Jeudi, 3 octobre 2024
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    Ressac et la tentation de l’homme fort

    Je ressens toujours un malaise à l’approche des grandes célébrations LGBTQ. Bien sûr comme beaucoup je me réjouis que les communautés LGBTQ prennent leur place dans la société et fêtent cette ascension citoyenne. Mais je ne peux m’empêcher d’avoir une pensée pour toutes celles et ceux qui à travers la planète ne bénéficient pas de ce même accès au droit d’être à part entière tout simplement. Je ne suis sûrement pas le seul. Nous sommes nombreux.ses à partager cette douleur et même si nous fêtons, nous défilons et nous amusons, nous gardons en fond de scène tout ce qu’il reste et doit être fait.

    Bien sûr, phénomène propre aux minorités qui sortent de la marge, les opposants se font de plus en plus bruyants. Ici, où on ne cesse de parler du lobby LGBTQ qui aurait infiltré les officines gouvernementales et les médias. Et pour faire peur, on parle même d’extrémistes du genre, comme on parle d’extrémistes féministes, comme si nous tenions en otage et les gouvernements et les dirigeant.es des grands groupes d’information. On frôle le délire? Pas vraiment. À croire que l’on l’entretient ce mythe à souhait pour faire peur, pour nous cibler comme des fauteur.es de trouble, des révolutionnaires mettant à bas les fondements de la civilisation. J’exagère? Une compilation de chroniques pigées dans certains quotidiens font froid dans le dos. Bien sûr, on n’a cessé, et c’est tant mieux, de comptabiliser les gains des dernières décennies.

    Sur un planisphère, on pouvait s’amuser à planter des petits drapeaux sur les pays qui avaient décriminalisé l’homosexualité. On faisait même des concours à savoir quel serait le prochain pays à reconnaître officiellement les unions de même sexe. Et le planisphère se voyait de plus en plus rempli de petits drapeaux arc-en-ciel, à nous faire rêver qu’il n’en tenait plus qu’à quelques paillettes pour que l’ensemble de la planète soit ouverte, équitable, respectueuse, et protectrice, des minorités sexuelles, comme elle devrait l’être à toute personne sur terre indépendamment de ses origines, de son âge, de son sexe, de sa culture, voire aussi de sa religion. Mais il y a loin de la coupe arc-en-ciel aux lèvres recouvertes d’un rouge cœur. Il y a loin d’autant plus que le ressac commence à se faire sentir. 

    Nous n’étions pas dupes cependant que le chemin serait plus ardu pour les pays où la culture patriarcale, masculiniste et sexiste régnait encore en maître sous couvert de respecter des principes religieux. Nous n’étions pas dupes que les tenants de ces pouvoirs misogynes, homophobes et transphobes ne baisseraient pas les bras de sitôt. Nous n’étions pas dupes, non plus des poches de résistance installées dans les pays mêmes où les communautés LGBTQ avaient enfin une reconnaissance sociale et légale. Mais voilà, les inquiétudes économiques sur l’avenir, les jeux de pression entre différents gouvernements nous prennent de nouveaux en otage. Ainsi, on fait passer comme secondaire nos revendications face au chômage, à la perte d’emplois ou encore au manque de main d’œuvre. On nous met dans le même sac que les tenants d’une mondialisation qui ne tiendrait plus compte des droits des peuples soumis à une économie dont ils feraient les frais. Comme si nous vivions sur une planète à part indifférent.es et insensibles aux autres grands enjeux. Une analyse de surface pour mieux nous cibler oubliant que comme la population, nous sommes des travailleurs.euses, des familles, des consommateurs-trices, inquiets pour l’avenir de la planète et des générations futures. Beaucoup d’entre nous d’ailleurs ne sont pas seulement engagé.es dans les revendications LGBTQ. Nous n’avons pas qu’une casquette arc-en-ciel, loin de là. 

