féministes et de genre en Asie. Les rayons débordent de zines, d’essais, de recueils poétiques et de bandes dessinées, souvent introuvables ailleurs, en particulier sur les réalités LGBTQ+ dans la région. Lecteur·rice·s queer, féministes, chercheur·e·s, curieux·ses de la culture asiatique LGBTQ+. C’est un lieu beaucoup plus calme que les établissements de Ni-chome : on y vient évidemment pour feuilleter, discuter avec la personne à la caisse, assister parfois à une discussion ou un lancement. La majorité des titres sont en japonais, mais la librairie met de plus en plus de livres et de zines en anglais ou en langues asiatiques diverses. L’équipe parle surtout japonais ; quelques échanges simples en anglais sont généralement possibles. Même sans lire le japonais, l’endroit vaut le détour pour sentir ce que produisent les scènes queer locales et ramener un zine en souvenir.
OÙ ? Dans l’espace « platform3 », près de la station Higashi-Nakano (JR Chūō-Sōbu ou ligne Ōedo).



24 Kaikan Shinjuku : sauna et hôtel pour hommes
24 Kaikan Shinjuku est à la fois hôtel et sauna, réparti sur 7 à 8 étages selon les sources. On y trouve saunas sec et humide, bains, jacuzzis, zones de repos, cabines privées, un petit coin restauration, parfois un espace sur le toit pour prendre le soleil. L’établissement est ouvert 24 h sur 24, avec plus d’achalandage la nuit et les fins de semaine. Public cible se compose d’hommes gais et bisexuels (c’est un espace exclusivement masculin). C’est autant un lieu de détente qu’un espace de cruising; la sexualité y est assumée, mais encadrée par des règles strictes, comme dans la plupart des saunas gais. Les procédures sont très codifiées mais relativement simples semble-t-il (je n’y suis pas allé et je me fis à ce que d’autres voyageurs m’ont confié) : on achète son billet à un distributeur, on le donne à la réception, on reçoit une clé et un sac avec serviette et tenue. Les étrangers sont les bienvenus, etle personnel est habitué à gérer la barrière de langue avec quelques mots d’anglais et beaucoup de gestes. Il est néanmoins utile de se renseigner sur les règles de base (hygiène, zones réservées, comportement) avant de s’y rendre. Autrement dit, faites vos recherches..;)
Notez que plus d’une centaines d’autres d’établissements LGBTQ+ se trouvent ailleurs dans Tokyo, mais s’adressent pour la très grande majorité t à une clientèle qui parlent ou au moins comprends le japonais… Évidemment si vous y allé avec une personne qui parle le japonais vous pourrez entrer.
On parle souvent de bars de quartier, de saunas ou onsen (un spa plus traditionel), des cafés-bistros, des BJ Bars (oui, c’est ce que vous imaginez : des bars pour des Blow Jobs), etc.
Par ailleurs, ne soyez pas surpris ou trop déçus si on vous refuse l’entrée, c’est monnaie courante dans plusieurs établissements hyper spécialisés où on pratique une sélection très pointue à l’entrée certains soirs ou lors d’événements bien précis ou même là où on s’adresse à une clientèle spécifique.
