Samedi, 20 septembre 2025
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    Bisexualité : un silence persistant malgré une plus grande visibilité LGBTQ+

    Au Québec, les dernières décennies ont vu de grands progrès pour les communautés LGBTQ+. Mariage pour tous, campagnes de sensibilisation, visibilité accrue dans les médias: l’égalité a franchi d’importantes étapes. Pourtant, un pan entier de cette diversité reste encore largement incompris et invisibilisé : la bisexualité. Selon certaines études canadiennes, une grande part des personnes LGBTQ+ s’identifient comme bisexuelles. Pourtant, elles sont rarement mises de l’avant. Coincées entre deux pôles – l’hétéronormativité et l’homosexualité – elles subissent une double marginalisation.

    « Quand je suis en couple avec une femme, on me dit que je suis lesbienne. Quand je suis avec un homme, on me perçoit comme hétéro. C’est comme si ma bisexualité n’existait jamais », confie Marianne, 27 ans, une jeune professionnelle de Montréal.

    Les mythes tenaces

    La bisexualité est encore souvent perçue comme une « phase » avant de « choisir son camp », une curiosité passagère ou même une forme de confusion. Ces préjugés sont particulièrement lourds pour les personnes concernées.

    « Le mythe de l’indécision est très destructeur, souligne Maxime, un Lavalois de 38 ans. Il invalide les expériences bi et crée de l’anxiété. Je suis convaincu que plusieurs jeunes hésitent à se définir bisexuels parce qu’ils craignent de ne pas être crus. »

    Cette invalidation se retrouve autant dans les cercles hétérosexuels que dans certains milieux LGBTQ+, où des personnes bi se sentent parfois jugées comme «pas assez queer».

    L’invisibilité et ses conséquences

    Les impacts de cette invisibilité sont mesurables. Les recherches nord-américaines montrent que les personnes bisexuelles sont plus à risque de vivre de l’isolement, de la dépression et des problèmes de santé mentale que les personnes gais et lesbiennes. La stigmatisation accentue ce mal-être.

    Gabriel, 35 ans, originaire de Québec, en témoigne : « J’ai mis des années à m’accepter comme bisexuel. J’avais peur de ne pas être pris au sérieux. Même dans la communauté LGBTQ+, j’entendais des commentaires du genre : “Tu n’es pas vraiment gai, tu es juste curieux.” Ça m’a tellement freiné dans mon parcours. »

    Des modèles qui changent la donne

    La représentation médiatique joue un rôle crucial. Au Québec, quelques personnalités publiques ont commencé à parler ouvertement de leur bisexualité, contribuant à normaliser cette orientation. Mais les exemples restent trop rares et souvent stéréotypés.

    Les personnages bisexuels à la télé sont souvent hypersexualisés ou présentés comme instables. Ce sont des clichés qui réduisent la bisexualité à des comportements plutôt qu’à une identité légitime.

    Pour les jeunes, voir des modèles diversifiés et affirmés est essentiel. Dans certaines écoles, des ateliers organisés par des organismes comme Jeunesse Lambda permettent justement de rencontrer des personnes bi+ et de briser les tabous.

    La force du milieu communautaire

    À Montréal comme ailleurs, les organismes LGBTQ+ multiplient les initiatives pour visibiliser la bisexualité. Jeunesse Lambda, GRIS-Montréal, le Centre communautaire LGBTQ+, le Festival Imge+nation, le Festival Fierté Montréal et d’autres regroupements offrent des espaces — régulièrement ou ponctuellement — où les personnes bi peuvent se sentir entendues. Ces organismes insistent aussi sur l’importance d’élargir la conversation au-delà du seul mot «bisexuel». Le terme « bi+ » regroupe la bisexualité, la pansexualité, la fluidité sexuelle et d’autres réalités. «Plus on élargit le vocabulaire, plus les gens se sentent inclus, explique Amélie membre d’un groupe de soutien bi+. La bisexualité n’est pas une case fixe, c’est un spectre. Ça permet aux gens de respirer.»

    Les défis relationnels

    La vie amoureuse et sexuelle des personnes bisexuelles est souvent scrutée à la loupe. Les préjugés abondent : supposés infidèles, hypersexuels ou incapables de stabilité. Des clichés qui pèsent lourd dans les relations. «Quand je dis à un partenaire que je suis bi, la réaction la plus fréquente, c’est la jalousie, raconte Marianne. On me demande si je vais finir par “choisir” ou si je vais avoir envie d’aller voir ailleurs. Mais être bi ne veut pas dire qu’on veut tout le monde en même temps!» Ces perceptions erronées alimentent une méfiance injustifiée qui complique parfois la construction de relations durables.

    Les nouvelles générations : une fluidité assumée

    Malgré ces obstacles, un vent de changement souffle. Les jeunes générations, au Québec comme ailleurs, semblent beaucoup plus ouvertes à la fluidité sexuelle. Dans les sondages, un nombre croissant de jeunes refusent de se définir strictement comme hétéro, homo ou bi.

    « Les adolescents d’aujourd’hui questionnent davantage les étiquettes », observe Maxime. « Ils parlent de fluidité, de pansexualité, d’attirances qui évoluent. Ça ouvre la porte à une reconnaissance plus large des réalités bi+.» Cette évolution des mentalités laisse entrevoir un avenir où la bisexualité sera mieux comprise et pleinement reconnue.

    Vers une société plus inclusive

    La route est encore longue, mais les pas en avant se multiplient. Les campagnes de sensibilisation, la recherche universitaire et le travail des organismes communautaires contribuent à déconstruire les préjugés.

    Pour Gabriel, l’important est de continuer à créer des espaces sécuritaires :« J’ai fini par trouver ma place dans un groupe de soutien bi+. Ça m’a aidé à voir que je n’étais pas seul, que ma bisexualité n’avait rien de “moins vrai”. Aujourd’hui, je m’assume davantage et je milite pour que les jeunes n’aient pas à vivre ce que j’ai vécu. »

    La bisexualité, loin d’être une indécision, est une orientation sexuelle à part entière. Sa reconnaissance passe par une écoute sincère, une visibilité accrue et une volonté collective de briser le silence.

    Notez que la Journée de la Visibilité Bisexuelle (ou Journée internationale de la visibilité de la bisexualité) a lieu chaque année le 23 septembre pour célébrer et reconnaître les personnes bisexuelles, leur histoire, leur culture et leur communauté. 

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