Vendredi, 29 mars 2024
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    Christian Dorsan à la croisée de l’identité et du désir

    Auteur prolifique, Christian Dorsan compte à son actif plusieurs romans qui, bien qu’ils explorent des univers en apparence éloignés, n’en partagent pas moins davantage qu’il ne semble au premier abord.

    En effet, malgré des différences de lieux, de tons, de trames et de genres, chacun des titres porte en filigrane un personnage qui se heurte à une double notion de questionnement identitaire : celle que ses proches cherchent à lui imposer, généralement assez corsetée, et celle qu’il cherche à exprimer, qui est beaucoup plus fluide, presque flottante. Qu’on se rassure : les récits ne sont pas constitués de longs soliloques intérieurs, tout au contraire. Les personnages sont résolument ancrés dans la réalité, que ce soit dans le cadre d’une enquête, d’une fuite devant le bonheur d’un ex, du regard sur l’immigré et le handicap ou d’un affrontement entre un père et son fils. N’en demeure pas moins toujours présente cette confrontation entre une recherche de soi et une typologie sociale imposée. Dans Les innocents, Amézain découvre le plaisir dans un parc où il croise des hommes mariés. Est-il gai? Il l’ignore et se dit même que si le parc disparaissait, il ferait sans doute autre chose.

    C’est dans la même veine qu’il s’insurge du fait qu’on ne voie bien souvent en lui qu’un immigré ou un homme souffrant d’une déficience intellectuelle. Dans Le quart d’heure bagnolais, Delarque est amené à enquêter sur un meurtre sordide impliquant drogue et prostitution masculine. Il demeure indifférent face aux questionnements de ses collègues sur ses appétences sexuelles jusqu’à ce que le dernier chapitre nous en révèle la véritable nature. La suite, À quel sein se vouer?, le confronte au meurtre d’une mère qui semble lié à la découverte de l’homosexualité de son fils. Questionné par une collègue soucieuse de vérifier s’il pourra demeurer objectif dans un tel contexte, Delarque lui retourne la question à propos des affaires hétérosexuelles. Celui de nous deux qui part le premier présente un fils de bonne famille étouffé sous les dictats de la petite bourgeoisie. Sa rencontre avec un autre lycéen, frère d’une jeune fille dont il est amoureux, l’amène à repenser qui il est. Il hésite cependant à s’enfermer dans une étiquette, puisque ce serait trahir une identité qu’il n’est pas certain d’encore maitriser. Mais la société lui permettra-t-elle ce luxe ou se fera-t-il imposer un «choix»?

    Finalement, Boutique Hôtel nous entraine dans le sillage d’un homme qui fuit le mariage annoncé de son ex en se payant un voyage impromptu. Jusqu’alors, il existait en tant que «conjoint de» puis il est devenu «ex de». Entre ces deux pôles s’est mise en place une période de «colocation amoureuse» pendant laquelle il n’était ni tout à fait l’un ni tout à fait l’autre. Qu’est-il donc dorénavant? Cette prose riche met en scène des personnages complexes avec, en filigrane, des questionnements sur la nature fondamentale de ce que nous sommes. 6

    INFOS | Les innocents / Christian Dorsan. [France] : La P’tite Hélène, 2018. 144p.

    Le quart d’heure bagnolais / Christian Dorsan. [France] : Les Presses Littéraires, 2017. 90p.

    À quel sein se vouer? / Christian Dorsan. [France] : Les Presses Littéraires, 2019. 152p.

    Celui de nous deux qui part le premier / Christian Dorsan. [France] : Vibration éditions, 2019. 100p.

    Boutique Hôtel / Christian Dorsan. [France] : Vibration Éditions, 2020. 162p.

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