Le festival image+nation présentera en novembre prochain Dreamers, premier long métrage de la réalisatrice et productrice britannique-nigériane Joy Gharoro-Akpojotor, révélé en première mondiale à la Berlinale 2025. Ce drame sensible et politique plonge dans l’univers d’un centre de rétention pour demandeurs d’asile au Royaume-Uni, en suivant l’itinéraire d’Isio, une jeune femme nigériane sans papiers, qui découvre l’amour derrière des portes closes.
La productrice Gharoro-Akpojotor signe ici son premier long métrage comme scénariste et réalisatrice. Inspirée par sa propre expérience du système d’asile britannique, elle explique avoir eu besoin de temps et de thérapie pour pouvoir revisiter ce vécu et le transformer en récit cinématographique. Le résultat est un film de 78 minutes où l’intime rejoint l’universel : la quête de liberté, d’amour et de dignité face à un système hostile.
Dreamers raconte l’histoire d’Isio (Ronke Adékoluejo), arrêtée après deux ans de vie clandestine au Royaume-Uni, puis envoyée au Hatchworth Removal Centre. Le film aborde de front les enjeux de l’identité queer en contexte migratoire : Isio a fui le Nigeria après que son homosexualité a été révélée, dans un pays où les relations entre personnes du même sexe sont criminalisées. Convaincue que le respect scrupuleux des règles lui assurera une audience équitable, elle se heurte rapidement au scepticisme de sa colocataire Farah (Ann Akinjirin), plus lucide sur la brutalité du système. Au centre, elle trouve amitié et solidarité auprès de Nana (Diana Yekinni), venue du Ghana, et d’Atefeh (Aiysha Hart), migrante irakienne. Ensemble, ces femmes créent des espaces de survie et d’imaginaire, où l’amour entre deux femmes devient un acte radical de préservation de soi. Au-delà de la romance, Dreamers interroge les paradoxes des politiques migratoires européennes : les États se réclament de l’humanisme, mais exigent des preuves quasi impossibles de souffrance pour accorder l’asile. La scène où l’agent d’Isio lui demande si elle a déjà eu des relations avec un homme, insinuant que cela invaliderait son identité lesbienne, résume l’absurdité du système.
La directrice photo Anna Patarakina joue sur les contrastes : lumière rouge pour symboliser le danger, halos colorés évoquant tantôt la chaleur des liens, tantôt l’intrusion oppressante. Des séquences oniriques, où Isio rêve de danses rituelles aux teintes rouges, ajoutent une dimension poétique qui traduit ses traumatismes et ses espoirs. Le film choisit de mettre en avant une perspective rare : deux femmes noires queer qui se rencontrent dans un centre de rétention. Cette simple mise en scène d’une histoire d’amour entre migrantes devient en soi un geste politique. Dreamers donne voix à celles que l’on voit rarement à l’écran : des femmes migrantes queer, contraintes à l’invisibilité, mais qui trouvent malgré tout dans l’amour et l’amitié des raisons de continuer à rêver. Dreamers s’inscrit dans une tradition de cinéma queer engagé où la mémoire personnelle et la fiction se rejoignent pour rappeler que, même derrière des portes closes, l’espoir et la tendresse tracent le chemin vers la liberté.
INFOS | Dreamers sera présenté dans le cadre de la 38e édition d’Image+Nation qui se tiendra du 20 au 30 novembre prochain.