    Mais il est bon en temps de troubles politiques et sociaux à nos portes de cibler des responsables. Les minorités sont du pain blanc pour être les vilains petits diables et les vilaines petites diablesses à pointer du doigt. En ces temps troubles, on est toujours à la recherche du sauveur, de celui qui viendra mettre de l’ordre, séparera le bon grain de l’ivraie. Je dis bien celui, car il s’agit toujours d’un homme, l’homme FORT, celui qui n’hésitera à se mouiller même si c’est dans du sang. Et cet homme fort, ayant tous les pouvoirs sur un peuple, ne se dessine plus dans des petits pays africains, asiatiques ou encore d’Amérique latine. Il grandit dans les pays occidentaux, galvanisé par l’arrivée de Trump aux États-Unis, un homme qui ne se soucie pas d’éthique, de morale, voire de conscience. On peut dénoncer la Tchétchénie pour la répression des gais, on peut s’inquiéter des mesures prises par le Sultan du Brunei rétablissant la peine de mort pour les homosexuel.les. Une mesure soi-disant préventive qui ne sera pas appliquée selon un des ministres du sultanat. On peut ainsi faire le tour des pays où l’homosexualité est encore un délit. Mais la plupart d’entre eux ne jouent pas un grand rôle sur l’échiquier politique et économique mondial. 

    Plus inquiétante est la résurgence au plus haut niveau dans certains états des discours homophobes et transphobes, des états qui avaient récemment montré une ouverture à la reconnaissance sociale et légale des minorités sexuelles. Bien évidemment, le premier à donner le coup d’envoi a été Donald Trump, s’appuyant sur le bassin de population américaine le plus conservateur et le plus réactionnaire. Depuis, ne cessent d’apparaître dans la bouche d’élu.es ou de candidat.es des propos qui font froid dans le dos. Nul besoin de répéter les déclarations du nouveau président brésilien Bolsonaro. Les minorités sexuelles, les femmes, les populations autochtones d’Amazonie sont logées à la même enseigne pour cet ex-militaire dont les déclarations ne font pas dans la dentelle.

    En Espagne, Santiago Abascal, nostalgique du franquisme et leader du parti VOX, dénonce régulièrement ce qu’il appelle « le féminisme suprématiste et le totalitarisme du genre ». Plusieurs candidat.es de ce parti d’extrême droite ont fait leur entrée aux Cortes Generales (Parlement espagnol) lors des élections législatives d’avril dernier. De même en Italie, Matteo Salvini, ministre de l’Intérieur, est totalement opposé à toute reconnaissance légale des couples de même sexe, et ne serait pas opposé à des mesures d’apartheid pour les immigrants. Les mouvements d’extrême droite qui ont fait leur entrée dans les parlements ne sont pas tendres et pourfendent encore une fois tous les droits accordés aux minorités sexuelles. Et l’on pourrait ajouter à la liste, nombre de pays d’Europe de l’Est dont les plus hautes autorités élues considèrent que les minorités sexuelles seraient une gangrène qui mènerait à la décadence, à l’anarchie. 

    Comme pour d’autres causes sociales, on se doit de rester vigilant. On se doit de manifester soutien et solidarité envers nos sœurs et nos frères LGBTQ ici comme ailleurs. Et l’on peut se féliciter et rejoindre les organismes d’ici qui, dans la mesure de leurs moyens et dans les contraintes à travers lesquelles ils évoluent, ne baissent pas les bras. Bien au contraire. Il ne suffira pas donc de fêter nos victoires, mais de fêter notre engagement à continuer. 

    Pour finir sur une notre plus drôle… ou peut-être à pleurer. Une chercheure universitaire koweitienne aurait découvert la cause de l’homosexualité. Un vers transmis par le viol et qui se nourrirait de sperme, ce qui rendrait irrépressible chez les gais le besoin de se faire enculer. Elle a mis au point un suppositoire qui tuerait ce fameux vers spermophage et qui en finirait aussi bien avec l’homosexualité masculine… que féminine ! Comprend qui peut.

    Deux réflexions m’inspirent la découverte de cette chercheure. 1) Mon vers anal doit être depuis longtemps mort de faim. 2) On rêve à la découverte d’un suppositoire qui rendrait moins con, disponible dans toutes les bonnes pharmacies.  

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