Perché dans un village de montagne en Grèce, Bearcave (La caverne de l’ours) trace les contours sensibles d’une amitié féminine où s’éveille un amour inavoué. Le film, premier long métrage des coréalisateurs Stergios Dinopoulos et Krysianna Papadakis, s’inspire à la fois des mythes anciens et des réalités contemporaines pour livrer un récit à la fois poétique, sensuel et profondément queer.
Au cœur du récit, Argyro, une agricultrice au caractère bien trempé, partage tout avec son amie Anneta, la coqueluche du village et manucure locale. Mais quand Anneta annonce qu’elle est enceinte et qu’elle s’apprête à quitter Tirna avec son petit ami policier, Argyro propose une dernière aventure : gravir la montagne voisine à la recherche d’une grotte mythique où, dit-on, les femmes peuvent renaître. Ce voyage devient une quête spirituelle et amoureuse. Avant qu’Argyro ait le courage d’avouer ses sentiments, Anneta part pour la ville — et la laisse en ruine. Mais dans sa nouvelle vie, prisonnière d’une belle-famille étouffante, Anneta comprend bientôt que son destin est ailleurs.


Une mythologie queer et féministe
Les montagnes grecques, témoins silencieux de millénaires de récits héroïques, deviennent ici le théâtre d’une autre forme de courage : celui de s’aimer en dehors des conventions. Bearcave revisite les codes du mythe pour en faire un terrain d’émancipation féminine et de désir interdit. L’ascension vers la grotte, métaphore d’un passage entre le réel et le sacré, agit comme un miroir intérieur : les héroïnes cherchent à s’élever, à se retrouver, à s’affranchir de ce que le monde attend d’elles.
À travers leur complicité, Dinopoulos et Papadakis sondent la frontière trouble entre amitié, amour et transformation. Leur mise en scène, volontairement ambiguë, laisse planer le mystère sur les véritables sentiments des deux femmes, tout en laissant affleurer la tendresse, la jalousie et le manque. Le film ne cherche pas à tout expliquer : il invite plutôt à ressentir, à observer ces élans du cœur qui échappent à toute logique.
Une esthétique envoûtante
Tourné dans des paysages ruraux rarement montrés au cinéma grec, Bearcave se distingue par sa beauté visuelle. Lumières vibrantes, palette saturée, mouvements de caméra mesurés — chaque plan respire la majesté brute de la nature et la poésie du désordre intérieur. La musique, planante et mystérieuse, amplifie cette atmosphère de rêve éveillé où les émotions se confondent avec les éléments.
Si le film avance à un rythme contemplatif, sa lenteur n’est jamais vaine. Elle permet aux personnages, comme au spectateur, d’habiter le silence, de sentir le poids du non-dit et la force des liens qui se défont. Derrière sa structure volontairement opaque, Bearcave révèle peu à peu son cœur : un hommage à la fluidité des identités, à la puissance de l’amitié féminine et à la douleur de l’amour impossible.
Sous ses airs de fable pastorale, Bearcave est une œuvre profondément queer — un film sur les métamorphoses intérieures, la découverte du désir et la résistance à l’ordre établi. Dans le sillage d’Argyro et d’Anneta, Dinopoulos et Papadakis signent une ode à celles qui, entre terre et ciel, apprennent à se reconnaître, à se perdre et à renaître.
INFOS : Ce film sera présenté dans la cadre du festival image+nation, qui se tiendra du 20 au 30 novembre 2025. Pour vous procurer des billets https://image-nation.org/festival-2025

