Disons-le d’entrée de jeu : les chorégraphies d’Hervé Koubi font du bien. Elles agissent comme un baume dans un monde où l’inquiétude prend trop souvent le dessus. Le chorégraphe l’a bien compris : la danse rassemble, crée du lien, ouvre des espaces de partage et, surtout, porte l’espoir. Du 13 au 17 janvier prochains, dans le cadre de Danse Danse, il présentera son plus récent opus, Sol Invictus (le « soleil invaincu et invincible »), entouré de 17 interprètes pour une véritable cérémonie, une invitation à célébrer la joie et la lumière.
Hervé Koubi est considéré comme un créateur à part. Depuis la fondation de sa compagnie en 2000, il s’attache à bousculer les codes et les genres, refusant tout enfermement. Au contraire, il revendique une ouverture totale : de la danse populaire d’une fête de village aux danses urbaines, en passant par la danse classique. Pour lui, les styles ne s’opposent pas : ils se rencontrent, se croisent, se fondent et font corps. Ce sera la deuxième présence de la compagnie à Montréal. En 2017, il présentait Les nuits barbares ou les premiers matins du monde, un spectacle imaginé avec de jeunes Algériens rencontrés dans la rue, étonnés de se retrouver entraînés dans une aventure qui les mènerait sur les scènes du monde.
Pour Koubi, la danse est un acte de résistance et une affirmation de la vie, une étincelle de sens face à l’immensité de l’univers. Avec Sol Invictus, Koubi signe une véritable ode à l’amour de la danse. « C’est une déclaration d’amour à la danse, comme il le dit lui-même », confie Guillaume Gabriel, codirecteur et cofondateur de la compagnie. « Pour y arriver, nous sommes allés à la rencontre d’interprètes d’origines différentes et de formations très diverses afin de créer un tiers espace, entre l’écriture d’Hervé, le rapport à la musique et à la dramaturgie. Une rencontre où l’on retrouve bien sûr la fougue des danseurs et des danseuses, mais aussi tout leur savoir-faire, leur culture et leurs histoires individuelles. »
La pièce met en lumière la force du lien entre les êtres, au-delà des frontières et des cultures. Elle se caractérise par une énergie débordante, avec des mouvements qui mêlent physicalité hip-hop et élévation classique. La danse, quelle qu’elle soit, porte un dénominateur commun : elle appartient à toutes les cultures et offre un langage universel dans lequel chacun et chacune peut se reconnaître. « Nous nous sommes rendu compte, Hervé et moi, qu’il n’y avait pas réellement de frontières entre les styles, qu’ils soient institutionnels, populaires, traditionnels ou nés dans la rue. Dans tous les cas, ce sont toujours des célébrations dont on peut s’émerveiller, qui réenchantent le monde. Aujourd’hui, on ne s’émerveille plus devant une simple fleur qui pousse, on ne s’émerveille plus vraiment ; la danse, elle, recrée un espace d’émerveillement. »
Le défi consiste alors à arrimer puis fusionner des interprètes aux parcours et styles très différents, sans tomber dans un simple patchwork. « Nous avons une danseuse originaire de Taïwan, d’autres venant d’Afrique du Nord ou d’Amérique du Sud, et certains issus de la formation classique du Grand Théâtre de Genève, poursuit Guillaume Gabriel. Il fallait trouver un langage commun. Les interprètes ont d’abord dû apprendre à se connaître et à s’écouter, jusque sur scène : être eux-mêmes tout en restant attentifs aux autres. C’est un travail immense. Et c’est au fil de ce processus qu’Hervé écrit la partition. Sol Invictus est une chorégraphie d’une grande précision. »
La musique occupe aussi une place essentielle dans cette évocation du soleil invincible. Mikael Karlsson, Maxime Bodson, Steve Reich et même Beethoven viennent renforcer le lyrisme de l’œuvre. « On voulait une musique lumineuse, pleine d’espoir, avec une forme de répétition, de circularité, pour tendre vers quelque chose qui nous élève », conclut Guillaume Gabriel, qui signe également les arrangements et les costumes. Sol Invictus devient ainsi une immense célébration de la vie, porteuse d’un message d’espérance, d’amour du collectif, d’humanité — une manière de conjurer la noirceur du monde. Un geste dont nous avons, plus que jamais, besoin.
INFOS | SOL INVICTUS, une chorégraphie d’Hervé Koubi, présentée au Théâtre Maisonneuve à Montréal, du 13 au 17 janvier 2026, dans le cadre de Danse Danse.
http://www.dansedanse.ca
