Le célèbre passage piéton arc-en-ciel de Miami Beach n’existe plus. Dans la nuit du 6 octobre, des équipes du Département des transports de Floride (FDOT) ont recouvert d’asphalte les pavés colorés de l’intersection d’Ocean Drive et de la 12e rue, au cœur du quartier touristique et historique de la ville. L’opération, menée sans préavis, intervient après la décision de la Floride d’interdire tout marquage routier jugé « non standard » ou porteur d’un message social, politique ou idéologique.
Inauguré en 2018, ce croisement décoré de motifs Art déco multicolores était devenu un symbole de fierté et de résilience pour la communauté LGBTQ+ locale. Conçu dans le respect des normes fédérales de sécurité, il figurait parmi les intersections les plus sûres de Miami Beach, selon les autorités municipales. Mais la ville a perdu l’appel qu’elle avait déposé contre l’ordre de retrait émis en août par l’État, sous peine de sanctions financières.
Pour de nombreux habitants et militants, cette décision apparaît d’autant plus contestable que l’État fait face à une grave crise de violences par armes à feu, avec des centaines de morts chaque année et peu de mesures de prévention. Les taxes publiques, détournées pour recouvrir un symbole de fierté, contrastent avec l’absence d’actions concrètes pour protéger les citoyens.
« Ces briques racontaient l’histoire de personnes qui ont subi des décennies d’injustice et de discrimination avant d’être reconnues et célébrées », a déclaré Alex Fernandez, commissaire municipal ouvertement gay, lors d’un rassemblement organisé sur place. « On peut enlever les couleurs, pas les valeurs qu’elles représentent », a-t-il ajouté. Autour de lui, habitants, militants et drag queens ont scandé « Miami Beach, forever proud », tandis que les engins de chantier terminaient d’effacer le symbole.
Le FDOT justifie sa décision par des arguments de sécurité routière et de cohérence visuelle. Ses équipes ont reçu pour instruction de supprimer environ 400 marquages similaires dans tout l’État, y compris ceux honorant les victimes de la tuerie du Pulse Nightclub à Orlando, peints en noir et blanc malgré les protestations. Les autorités locales affirment avoir été tenues à l’écart du calendrier des opérations.
Sous l’impulsion du gouverneur républicain Ron DeSantis, l’État a adopté ces dernières années plusieurs mesures controversées, dont la loi dite Don’t Say Gay, limitant la mention de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre à l’école, et des restrictions aux soins de transition pour les personnes transgenres.
« C’est un abus de pouvoir et une atteinte à la liberté d’expression », a réagi un habitant cité par le Miami Herald. Les pavés retirés ont été récupérés par la municipalité, qui envisage de les réutiliser dans un futur projet commémoratif.
Malgré la disparition du passage, les défenseurs des droits LGBTQ+ promettent de maintenir la visibilité acquise de haute lutte dans l’espace public. « Miami Beach a toujours été un refuge pour notre communauté. Le symbole a disparu, mais la fierté demeure », a résumé un militant présent sur place.
Il s’agit d’un nouvel exemple d’effacement symbolique, alors même que des enjeux de sécurité et de protection de vies humaines restent largement ignorés.